L’Encyclopédie/1re édition/MARIONNETTE

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MARIONNETTE, s. f. (Méchan.) les marionnettes sont des petites figures mobiles de carton, de bois, de métal, d’os, d’ivoire, dont se servent les batteleurs pour amuser le peuple, & quelquefois aussi ce qu’on appelle les honnêtes gens.

Leur invention est bien ancienne. Hérodote les connoissoit déja, & les nomme des statues mobiles par des nerfs. Dans les banquets de Xénophon, Socrate demande à un charlatan, comment il pouvoit être si gai dans une profession si triste ? Moi, répond celui-ci, je vis agréablement de la folie des hommes dont je tire bien de l’argent, avec quelques morceux de bois que je fais remuer. Aristote n’a pas dédaigné de parler de ces figures humaines, tendues, dit-il, avec des fils, qui leur font mouvoir les mains, les jambes, & la tête. On trouve dans le premier livre de Platon sur les loix, un beau passage à ce sujet : c’est un Athénien qui dit que les passions produisent dans nos corps, ce que les petites cordes exécutent sur les figures de bois ; elles remuent tous nos membres, continue-t-il, & les jettent dans des mouvemens contraires, selon qu’elles sont opposées entre elles.

L’usage de ces figures à ressort ne passa-t-il pas, avec le luxe de l’Asie, & la corruption de la Grece, chez les Romains, vainqueurs de ces peuples ingénieux ? Rien n’est plus vrai ; car il en est quelquefois question dans les auteurs latins. Horace parlant d’un prince ou d’un grand, qui se laisse conduire au caprice d’une femme ou d’un favori, le compare à ces jouets dont les ressorts vont au gré de la main qui tient le fil. « Vous, dit-il, n’êtes-vous pas l’esclave d’un autre ? Idole des bois, c’est un bras étranger qui met en jeu tous vos ressorts » !

Tu mihi qui imperitas, aliis servis miser atque
Duceris, ut nervis alienis mobile lignum.

Sat. 7. liv. II. ℣ 81.

Ecoutons l’arbitre des plaisirs de Néron. « Tandis que nous étions à boire, dit Pétrone au festin de Trimalcion, un esclave apporte un squelete d’argent, dont les muscles & les vertebres avoient une flexibilité merveilleuse. On le mit deux fois sur la table ; & cette statue ayant fait d’elle-même des mouvemens & des grimaces singulieres, Trimalcion s’écria : Voilà donc ce que nous serons tous, quand la mort nous aura plongé dans la tombe ? » Sans doute que le squelete de Pétrone étoit mu par des poids, des roues, des ressorts intérieurs, comme les automates de nos artistes.

L’empereur Marc Antonnin parle deux ou trois fois dans ses ouvrages de ces sortes de statues mobiles à ressort, & s’en sert de comparaison pour des préceptes de morale. Semblablement Favorinus, si vanté par Aulu-Gelle, voulant prouver la liberté de l’homme, & son indépendance des astres, dit que les hommes ne seroient que de pures machines à faire jouer, s’ils n’agissoient pas de leur propre mouvement, & s’ils étoient soumis à l’influence de ces astres.

En un mot, toutes les expressions dont les Grecs & les Romains se servent, indiquent qu’ils connoissoient, aussi-bien que les modernes, ces figures mobiles que nous appellons marionnettes. Les neurosplesta d’Hérodote, de Xénophon & autres, c’est-à-dire, des machines à nerfs & à ressort ; les mobilia ligna nervis alienis d’Horace ; les catenationes mobiles de Petrone ; les ligneolæ hominum figuræ d’Apulée, rendent parfaitement ce que les Italiens entendent par gelli buratini, les Anglois par the puppets, & les François par marionnettes.

Ce spectacle semble fait pour notre nation. Jean Brioché, arracheur de dents, nous le rendit agréable dans le milieu du dernier siecle. Il est vrai que dans le même tems un anglois trouva le secret de faire mouvoir les marionnettes par des ressorts, & tans employer des cordes ; mais nous préférâmes les marionnettes de Brioché, à cause des plaisanteries qu’il leur faisoit dire. Enfin Fanchon, ou François Brioché, immortalisé par Despréaux, se rendit encore plus célébre que son pere dans ce noble métier. (D. J.)

Marionnettes, en terme de Cardeur, sont deux montans de bois plantés à la tête du rouet sur chaque bord du banc, & garnis de deux fraseaux de jonc ou de paille qui se traversent parallelement à la position de la roue. Voyez les Pl. de Draperie.

Marionnette, s. f. (Art. d’ourdis.) piece de bois mobile à laquelle sont attachés les fraseaux de tous les rouets. Voyez Fraseaux.