L’Encyclopédie/1re édition/LUPERQUES
LUPERQUES, s. m. pl. luperci, (Littér.) prêtres préposés au culte particulier du dieu Pan, & qui célébroient les lupercales. Comme on attribuoit leur institution à Romulus, ces prêtres passoient pour les plus anciens qui ayent été établis à Rome.
Ils étoient divisés en deux communautés, celle des Quintiliens & celle des Fabiens, pour perpétuer, dit-on, la mémoire d’un Quintilius & d’un Fabius, qui avoient été les chefs, l’un du parti de Romulus, & l’autre de celui de Rémus. Cicéron, dans son discours pour Cœlius, traite le corps des luperques de société agreste, formée avant que les hommes fussent humanisés & policés. Cependant César, qui avoit besoin de créatures dans tous les ordres, fit ériger par son crédit & en son honneur, un troisieme college de luperques, auquel il attribua de bons revenus. Cette troisieme communauté fut nommée celle des Juliens, à la gloire du fondateur : c’est ce que nous apprennent Dion, liv. XLIV. & Suétone dans sa vie de César, ch. ixxvj.
Marc Antoine pour flatter son ami, se fit aggréger à ce troisieme collége ; & quoiqu’il fût consul, il se rendit, graissé d’onguens & ceint par le corps d’une peau de brebis, à la place publique, où il monta sur la tribune dans cet ajustement, pour y haranguer le peuple. Cicéron en plein sénat lui reprocha cette indécence, que n’avoit jamais commise avant lui, non seulement aucun consul, mais pas même aucun prêteur, édile ou tribun du peuple. Marc-Antoine tâcha de justifier sa conduite par sa qualité de luperque, mais Cicéron lui répondit que la qualité de consul qu’il avoit alors devoit l’emporter sur celle de luperque, & que personne n’ignoroit que le consulat ne fût une dignité de tout le peuple, dont il falloit conserver par-tout la majesté, sans la deshonorer comme il avoit fait.
Pour ce qui regarde les cérémonies que les luperques devoient observer en sacrifiant, elles étoient sans doute assez singulieres, vu qu’entr’autres choses il y falloit deux jeunes garçons de famille noble qui se missent à rire avec éclat lorsque l’un des luperques leur avoit touché le front avec un couteau sanglant, & que l’autre le leur avoit essuyé avec de la laine trempée dans du lait. Voyez là-dessus Plutarque dans la vie de Romulus.
Quant aux raisons pour quoi ces prêtres étoient nuds avec une simple ceinture pendant le service divin, voyez Ovide, qui en rapporte un grand nombre au II. liv. des fastes. Il y en a une plaisante tirée de la méprise de Faunus, c’est à-dire du dieu Pan, amoureux d’Omphale, qui voyageoit avec Hercule. Elle s’amusa le soir à changer d’habit avec le héros ; Faunus, dit Ovide, après avoir fait le récit de cette avanture, prit en horreur les habits qui l’avoient trompé, & voulut que ses prêtres n’en portassent point pendant la cérémonie de son culte. (D. J.)