L’Encyclopédie/1re édition/MAUSOLÉE

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MAUSOLÉE, s. m. (Littér.) on appelle mausolées, ces tombeaux magnifiques

Où se perdent les noms des maîtres de la terre,
D’arbitres de la paix, de foudres de la guerre ;
Comme ils n’ont plus de sceptre, ils n’ont plus de flatteurs ;
Et tombent avec eux d’une chute commune,
Tous ceux que la fortune
Faisoit leurs serviteurs.

Ce n’est pas qu’on n’ait élevé quelquefois de superbes tombeaux à d’illustres citoyens qui avoient bien mérité de leur patrie ; mais il faut avouer que ce cas est fort rare. Il me semble que les Hollandois sont de tous les peuples modernes, ceux qui se sont les plus distingués par leur reconnoissance en ce genre, & en même tems ceux qui ont fait paroître le plus de bon goût dans les ouvrages de cette nature. Les mausolées qu’ils ont élevés à leurs amiraux, les représentent à nos yeux tels qu’ils étoient, & sont enrichis de couronnes rostrales, accompagnées d’ornemens convenables ; comme de festons d’herbes marines, de coquillages & de corail, qui ont un juste rapport avec toute l’ordonnance.

Personne n’ignore l’origine du nom de mausolée ; il vient du tombeau qu’Artémise reine de Carie, fit bâtir en l’honneur du roi Mausole son époux. Ce monument, unique dans l’univers, subsista plusieurs siecles, & faisoit le plus bel ornement de la ville d’Halicarnasse. Il a été mis au nombre des sept merveilles du monde, tant pour sa grandeur & la noblesse de son architecture, que par la quantité & l’excellence des ouvrages de sculpture dont il étoit enrichi. Les Grecs & les Romains ne se lassoient point de l’admirer ; & Pline en a laissé une description complette, dont il paroît que la vérité ne sauroit être contestée.

L’étendue de ce mausolée étoit de 63 piés du midi au septentrion ; les faces avoient un peu moins de largeur, & son tour étoit de 411 piés. Il avoit 36 piés de haut, & renfermoit 36 colonnes dans son enceinte. Scopas entreprit la partie de l’orient, & Timothée celle du midi ; Léocarés exécuta la partie du couchant, & Bryaxis celle du septentrion. Tous quatre passoient pour les plus célebres sculpteurs qui fussent alors. Artémise, dans le court intervalle de son regne, n’eut pas le plaisir de voir cet ouvrage conduit à sa perfection ; mais Idriéus en poursuivit l’entreprise, & les quatre artistes eurent la gloire de la consommer. On doute encore aujourd’hui, dit Pline, lequel d’eux a le mieux réussi, hodieque certant manus, pour me servir de son expression. Pithis eut l’honneur de se joindre à eux, & éléva une pyramide au-dessus du mausolée, sur laquelle il posa un char de marbre, attelé de quatre chevaux. Voyez de plus grands détails dans Pline, liv. XXXVI. & dans Vitruve, liv. VII.

Les Latins adopterent le nom de mausolée, & le donnerent à tous les tombeaux somptueux, comme Pausanias nous l’apprend. C’est ainsi que l’on appelle le superbe monument qu’Auguste fit faire pendant son sixieme consulat, entre le chemin de Flaminius & le Tibre, pour y être enterré avec les siens. Strabon, liv. V. pag. 236. nous en a laissé la description. Il dit que c’étoit un tertre élevé sur une base de marbre blanc, & couvert jusqu’au haut d’arbres toujours verds ; qu’à la cîme de ce tertre il y avoit une statue de bronze d’Auguste ; qu’en bas l’on voyoit les tombeaux de ce prince, de ses parens & de ses domestiques ; & que derriere l’édifice il y avoit un grand bosquet avec des promenades admirables.

Enfin, le nom de mausolée est celui que Florus donne aux tombeaux des rois d’Egypte, dans lequel, dit-il, Cléopatre s’enferma, & se fit mourir. La langue françoise a adopté le nom de mausolée dans le même sens que lui donnoient les Romains : elle appelle mausolées les tombeaux des rois. (D. J.)