L’Encyclopédie/1re édition/MÉDITATION

La bibliothèque libre.

MÉDITATION, s. f. (Gramm.) opération de l’esprit qui s’applique fortement à quelque objet. Dans la méditation profonde, l’exercice des sens extérieurs est suspendu, & il y a peu de différence entre l’homme entierement occupé d’un seul objet, & l’homme qui rêve, ou l’homme qui a perdu l’esprit. Si la méditation pouvoit être telle que rien ne fût capable d’en distraire, l’homme méditatif n’appercecevant rien, ne répondant à rien, ne prononçant que quelques mots décousus qui n’auroient de rapports qu’aux différentes faces sous lesquelles il considéreroit son objet ; rapports éloignés que les autres ne pourroient lier que rarement, il est certain qu’ils le prendroient pour un imbécille. Nous ne sommes pas faits pour méditer seulement, mais il faut que la méditation nous dispose à agir, ou c’est un exercice méprisable. On dit, cette question est épineuse, elle exige une longue méditation. L’étude de la morale qui nous apprend à connoître & à remplir nos devoirs, vaut mieux que la méditation des choses abstraites. Ce sont des oisifs de profession qui ont avancé que la vie méditative étoit plus parfaite que la vie active. L’humeur & la mélancolie sont compagnes de la méditation habituelle : nous sommes trop malheureux pour obtenir le bonheur en méditant ; ce que nous pouvons faire de mieux, c’est de glisser sur les inconvéniens d’une existence telle que la nôtre. Faire la méditation chez les dévots, c’est s’occuper de quelque point important de la religion. Les dévots distinguent la méditation de la contemplation ; mais cette dictinction même prouve la vanité de leur vie. Ils prétendent que la méditation est un état discursif, & que la contemplation est un acte simple permanent, par lequel on voit tout en Dieu, comme l’œil discerne les objets dans un miroir. A s’en tenir à cette distinction, je vois qu’un méditatif est souvent un homme très-inutile, & que le contemplatif est toujours un insensé. Il y a cette distinction à faire entre méditer un projet & méditer sur un projet, que celui qui médite un projet, une bonne, une mauvaise action, cherche les moyens de l’exécution ; au lieu que la chose est faite pour celui qui médite sur cette chose ; il s’efforce seulement à la connoître, afin d’en porter un jugement sain.