L’Encyclopédie/1re édition/MARC

La bibliothèque libre.
◄  MARBRIERE
MARCASSIN  ►

MARC, Evangile de S. ou selon S. (Théol.) histoire de la vie, de la prédication, & des miracles de Jésus-Christ, composée par S. Marc, disciple & interprete de S. Pierre, & l’un des quatre évangélistes. C’est un des livres canoniques du nouveau Testament, également reconnu pour tel par les Catholiques & par les Protestans.

On croit communément que S. Pierre étant allé à Rome vers l’an de Jésus-Christ 44, S. Marc l’y accompagna, & écrivit son évangile à la priere des fideles qui lui demanderent qu’il leur donnât par écrit ce qu’il avoit appris de la bouche de S. Pierre. On ajoûte que ce chef des apôtres approuva l’entreprise de S. Marc, & donna son évangile à lire dans les églises comme un ouvrage authentique. Tertullien, liv. IV. contra Marcion. attribue cet évangile à S. Pierre ; & l’auteur de la synopse attribuée à S. Athanase veut que cet apôtre l’ait dicté à S. Marc. Eutyche, patriarche d’Alexandrie, avance que S. Pierre l’écrivit ; & quelques-uns cités dans S. Chrysostome (homil. j. in Matth.) croient que S. Marc l’écrivit en Egypte : d’autres prétendent qu’il ne l’écrivit qu’après la mort de S. Pierre. Toutes ces diversités d’opinions prouvent assez qu’il n’y a rien de bien certain sur le tems ni sur le lieu où S. Marc composa son évangile.

On est aussi fort partagé sur la langue dans laquelle il a été écrit, les uns soutenant qu’il a été composé en grec, & les autres en latin. Les anciens & la plûpart des modernes tiennent pour le grec, qui passe encore à-présent pour l’original de S. Marc ; mais quelques exemplaires grecs manuscrits de cet évangile portent qu’il fut écrit en latin ; le syriaque & l’arabe le portent de même. Il étoit convenable qu’étant à Rome & écrivant pour les Romains, il écrivit en leur langue. Baronius & Selden se sont déclarés pour ce sentiment qui au reste est peu suivi. On montre à Venise quelques cahiers que l’on prétend être l’original de la main de S. Marc. Si ce fait étoit certain, & que l’on pût lire le manuscrit, la question seroit bientôt décidée ; mais on doute que ce soit le véritable original de S. Marc ; & il est tellement gâté de vétusté, qu’à peine peut-on discerner une seule lettre. Entre les auteurs qui en ont parlé, dom Bernard de Montfaucon qui l’a vu, dit dans son voyage d’Italie, chap. iv. page 55. qu’il est écrit en latin ; & il avoue qu’il n’a jamais vû de si ancien manuscrit. Il est écrit sur du papier d’Egypte beaucoup plus mince & plus délicat que celui qu’on voit en différens endroits. Le même auteur, dans son antiquité expliquée, liv. XIII. croit qu’on ne hasarde guere en disant que ce manuscrit est pour le plus tard du quatrieme siecle. Il fut mis en 1564 dans un caveau dont la voûte même est dans les marées plus basse que la mer voisine, de-là vient que l’eau dégoutte perpétuellement sur ceux que la curiosité y amene. On pouvoit encore le lire quand il y fut déposé. Cependant un auteur qui l’avoit vû avant le P. de Montfaucon, croyoit y avoir remarqué des caracteres grecs.

Quelques anciens hérétiques, au rapport de S. Irénée (lib. III. cap. ij.), ne recevoient que le seul évangile de S. Marc. D’autres parmi les Catholiques rejettoient, si l’on en croit S. Jérome & S. Grégoire de Nysse, les douze derniers versets de son évangile depuis le vers. 9. surgens autem manè, &c. jusqu’à la fin du livre, apparemment parce que S. Marc en cet endroit leur paroissoit trop opposé à S. Matthieu, & qu’il y rapportoit des circonstances qu’ils croyoient opposées aux autres évangélistes. Les anciens peres, les anciennes versions orientales, & presque tous les anciens exemplaires, tant imprimés que manuscrits grecs & latins, lisent ces douze derniers versets, & les reconnoissent pour authentiques, aussi-bien que le reste de l’évangile de S. Marc.

Enfin en confrontant S. Marc avec S. Matthieu, il paroît que le premier a abrégé l’ouvrage du second ; il emploie souvent les mêmes termes, rapporte les mêmes circonstances, & ajoûte quelquefois des particularités qui donnent un grand jour au texte de S. Matthieu. Il rapporte cependant deux ou trois miracles qui ne se trouvent point dans celui-ci, & ne se conforme pas toûjours à l’ordre de sa narration, surtout depuis le chap. iv. vers. 12 jusqu’au chap. xiv. vers. 13. de S. Matthieu, s’attachant plus dans cet intervalle à celle de S. Luc. Calmet, dictionn. de la bibl. tom. II. pp. 616 & 617. (G)

Marc, (Hist. ecclés.) chanoines de S. Marc, congrégation de chanoines réguliers fondés à Mantoue par Albert Spinola, prêtre qui vivoit vers la fin du douzieme siecle. Voyez Chanoine.

Spinola leur donna une regle qui fut successivement approuvée & corrigée par différens papes. Vers l’an 1450, ils ne suivirent plus que la regle de S. Augustin.

Cette congrégation qui étoit composée d’environ dix-huit ou vingt maisons d’hommes & de quelques-unes de filles dans la Lombardie & dans l’état de Venise, après avoir fleuri pendant près de quatre cens ans, diminua peu-à-peu, & se trouva réduite à deux couvons où la régularité n’étoit pas même observée. Celui de S. Marc de Mantoue, qui étoit le chef-d’ordre, fut donné l’an 1584, du consentement du pape Grégoire XIII. aux Camaldules, par Guillaume Duc de Mantoue, & cette congregation finit alors. Voyez Camaldule.

Ordre de S. Marc est l’ordre de la chevalerie de la république de Venise, qui est sous la protection de S. Marc l’évangéliste ; les armes de cet ordre sont un lion aîlé de gueule, avec cette devise, pax tibi Marce evangelista. On le donne à ceux qui ont rendu de grands services à la république, comme dans les ambassades, & ceux-là reçoivent ce titre du sénat même. Ils ont le privilége de porter la stole d’or aux jours de céremonie, & un galon d’or sur la stole noire qu’ils portent ordinairement. Ceux à qui on le donne comme récompense de la valeur ou du mérite littéraire, le reçoivent des mains du doge, & portent pour marque de chevalerie une chaîne d’or, d’où pend le lion de S. Marc dans une croix d’or. Le doge crée quand il lui plaît des chevaliers de cette seconde espece, qu’on regarde comme fort inférieurs à ceux de la premiere.

Marc, (Commerce.) poids dont on se sert en France & en plusieurs états de l’Europe, pour peser diverses sortes de marchandises, & particulierement l’or & l’argent : c’est principalement dans les hôtels des monnoies & chez les marchands qui ne vendent que des choses précieuses ou de petit volume, que se marc & ses divisions sont en usage. Avant le regne de Philippe premier, l’on ne se servoit en France, sur-tout dans les monnoies, que de la livre de poids composée de douze onces. Sous ce prince, environ vers l’an 1080, on introduisit dans le commerce & dans la monnoie le poids de marc, dont il y eut d’abord de diverses sortes, comme le marc de Troyes, le marc de Limoges, celui de Tours, & celui de la Rochelle, tous quatre différens entre eux de quelques deniers. Enfin ces marcs furent réduits au poids de marc, sur le pié qu’il est aujourd’hui.

Le marc est divisé en 8 onces, ou 64 gros 192 deniers, ou 160 esterlins, ou 300 mailles, ou 140 felins, ou 4608 grains.

Ses subdivisions sont chaque once en 8 gros, 24 deniers, 20 esterlins, 40 mailles, 80 selins, & 576 grains ; le gros en 3 deniers, 2 esterlins & demi, 5 mailles, 10 felins, 72 grains ; le denier en 24 grains, l’esterlin en 28 grains, quatre cinquiemes de grain. Le felin en 7 grains 1 cinquieme de grain ; enfin le grain en demi, en quart, en huitieme, &c. Toutes ces diminutions sont expliquées plus amplement à leur propre article. Il y a à Paris dans le cabinet de la cour des monnoies un poids de marc original gardé sous trois clés, dont l’une est entre les mains du premier président de cette cour, l’autre en celle du conseiller commis à l’instruction & jugement des monnoies, & la troisieme entre les mains du greffier. C’est sur ce poids que celui du châtelet fut étalonné en 1494, en conséquence d’un arrêt du parlement du 6 Mai de la même année : & c’est encore sur ce même poids que les Changeurs & Orfevres, les gardes des Apoticaires & Epiciers, les Balanciers, les Fondeurs, enfin tous les marchands & autres qui pesent au poids de marc sont obligés de faire étalonner ceux dont ils se servent. Tous les autres hôtels des monnoies de France ont aussi dans leurs greffes un marc original mais vérifié sur l’étalon du cabinet de la cour des monnoies de Paris. Il sert à étalonner tous les poids dans l’étendue de ces monnoies. A Lyon on dit échantiller, & en Bourgogne égantiller, au lieu d’étalonner. Voyez Etalon & Etalonner. Louis XIV. ayant souhaité que le poids de marc dont on se servoit dans les pays conquis fût égal à celui du reste du royaume, envoya en 1686 le sieur de Chaffebras, député & commissaire pour cet établissement. Les anciens étalons qu’on nommoit dormans, lui ayant été représentés, comme il paroît par son procès-verbal, & ayant été trouvés dans quelques lieux plus forts & dans d’autres plus foibles que ceux de France, furent déformés & brisés, & d’autres établis en leur place, pour être gardés à la monnoie de Lille, & y avoir recours à la maniere observée dans les autres hôtels des monnoies du royaume. Ces nouveaux étalons sont époinçonnés & marqués de L couronnée de la couronne impériale de France, & continuent d’y être appellés poids dormans, comme les anciens, qui avoient pour marque un soleil, au-dessus duquel étoit une fleur-de-lis. En Hollande, particulierement à Amsterdam, le poids de marc se nomme poids de troy, il est égal à celui de Paris. Voyez Poids. Voyez aussi Livre. On appelle en Angleterre un marc les deux tiers d’une livre sterling. Sur ce pié les mille marc font six cens soixante-six & deux tiers de livre sterling. Voyez Livre, où il est parlé de la monnoie de compte. L’or & l’argent se vendent au marc, comme on l’a dit ci-dessus ; alors le marc d’or se divise en vingt-quatre karats, le karat en huit deniers, le denier en vingt-quatre grains, & le grain en vingt-quatre primes. Autrefois on contractoit en France au marc d’or & d’argent, c’est-à-dire qu’on ne comptoit point les especes dans les grands payemens, pour les ventes & pour les achats, mais qu’on les donnoit & recevoit au poids du marc. Avant les fréquens changemens arrivés dans les monnoies de France sous le regne de Louis XIV. on faisoit quelque chose de semblable dans les caisses considérables, où les sacs de mille livres en écus blancs de trois livres piece ne se comptoient pas, mais se donnoient au poids.

Lorsque dans une faillite ou abandonnement de biens l’on dit que des créanciers seront payés au marc la livre, cela doit s’entendre qu’ils viennent à contribution entre eux sur les effets mobiliers du débiteur, chacun à proportion de ce qui lui peut être dû : c’est ce qu’on appelle ordinairement contribution au sol la livre.

Marc s’entend aussi d’un poids de cuivre composé de plusieurs autres poids emboîtés les uns dans les autres, qui tous ensemble ne font que le marc, c’est-à-dire huit onces, mais qui séparés servent à peser jusqu’aux plus petites diminutions du marc. Ces parties du marc faites en forme de gobelets sont au nombre de huit, y compris la boîte qui les enferme tous, & qui se ferme avec une espece de mentonniere à ressort attachée au couvercle avec une charniere. Ces huit poids vont toûjours en diminuant, à commencer par cette boîte qui toute seule pese quatre onces, c’est-à-dire autant que les sept autres ; le second est de deux onces & pese autant que les six autres ; ce qui doit s’entendre, sans qu’on le répete, de toutes les diminutions suivantes hors les deux derniers ; le troisieme pese une once, le quatrieme une demi-once ou quatre gros, enfin le septieme & le huitieme qui sont égaux, chacun un demi-gros, c’est-à-dire un denier & demi ou trente-six grains, à compter le gros à trois deniers & le denier vingt-quatre grains. Voyez les Pl. du Balancier.

Ces sortes de poids de marc par diminution se firent tout fabriqués de Nuremberg ; mais les Balanciers de Paris & des autres villes de France qui les font venir pour les vendre, les rectifient & ajustent en les faisant vérifier & étalonner sur le marc original & ses diminutions, gardés, comme on l’a dit, dans les hôtels des monnoies. Dictionnaire de Commerce. (G)

Marc, (Balancier.) On appelle un marc une boite de cuivre en forme de cone tronqué : voici les noms des pieces qui le composent. 1°. La poche est dans quoi sont renfermés tous les autres poids, dont il est composé ; 2°. le dessus qui sert pour fermer les poids dans la poche ; 3°. deux charnieres, une de devant, & l’autre de derriere qui sert à tenir le marc fermé. Les deux marottes ou les piliers, sont deux petites figures ou piliers où l’anse est ajustée ; 4°. l’anse.

Dans la poche sont les différens poids dont il est composé ; supposons-en un de trente-deux marcs, la poche avec son tour garni, pese seize marcs ; le plus gros des poids de dedans, en pese huit ; le second, pese quatre marcs ; le troisieme, deux marcs ; le quatrieme, un marc ; le cinquieme, pese huit onces ; le sixieme, quatre onces ; le septieme, deux onces : le huitieme, une once ; le neuvieme, quatre gros ; le dixieme, deux gros ; le onzieme, un gros ; le douzieme & treizieme, chacun un demi-gros, qui sont les derniers poids d’un marc.

Le Balancier vend aussi les poids de fer, dont le plus fort est le poids de 50 liv. les autres au-dessous, sont 25 liv. 12 liv. 6 liv. 4 liv. 2 liv. 1 liv. demi-livre ; un quarteron & demi-quarteron, qui est le plus petit de ces sortes de poids.

Marc, (Econ. rustiq.) se dit de ce qui reste du raisin, quand il a été pressuré ; il se peut dire encore du verjus, du houblon, des pommes, des poires, & des olives, quand ces fruits ont rendu la liqueur qu’ils contenoient.

Ce marc n’est point inutile, il entre dans la composition des terres pour les orangers, & est encore propre à améliorer les terres grasses ou humides, dont les parties peu volatiles fixent les principes trop exaltés du marc.

Marc d’Apalache, saint (Géog.) baie, riviere & fort de l’Amerique dans la Floride Espagnole, lat. 30. 25.