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L’Encyclopédie/1re édition/MACCHABÉES, livre des

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MACCHABÉES, livre des, (Critiq. sacrée.) nous avons quatre livres sous ce nom, qui méritent quelques détails approfondis.

Les livres qui contiennent l’histoire de Judas & de ses freres, & leurs guerres avec les rois de Syrie, pour la défense de leur religion & de leur liberté, sont appellés le premier & le second livre des Macchabées ; le livre qui fait l’histoire de ceux qui pour la même cause, avoient été exposés à Aléxandrie aux éléphans de Philopator, est aussi appellé le troisieme des Macchabées ; & celui du martyre d’Eléazar & des sept freres, avec leur mere, écrit par Josephe, est nommé le quatrieme.

Le premier approche plus du style & du génie des livres historiques du canon qu’aucun autre livre ; il fut écrit en chaldaïque, tel qu’on le parloit à Jérusalem, qui étoit la langue vulgaire de toute la Judée, depuis le retour de la captivité de Babylone. Il se trouvoit encore dans cette langue du tems de saint Jérôme ; car il dit in prologo galeato, qu’il l’avoit vû. Le titre qu’il avoit alors, étoit sharbit sat bene el ; le sceptre du prince des fils de Dieu, titre qui convenoit fort bien à Judas, ce brave général du peuple de Dieu persécuté. Voyez Origenes in comment. ad psalm. vol. I. p. 47. & Eusebe, hist. eccl. VI. 25.

Quelques savans conjecturent qu’il a été écrit par Jean Hyrcan, fils de Simon, qui fut près de trente ans prince des Juifs & souverain sacrificateur, & qui entra dans cette charge au tems où finit l’histoire de ce livre. Il y a beaucoup d’apparence qu’il fut écrit effectivement de son tems, immédiatement après ces guerres, ou par lui-même, ou par quelqu’un sous lui : car il ne va pas plus loin que le commencement de son gouvernement, & comme on s’y sert des archives, & que l’on y renvoye dans cette histoire, il faut qu’elle ait été composée sous les yeux de quelqu’un qui fût en autorité.

Elle fut traduite du chaldaïque en grec, & ensuite du grec en latin. La version angloise est faite sur le grec. On croit que ce fut Théodotion qui la mit le premier en grec : mais il y a apparence que cette version est plus ancienne, parce qu’on voit que des auteurs aussi anciens que lui, s’en sont servis, comme Tertullien, Origene, & quelques autres auteurs.

Le second livre des Macchabées, est un recueil de différentes pieces ; on ne sait point du tout qui en est l’auteur. Il commence par deux lettres des Juifs de Jérusalem, à ceux d’Aléxandrie en Egypte ; pour les exhorter à célébrer la fête de la dédicace du nouvel autel que fit faire Judas, quand il purifia le temple. Cette dédicace s’observoit le vingt-cinquieme jour de leur mois de Cisleu. La premiere de ces lettres est de l’an 169 de l’ere des Séleucides, c’est-à-dire, de l’an 144 avant J. C. & contient les neuf premiers versets du premier chapitre. La seconde est de l’an 188 de la même ere, ou de l’an 125 avant J. C. & commence au verset 10 du j ch. & finit au 18. du suivant.

L’une & l’autre de ces lettres paroissent supposées ; il n’importe où le compilateur les a prises. La premiere appelle très-mal à-propos la fête de la dédicace, la fête des tabernacles du mois de Cisleu. Car quoiqu’ils pussent bien porter à la main quelque verdure pour marque de joie dans cette solemnité, ils ne pouvoient pas au cœur de l’hiver, coucher dans des cabinets de verdure, comme on faisoit à la fête des tabernacles. Ils n’auroient pas même trouvé assez de verdure pour en faire. Pour la seconde lettre, outre qu’elle est écrite au nom de Judas Macchabée, mort il y avoit alors trente-six ans, elle contient tant de fables & de puérilités, qu’il est impossible qu’elle ait été écrite par le grand conseil des Juifs, assemblé à Jerusalem pour toute le nation, comme on le prétend.

Ce qui suit dans ce chapitre, après cette seconde lettre, est la préface de l’auteur de l’abrégé de l’histoire de Jason, qui commence au 1. verset du iij. chapitre, & continue jusqu’au 37. du dernier. Les deux versets qui suivent sont la conclusion de l’auteur. Le Jason de l’histoire, dont presque tout ce livre ne contient que l’abregé, étoit un juif helléniste de Cyrene, descendu de ceux qui y avoient été envoyés par Ptolomée Soter. Il avoit écrit en grec, en cinq livres, l’histoire de Judas Macchabée & de ses freres ; la purification du temple de Jérusalem, la dédicace de l’autel, & les guerres contre Antiochus Epiphanes & son fils Eupator : ce sont ces cinq livres dont cet auteur donne ici l’abrégé.

C’est de cet abrégé fait aussi en grec, & des pieces dont j’ai parlé, qu’il a composé le recueil qui porte le titre de second livre des Macchabées. Cela prouve que l’auteur étoit aussi helléniste, & apparemment d’Aléxandrie ; car il y a une expression particuliere qui revient souvent dans ce livre, qui en est une sorte preuve ; c’est qu’en parlant du temple de Jérusalem, il l’appelle toujours le grand temple ; ce qui en suppose véritablement un moindre, & ce plus petit ne peut être que celui d’Egypte, bâti par Onias.

Les Juifs d’Egypte regardoient cette derniere maison comme une fille de la premiere, à qui ils faisoient toujours honneur comme à la mere. Alors il étoit naturel qu’ils la traitassent de grand temple, parce qu’ils en avoient un moindre ; ce que les Juifs des autres pays n’auroient pas pu faire ; car aucun d’eux ne reconnoissoit ce temple d’Egypte, & ils regardoient même comme schismatiques tous ceux qui offroient des sacrifices en quelqu’endroit que ce fût, excepté dans le temple de Jérusalem. Par conséquent, ce ne peut être qu’un Juif d’Egypte qui reconnoissoit le petit temple d’Egypte aussi bien que le grand temple de Jérusalem, qui se soit exprimé de cette maniere, & qui soit l’auteur de ce livre. Et comme de tous les Juifs d’Egypte, ceux d’Alexandrie étoient les plus polis & les plus savans, il y a beaucoup d’apparence que c’est-là qu’il a été écrit, mais ce second livre n’approche pas de l’exactitude du premier.

On y trouve même quelques erreurs palpables ; par exemple, c. iv. l’auteur dit que Ménélaüs qui obtint la souveraine sacrificature, étoit frere de Simon le Benjamite de la famille de Tobie. Or cela ne se peut pas ; car il n’y avoit que ceux de la famille d’Aaron qui pussent être admis à la charge de souverains pontifes. Josephe est plus croyable dans cette rencontre ; il dit positivement, Antiq. liv. XII. c. vj. que Ménélaüs étoit frere d’Onias & de Jason, & fils de Simon II. qui avoit été souverain sacrificateur, & qu’il fut le troisieme de ses fils qui parvint à cette charge. Son premier nom étoit Onias, comme celui de son frere aîné ; mais entêté aussi bien que Jason, des manieres des Grecs ; il en prit un grec à son imitation, & se fit appeller Ménélaüs. Son pere & son frere aîné avoient été des hommes d’une grande vertu & d’une grande piété : mais il aima mieux suivre l’exemple de ce Jason que le leur ; car il l’imita dans sa fourberie, dans sa mauvaise vie, & dans son apostasie, & porta même toutes ces choses à de plus grands excès.

On remarque encore dans le second livre des Macchabées, chap. xj. V. xxj. des fautes d’un autre genre. Par exemple, ch. xj. v. xxj. il est parlé d’une lettre de Lysias datée du mois Dioscorinthius (dans la vulgate Dioscorus, l’an 148) ; mais ces deux mois ne se trouvent ni dans le calendrier syro-macédonien ni dans aucun autre de ces tems-là. Usserius & Scaliger conjecturent que c’étoit un mois intercalaire que l’on plaçoit entre les mois de Dystrus & de Xanthicus dans le calendrier des Chaldéens, comme on mettoit le mois de Véadar entre ceux d’Adar & de Nisan dans celui des Juifs. Mais comme il est constant que les Chaldéens, les Syriens, & les Macédoniens n’avoient pas l’usage des mois intercalaires, il vaut mieux dire que Dioscorinthius ou Dioscorus est une faute de copiste, faite peut-être au lieu du mot Dystrus, qui est le nom d’un mois qui précede celui de Xanthicus dans le calendrier syro-macédonien.

Enfin, il paroît que les deux premiers livres des Macchabées sont de différens auteurs ; car en se servant tous deux de l’ere des Séleucides dans leurs dates, le premier de ces deux livres fait commencer cette ere au printems, & l’autre à l’automne de la même année.

Quoiqu’il en soit, il y a dans les polyglottes de Paris & de Londres, des versions syriaques des deux premiers livres des Macchabées ; mais elles sont assez modernes, & toutes deux faites sur le grec, quoiqu’elles s’en écartent quelquefois.

Passons au troisieme livre des Macchabées. On sait que ce nom de Macchabées fut donné d’abord à Judas & à ses freres ; & c’est pourquoi le premier & le second livre qui portent ce nom, contiennent leur histoire. Comme ils avoient souffert pour la cause de la Religion, il arriva que dans la suite les Juifs appellerent insensiblement Macchabées, tous ceux qui souffroient pour la même cause, & rendoient par leurs souffrances témoignage à la vérité. C’est ce qui fait que Josephe écrivant dans un traité particulier l’histoire de ceux qui avoient souffert le martyre dans la persécution d’Antiochus Epiphanes, donne le titre de Macchabées à son livre. C’est par la même raison que cette histoire de la persécution de Ptolomée Philopator contre les Juifs d’Egypte, est appellée le troisieme livre des Macchabées, quoique ce dût être le premier ; parce que les événemens qui y sont racontés, sont antérieurs à ceux des deux livres des Macchabées, qu’on appelle le premier & le second, dont les héros n’existoient pas encore. Mais ce livre n’étant pas de même poids que les deux dont il s’agit, on l’a mis après eux par rapport à la dignité, quoiqu’il soit avant eux dans l’ordre des tems.

Il y a apparence qu’il a été écrit en grec par quelque juif d’Alexandrie, peu de tems après le fils de Sirach. Il est aussi en syriaque ; mais l’auteur de cette version n’entendoit pas bien le grec, car dans quelques endroits il s’écarte du sens de l’original ; & il est visible que c’est faute d’avoir entendu la langue greque. Il se trouve dans les plus anciens manuscrits des Septante, particulierement dans celui d’Alexandrie, qui est dans la bibliotheque du roi d’Angleterre à S. James, & dans celui du vatican à Rome, deux des plus anciens manuscrits de cette version qui soient au monde. Mais on ne l’a jamais mis dans la vulgate latine ; il n’y a pas un seul manuscrit qui l’ait. Je conviens que ce troisieme livre des Macchabées porte un habit de roman, avec des embellissemens & des additions qui sentent l’invention d’un juif. Cependant il est sûr que le fond de l’histoire est vrai, & qu’il y a eu réellement une persécution excitée par Philopator contre les Juifs d’Alexandrie, comme ce livre le dit. On a des relations d’autres persécutions aussi cruelles qu’ils ont eues à essuyer, dont personne ne doute. Voyez le livre de Philon contre Flaccus, & son histoire de l’ambassade auprès de Caligula.

Le premier ouvrage authentique qui fasse mention du troisieme livre des Macchabées, est la Chronique d’Eusebe, pag. 185. Il est aussi nommé avec les deux autres livres des Macchabées dans le 85e. canon apostolique, mais on ne sait pas quand ce canon a été ajoûté aux autres. Quelques manuscrits des bibles greques ont, outre ce troisieme livre des Macchabées, l’histoire des martyrs de Josephe sous le regne d’Anthiocus Epiphanes, sous le nom du quatrieme livre des Macchabées ; mais on n’en fait aucun cas, & on ne l’a mis dans aucune des bibles latines. (D. J.)