L’Encyclopédie/1re édition/MELUN

La bibliothèque libre.
◄  MELULE

MELUN, (Géog.) ville de France dans le Hurepoix, aux confins du Gâtinois, sur la Seine, à dix lieues au-dessus de Paris, à quatre au-dessous de Fontainebleau, & à quatorze de Sens.

Cette ville est fort ancienne ; & si l’on en croit ses citoyens, elle a servi de modele pour bâtir celle de Paris. Ce qu’il y a de sûr, c’est que la figure & la situation de ces deux places sont parfaitement semblables. La riviere de Seine forme une île à Melun, & coupe la ville en trois parties : l’une du côté de la Brie qui est la ville, celle de l’île qui est la cité, & celle qui touche le Gâtinois.

L’ancien nom de Melun est Melodunum ; elle est nommée Metiosedum, dans les commentaires de César, dit le savant abbé de Longuerue ; mais cet habile homme auroit eu bien de la peine à le prouver, & pour n’en pas dire ici davantage, voyez Metiosedum. Melun étoit autrefois dans le territoire des Sénonois ; aussi est-elle encore du diocese de Sens.

On avoit cru voir dans cette ville les vestiges d’un temple consacré à Isis. Mais après avoir mieux regardé, il s’est trouvé, que ce qu’on y montre sous ce nom, sur le bord de l’île vers le Nord, à côté de l’église de Notre-Dame, n’est qu’un reste de salle des chanoines de ce lieu, & son antiquité ne paroît pas remonter plus haut que le regne du roi Robert. C’est un bâtiment de forme quarrée-longue, dont il n’y a plus que les quatre murs.

Melun a été assiégé & pris plusieurs fois par les Anglois & le duc de Bourgogne. Les habitans en chasserent les premiers, & y reçurent les troupes de Charles VII. Ce prince, par reconnoissance leur accorda de beaux privileges, dont il ne leur reste que les lettres patentes en date du dernier Février 1432. Le bailliage & le siege présidial de Melun se gouvernent par une coutume particuliere appellée la coutume de Melun, qui fut rédigée en 1560. Long. 20. 16. lat. 48. 33.

Cette ville a été le tombeau de deux de nos rois & la patrie d’un homme qui fut le précepteur de deux autres, après avoir commencé par l’être des enfans d’un particulier (de M. Bouchetel) secrétaire d’état. On sait que je veux parler de Jacques Amyot, qui de très-basse naissance, parvint aux plus éminentes dignités.

La traduction des amours de Théagene & de Chariclée qu’il mit au jour en 1549, en fut l’origine. Elle le fit connoître à la cour, & Henri II. lui donna pour lors l’abbaye de Bellozane en 1551, il fut nommé pour aller à Trente, & y prononça au nom du roi, cette protestation si hardie & si judicieuse, que l’on ne cesse de lire avec plaisir dans les actes de ce concile. Peu de tems après son retour d’Italie, il fut choisi par Henri II. pour être le précepteur de ses enfans. Ce fut à la reconnoissance de ses augustes éleves, qu’il dut sa fortune. Charles IX. le fit évêque d’Auxerre & grand aumônier. Henri III. lui donna le cordon bleu, qu’à sa considération il attacha pour toujours à la grande aumônerie. Enfin il mourut comblé de célébrité, de gloire & d’années en 1593, étant presqu’octogénaire.

Son principal ouvrage est sa traduction de toutes les œuvres de Plutarque, dont nous avons deux éditions très-belles par Vascosan, l’une in-fol. & l’autre in-8.

Les graces du style la firent réussir avec avidité, quoiqu’elle soit souvent infidele ; & malgré les changemens arrivés dans la langue, on la lit toujours avec plaisir. Les vies des hommes illustres ont été traduites plusieurs fois depuis Amyot, mais sa traduction est toujours restée seule entre les mains de tout le monde, & celle-même de M. Dacier, qui parut en 1722, ne l’a point fait oublier.

Disons un mot des rois Robert & Philippe, morts à Melun. Le premier y finit sa carriere le 20 Juin 1031, à soixante ans. On sait tout ce que ce prince éprouva de Grégoire V. au sujet de son mariage avec Berthe. Il fallut qu’il obéît ; & même ensuite combien de pélérinages ne se crut-il pas obligé de faire à Rome ?

Le roi Philippe termina ses jours à Melun, âgé de cinquante-sept ans, le 29 Juillet 1108. Son regne célebre par sa longueur, le fut sur-tout par plusieurs grands évenemens, où ce monarque ne prit point de part ; de sorte qu’il parut d’autant plus méprisable à ses sujets, que le siecle étoit plus fécond en héros. (D. J.)