L’Encyclopédie/1re édition/MALABAR, la côte de

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MALABAR, la côte de, (Géogr.) Quelques-uns comprennent sous ce nom toute la partie occidentale de la presqu’île de l’Inde en-deçà du Gange, depuis le royaume de Beylana au nord, jusqu’au cap Comorin au midi ; d’autres prennent seulement cette côte à l’extrémité septentrionale du royaume de Canare, & la terminent, comme les premiers, au cap Comorin.

Le Malabar peut passer pour le plus beau pays des Indes au-deçà du Gange : outre les villes qu’on y voit de tous côtés, les campagnes de riz, les touffes de bois de palmiers, de cocotiers, & autres arbres toujours verds ou chargés de fruits, les ruisseaux & les torrens qui arrosent les prairies & les paturages, rendent toutes les plaines également belles & riantes. La mer & les rivieres fournissent d’excellens poissons ; & sur la terre, outre la plûpart des animaux connus en Europe, il y en a beaucoup d’autres qui sont particuliers au pays. Le riz blanc & noir, le cardamome, les ananas, le poivre, le tamarin, s’y recueillent en abondance. Il suffit de savoir qu’on a mis au jour en Europe 12 tomes de plantes de Malabar, pour juger combien le pays est riche en ce genre.

Les Malabares de la côte sont noirs, ont les cheveux noirs, lisses & fort longs. Ils portent quantité de bracelets d’or, d’argent, d’ivoire, de cuivre ou d’autre métal ; les bouts de leurs oreilles descendent fort bas : ils y font plusieurs trous & y pendent toutes sortes d’ornemens. Les hommes, les femmes & les filles se baignent ensemble dans des bassins publiquement au milieu des villes. On marie les filles dès l’âge de huit ans. (M. Menuret.)

L’ordre de succession, soit pour la couronne, soit pour les particuliers, se fait en ligne féminine : on ne connoît les enfans que du côté de la mere, parce que les femmes sont en quelque maniere communes, & que les peres sont incertains.

Les Malabares sont divisés en deux ordres ou castes, savoir les nairos, qui sont les nobles, & les poliars, qui sont artisans, paysans ou pêcheurs. Les nairos seuls peuvent porter les armes & commercent avec les femmes des poliars tant qu’il leur plaît : c’est un honneur pour ces derniers. La langue du pays est une langue particuliere.

La religion des peuples qui l’habitent n’est qu’un assemblage de superstitions & d’idolatrie ; ils représentent leurs dieux supérieurs & inférieurs sous de monstrueuses figures, & mettent sur leurs têtes des couronnes d’argille, de métal, ou de quelqu’autre matiere. Les pagodes où ils tiennent ces dieux ont des murailles épaisses bâties de grosses pierres brutes ou de briques. Les prêtres de ces idoles laissent croître leurs cheveux sans les attacher ; ils sont nuds depuis la ceinture jusqu’aux genoux : les uns vivent du service des idoles, d’autres exercent la medecine, & d’autres sont courtiers.

Il est vrai qu’il y a eu des chrétiens jettés de bonne heure sur les côtes de Malabar, & au milieu de ces idolâtres. Un marchand de Syrie nommé Marc-Thomas, s’étant établi sur cette côte avec sa famille & ses facteurs au vj. siecle, y laissa sa religion, qui étoit le Nestorianisme. Ces sectaires orientaux s’étant multipliés, se nommerent les chrétiens de S. Thomas, & vécurent paisiblement parmi les idolâtres. (D. J.)