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L’Encyclopédie/1re édition/MARCIONITES

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MARCIONITES, s. m. pl. (Théol.) nom d’une des plus anciennes & des plus pernicieuses sectes qui aient été dans l’Eglise. Elle étoit répandue au tems de saint Epiphane dans l’Italie, dans l’Egypte, la Palestine, la Syrie, l’Arabie, la Perse, & dans plusieurs autres pays.

Marcion, auteur de cette secte, étoit de la province du Pont ; c’est pourquoi Eusebe l’appelle le loup du Pont. Il étoit fils d’un très-saint Eveque, & des sa jeunesse, il fit profession de la vie monastique ; mais ayant débauché une vierge, il fut excommunié par son propre pere, qui ne voulut jamais le rétablir dans la communion de l’Eglise, quoiqu’il se fût soumis à la pénitence. C’est pourquoi ayant abandonné son pays, il s’en alla à rome, où il sema ses erreurs au commencement du pontificat de Pie I. vets la cinquieme année d’Antoin le Pieux, la quarante-troisieme de Jesus-Christ. Il admettoit deux principes ; un bon & un mauvais ; il nioit la vérité de la naissance, de l’incarnation & de la passion de Jesus-Christ, & prétendit que tout cela n’étoit qu’apparent. Il croyoit deux Christs, l’un qui avoit été envoyé par un dieu inconnu pour le salut de tout le monde ; l’autre que le créateur devoit envoyer un jour pour rétablir les Juifs. Il nioit la résurrection des corps, & il ne donnoit le baptême qu’aux vierges, ou à ceux qui gardoient la continence ; mais il soutenoit qu’on pouvoit être baptisé jusqu’à trois fois, & souffroit même que les femmes le conférassent comme ministres ordinaires de ce sacrement ; mais il n’en altéroit pas la forme, ainsi que l’ont remarqué saint Augustin & Tertullien, aussi l’Eglise ne le jugeoit-elle pas invalide.

Comme il suivoit les sentimens de l’hérétique Cerdon, il rejettoit la loi & les prophetes. Il prétendoit que l’Evangile avoit été corrompu par de faux apôtres, & qu’on se servoit d’un exemplaire interposé. Il ne reconnoissoit pour véritable Evangile que celui de saint Luc, qu’il avoit altéré en plusieurs endroits, aussi-bien que les épitres de saint Paul, d’où il avoit ôté ce qu’il avoit voulu. Il avoit retranché de son exemplaire de saint Luc les deux premiers chapitres Dict. de Trévoux.

Les Marcionites condamnoient le mariage, s’abstenoient de la chair des animaux & du vin, & n’usoient que d’eau dans le sacrifice. Ils jeûnoient le samedi en haine du créateur, & ils poussoient la haine de la chair jusqu’à s’exposer eux-mêmes à la mort, sous prétexte de martyre. Leur hérésie dura longtems, malgré les peines décernées contr’eux par Constantin en 326 ; & il paroit par Théodoret que dans le cinquieme siecle, cette secte étoit encore très-nombreuse.