L’Encyclopédie/1re édition/MENTHE

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MENTHE, s. f. mentha, (Botan.) genre de plante à fleur monopetale labiée ; la levre supérieure est voûtée, & l’inférieure divisée en trois parties ; cependant ces deux levres sont partagées de façon que cette fleur paroît au premier coup d’œil, divisée en quatre parties. Il s’éleve du calice un pistil qui est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur ; ce pistil a quatre embryons qui deviennent dans la suite autant de semences renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

La Médecine retire tant d’utilité de la menthe, & l’odeur de ce genre de plante qui tient du baume & du citron, plaît si généralement, qu’on en cultive dans les jardins de botanique presque toutes les especes ; mais il suffira de décrire ici la menthe la plus commune de nos jardins.

La menthe ordinaire est appellée par C. Bauhin, mentha hortensis, verticillata, ocymi odore, C. B. P. 227. c’est-à-dire menthe des jardins verticillée, à odeur de basilie ; en anglois the verticillated gardenmint, with the smell of basil.

Sa racine est traçante & garnie de fibres, qui s’étendent au loin de toutes parts. Elle pousse des tiges à la hauteur d’un pié & demi, quarrées, un peu velues, roides, & rougeâtres. Ses feuilles sont arrondies, opposées deux à deux, d’une odeur forte, assez semblables à celles du moyen basilic ; mais plus longues, plus pointues, & plus dentelées au bout de la tige.

Des aisselles des feuilles naissent des anneaux serrés de petites fleurs en gueule purpurine, qui forment un épi, & sont découpées en deux levres courtes, fendues de maniere que ces fleurs semblent découpées à quatre segmens, parce que les deux levres paroissent à peine.

Quatre graines menues succedent à chaque fleur, dont le pistil est plus haut que dans le pouliot thym, & d’une couleur plus pâle. Toute la plante a une agréable odeur, balsamique, aromatique ; elle fleurit en Juillet & Août.

La menthe frisée ou crépue, mentha crispa, verticillata, de C. B. p. 227. s’eleve pour l’ordinaire à trois piés, & ne differe de la précedente que par ses feuilles qui sont ridées, crépues, & comme gaudronnées.

La menthe à épi & à feuilles étroites, par C. Bauhin, mentha angustifolia, spicata, C. B. p. 1227. & ses fleurs qui forment au haut de la tige & des branches, un épi allongé. Elles sont disposées en gueule, découpées en deux levres, blanchâtres, semées de petits points rouges. L’odeur de cette espece est forte, son goût est âcre & aromatique.

La menthe aquatique, en latin mentha rotundifolia, palusiris, seu aquatica major, de C. B. p. 227. se plaît dans les lieux humides. Ses fleurs sont ramassées en grosses têtes arrondies, & d’un pourpre lavé. Chaque fleur à quatre étamines saillantes à sommets, d’un rouge plus foncé. Les graines sont menues & noirâtres. Cette espece de menthe est d’une odeur fort pénetrante.

La menthe aquatique à larges feuilles, est la même plante que presque tous les Botanistes nomment pouliot, pouliot royal : pulegium, pulegium regium, & par Tournefort, mentha aquatica, sive pulegium vulgare, I. R. H. 189. en anglois, the commen penny-royal.

Ses feuilles approchent de celles de l’origan ; elles sont douces au toucher, noirâtres, d’un goût brûlant. Ses fleurs sont de couleur bleuâtre ou purpurine, quelquefois blanches & quelquefois d’un rouge-pâle. Cette plante croît abondamment au bord des lieux humides, fleurit en Juillet & Août ; & comme elle est plus aromatique quand elle est en fleur, c’est alors qu’il la faut cueillir. Son odeur est très pénétrante, sa saveur très-âcre, & très-amere ; la Medecine en fait un grand usage.

La menthe sauvage ou le menthastre, mentha sylvestris, rotundiore folio, de C. B. p. 227. vient sans culture, répand une odeur plus forte, mais moins agréable que celle des menthes cultivées.

La menthe de quelque espece qu’elle soit, contient une grande quantité d’huile subtile, confortative, & amie des nerfs ; cependant la vertu qu’elle a de fortifier le ton de l’estomac & des intestins, d’arrêter le hoquet, le vomissement, la diarrhée, qui naissent de l’affoiblissement des visceres, n’est pas seulement dûe à l’huile dont on vient de parler ; mais encore à un principe terrestre, quelque peu astringent. On tire de la menthe une eau simple, un esprit & une huile distillée, qu’on trouve dans les boutiques. (D. J.)

Menthe, (Chimie, Pharmacie, & Mat. medic.) menthe crépue des jardins : cette plante est très-aromatique, & a une saveur âcre & amere ; elle donne dans la distillation une bonne quantité d’huile essentielle, qui est d’abord jaune, qui prend bien-tôt une couleur rougeâtre, & qui devient enfin d’un rouge très-foncé. M. Cartheuser a retiré d’une livre de feuilles seches de menthe, cueillie dans le tems convenable, c’est-à-dire, lorsqu’elle commence à montrer quelques fleurs, environ trois gros d’huile ; ce qui est beaucoup. L’eau distillée qu’on en retire dans la même opération est très-chargée de parties aromatiques, sur-tout lorsqu’elle a été convenablement cohobée ; on peut en retirer aussi une eau distillée essentielle, tres chargée des mêmes principes. Voyez Eau distillée.

C’est aux principes volatils dont nous venons de faire mention, que la menthe doit évidemment ses qualités medicamenteuses ; car M. Cartheuser n’a retiré de cette plante qu’un extrait qui n’annonce aucune activité, & une teinture qui étant rapprochée n’a fourni qu’une très-petite quantité d’un principe résineux.

La menthe tient un rang distingué, peut-être même le premier rang parmi les remedes stomachiques ; c’est son eau distillée que l’on emploie principalement pour cette vertu : deux autres onces de bonne eau de menthe sont un secours presque assuré pour arrêter le vomissement, fortifier l’estomac, en appaiser les douleurs. On la donne encore dans les mêmes cas en infusion, principalement dans le vin à la dose d’une ou de deux pincées ; l’eau distillée & l’infusion de menthe sont aussi de très-grands remedes contre les coliques venteuses, les coliques & les autres affections hystériques, & la suppression des regles ; elles sont aussi très-efficaces contre les vers.

L’application de la menthe en forme de cataplasme sur les mamelles est donnée par plusieurs auteurs comme un remede éprouvé, pour resoudre le lait coagulé dans ces parties ; quelques gouttes d’huile essentielle soit seule, soit mêlée à un peu d’huile d’olive peut en temperer l’âcreté qui seroit capable d’enflammer la peau ; cette espece d’épithème, dis-je, est recommandé contre les foiblesses d’estomac & le vomissement habituel. Une pareille application sur la région hypogastrique passe pour capable de rétablir l’ecoulement des regles ; l’huile par infusion qu’on prépare avec cette plante, possede à-peu-près les mêmes vertus que le mélange dont nous venons de parler, mais dans un degré inférieur. Cette huile par infusion est veritablement chargée des principes médicamenteux de la plante ; elle doit être mise au rang des remedes exterieurs puissamment resolutifs & propres à appaiser les douleurs.

On trouve dans les boutiques un syrop simple de menthe, qui, s’il est préparé comme il doit l’être par la distillation, possede les vertus réunies de l’infusion & de l’eau distillée, considerablement affoiblies cependant par le sucre, ce qui le rend moins propre aux usages principaux & essentiels de la menthe.

Les feuilles de cette plante entrent dans l’orviétan, l’eau vulneraire, l’eau de lait alexitere, l’eau génerale, l’élixir de vitriol, la poudre contre la rage, la plante seche entre dans les tablettes stomachiques, les fleurs dans le vinaigre prophylactique, & le baume tranquille, le suc dans l’emplâtre de betoine, le syrop dans les pillules sine quibus, l’huile essentielle dans le baume nervin & l’emplâtre stomachal. (b)

Nota, c’est par inadvertance qu’on a renvoyé de l’art. Eaux distillées à celui-ci, pour y trouver dans la description de l’eau de menthe composée, un exemple d’une eau distillée composée, proprement dite. L’eau de menthe, composée des boutiques, est spiritueuse comme l’eau de melisse composée, & toutes les eaux distillées composées, usuelles.

Menthe sauvage, (Matiere med.) menthastre. La menthe sauvage tue les vers comme les autres menthes ; elle est utile dans l’asthme, peut provoquer les mois, & contre la dureté de l’ouie. Elle entre aussi dans les bains utérins & nervins ; plusieurs appliquent dans la sciatique cette plante pilée en maniere de cataplasme sur la partie malade : on assure qu’elle y excite des vessies, qui venant à crever, calment la douleur. Tournefort dans son histoire des plantes des environs de Paris, dit que la tisane de cette menthe est bonne pour les vapeurs. Suite de la matiere medicale de Geosfroy.

Les Médecins ne se servent presque point de cette plante, quoiqu’elle soit très-bonne contre les vers ; cette vertu est prouvée par l’experience constante des paysans de plusieurs provinces qui en font prendre le suc à leurs enfans attaqués de vers, avec beaucoup de succès, & qui la leur appliquent aussi pilée sur l’estomac dans le même cas, moins utilement que beaucoup de medecins ne seront tentes de le penser.

Cette plante entre dans l’électuaire de baies de laurier & dans les trochisques de myrrhe. (b)