L’Encyclopédie/1re édition/MAIORQUE, le royaume de
MAIORQUE, le royaume de (Géogr.) petit royaume qui comprenoit les îles de Maiorque, de Minorque, d’Ivica, & quelques annexes, tantôt plus, tantôt moins. Les Maures s’étant établis en Espagne, assujettirent ces îles, & fonderent un royaume ; mais Jacques, le premier des rois d’Arragon, leur enleva ce royaume en 1229 & 1230 ; enfin cent cinquante ans après, il fut réuni par dom Pedre, à l’Arragon, à la Castille, & aux autres parties qui composent la monarchie d’Espagne.
Maïorque, île de (Géogr.) Balearis major, île considérable de la Méditerranée, & l’une de celles que les anciens ont connues sous le nom de Baléares. Elle est entre l’île d’Ivica au couchant, & celle de Minorque au levant. On lui donne environ trente-cinq lieues de circuit.
Il semble que la nature se soit jouée agréablement dans la charmante perspective qu’elle offre à la vue. Les sommets de ses montagnes sont entr’ouverts, pour laisser sortir de leurs ouvertures des forêts d’oliviers sauvages. Les habitans industrieux ont pris soin de cultiver, & ont si bien choisi les greffes, qu’il n’y a guere de meilleures olives que celles qui en proviennent, ni de meilleure huile que celle qu’on en tire. Au bas des montagnes sont de belles collines où regne un vignoble qui fournit en abondance d’excellens vins ; ce vignoble commence une vaste plaine, qui produit d’aussi bon froment que celui de la Sicile. Une si belle décoration de terrein a fait appliquer ingénieusement aux Maïorquois ce passage du pseaume, à fructu frumenti & olei sui, multiplicati sunt. Le ciel y est sérain, le paysage diversifié de tous côtés ; un grand nombre de fontaines & de puits dont l’eau est excellente, réparent le manque de rivieres.
Cette île, qu’Alphonse I. roi d’Arragon, a conquise sur les Maures en 1229, n’est séparée de Minorque que par un détroit. Maïorque sa capitale, dont nous parlerons, & Alcudia, en sont les principaux lieux. C’est là qu’on fabrique la plûpart des réales & doubles réales, qui ont cours dans le commerce.
Les Maïorquois sont robustes, & d’un esprit subtil. Leur pays a produit des gens singuliers dans les arts & les sciences. Raimond Lulle y prit naissance en 1225. Ses ouvrages de Chimie & d’Alchimie sont en manuscrits dans la bibliotheque de Leyde. Il parcourut toute l’Europe, & se rendit auprès de Geber en Mauritanie, dans l’espérance d’apprendre de lui quelque remede pour guerir un cancer de sa maîtresse. Enfin il finit ses jours par être lapidé en Afrique, où il alla prêcher le christianisme aux infideles.
Maïorque, (Géogr.) les Latins l’ont connue sous le nom de Palma ; c’est une belle & riche ville, capitale de l’île de même nom, avec un évêché suffragant de Valence. On y compte huit à dix mille habitans, & on loue beaucoup la beauté des places publiques, de la cathédrale, du palais royal, & de la maison de contractation, où se traitent les affaires du commerce. Il y a dans cette ville un capitaine général qui commande à toute l’île, & une garnison contre l’incursion des Maures. Les Anglois prirent Maïorque en 1706, mais elle fut reprise en 1715, & depuis ce tems elle est restée aux Espagnols. Elle est au S. O. de l’île, avec un bon havre, à 29 lieues N. E. d’Ivica, 48 S. E. de Barcelone, 57 E. de Valence. Long. selon Cassini, 20. o. 4. lat. 39. 35. (D. J.)