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L’Encyclopédie/1re édition/MAMMELUC

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MAMMELUC, s. m. (Hist. d’Egypte.) milice composée d’abord d’étrangers, & ensuite de conquérans ; c’étoit des hommes ramassés de la Circassie & des côtes septentrionales de la mer Noire. On les enrôloit dans la milice au Grand-Caire, & là on les exerçoit dans les fonctions militaires. Salah Nugiumeddin institua cette milice des mammelucs qui devinrent si puissans, que selon quelques auteurs arabes, ils éleverent en 1255 un d’entr’eux sur le trône. Il s’appelloit Abousaid Berkouk, nom que son maître lui avoit donné pour désigner son courage.

Sélim I. après s’être emparé de la Syrie & de la Mésopotamie, entreprit de soumettre l’Egypte. C’eut été une entreprise aisée s’il n’avoit eu que les Egyptiens à combattre ; mais l’Egypte étoit alors gouvernée & défendue par la milice formidable d’étrangers dont nous venons de parler, semblable à celle des janissaires qui seroient sur le trône. Leur nom de mammeluc signifie en syriaque homme de guerre à la solde, & en arabe esclave : soit qu’en effet le premier soudan d’Egypte qui les employa, les eût achetés comme esclaves ; soit plutôt que ce fût un nom qui les attachât de plus près à la personne du souverain, ce qui est bien plus vraisemblable. En effet, la maniere figurée dont on s’exprime en Orient, y a toûjours introduit chez les princes les titres les plus ridiculement pompeux, & chez leurs serviteurs les noms les plus humbles. Les bachas du grand-seigneur s’intitulent ses esclaves ; & Thamas Kouli-Kan, qui de nos jours a fait crever les yeux à Thamas son maître, ne s’appelloit que son esclave, comme ce mot même de Kouli le témoigne.

Ces mammelucs étoient les maitres de l’Egypte depuis nos dernieres croisades. Ils avoient vaincu & pris saint Louis. Ils établirent depuis ce tems un gouvernement qui n’est pas différent de celui d’Alger. Un roi & vingt-quatre gouverneurs de provinces étoient choisis entre ces soldats. La mollesse du climat n’affoiblit point cette race guerriere qui d’ailleurs se renouvelloit tous les ans par l’affluence des autres Circasses, appellés sans cesse pour remplir ce corps toûjours subsistant de vainqueurs. L’Egypte fut ainsi gouvernée pendant environ deux cens soixante ans. Toman-Bey fut le dernier roi mammeluc ; il n’est célebre que par cette époque, & par le malheur qu’il eut de tomber entre les mains de Sélim. Mais il mérite d’être connu par une singularité qui nous paroît étrange, & qui ne l’étoit pas chez les Orientaux, c’est que le vainqueur lui confia le gouvernement de l’Egypte dont il lui avoit ôté la couronne. Toman-Bey de roi devenu bacha, eut le sort des bachas, il fut étranglé après quelques mois de gouvernement. Ainsi finit la derniere dynastie qui ait régné en Egypte. Ce pays devint par la conquête de Selim en 1517 une province de l’empire turc, comme il l’est encore. (D. J.)