L’Encyclopédie/1re édition/MIME

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MIME, s. m. (Gramm. Littér.) acteur qui jouoit dans les pieces dramatiques de ce nom. Voyez l’article suivant.

Mimes, s. m. pl. (Poésie.) en grec μιμοί, en latin mimi ; c’est un nom commun à une certaine espece de poésie dramatique, aux auteurs qui la composoient, & aux acteurs qui la jouoient. Ce nom vient du grec μιμείσθαι, imiter ; ce n’est pas à dire que les mimes soient les seules pieces qui représentent les actions des hommes, mais parce qu’elles les imitent d’une maniere plus détaillée & plus expresse. Plutarque, Sympos. liv. VII. probl. 8. distingue deux sortes de pieces mimiques ; les unes étoient appellées ὑποθέσεις : le sujet en étoit honnête, aussi-bien que la maniere, & elles approchoient assez de la comédie. On nommoit les autres πώγυια ; les bouffonneries & les obscénités en faisoient le caractere.

Sophron de Syracuse, qui vivoit du tems de Xerxès, passe pour l’inventeur des mimes décentes & semées de leçons de morale. Platon prenoit beaucoup de plaisir à lire les mimes de cet auteur ; mais à peine le théâtre grec fut formé, que l’on ne songea plus qu’à divertir le peuple par des farces, & par des acteurs qui en les jouant représentoient, pour ainsi dire, le vice à découvert. C’est par ce moyen qu’on rendit les intermedes des pieces de théâtre agréables au peuple grec.

Les mimes plurent également aux Romains, & formoient la quatrieme espece de leurs comédies : les acteurs s’y distinguoient par une imitation licentieuse des mœurs du tems, comme on le voit par ce vers d’Ovide.

Scribere si fas est imitantes turpia mimos.

Ils y jouoient sans chaussure, ce qui faisoit quelquefois nommer cette comédie déchaussée, au lieu que dans les trois autres les acteurs portoient pour chaussure le brodequin, comme le tragique se servoit du cothurne. Ils avoient la tête rasée, ainsi que nos bouffons l’ont dans les pieces comiques ; leur habit étoit de morceaux de différentes couleurs, comme celui de nos arlequins. On appelloit cet habit panniculus centumculus. Ils paroissoient aussi quelquefois sous des habits magnifiques & des robes de pourpre, mais c’étoit pour mieux faire rire le peuple, par le contraste d’une robe de sénateur, avec la tête rasée & les souliers plats. C’est ainsi qu’arlequin sur notre théâtre revêt quelquefois l’habit d’un gentilhomme. Ils joignoient à cet ajustement la licence des paroles & toutes sortes de postures ridicules. Enfin, on ne peut leur reprocher aucune négligence sur tout ce qui pouvoit tendre à amuser la populace.

Leur jeu passa jusque dans les funérailles, & celui qui s’en acquittoit fut appellé archimime. Il devançoit le cercueil, & peignoit par ses gestes les actions & les mœurs du défunt : les vices & les vertus, tout étoit donné en spectacle. Le penchant que les mimes avoient à la raillerie, leur faisoit même plûtôt révéler dans cette cérémonie funebre ce qui n’étoit pas honorable aux morts, qu’il ne les portoit à peindre ce qui pouvoit être à leur gloire.

Les applaudissemens qu’on donnoit aux pieces de Plaute & de Térence, n’empêchoient point les honnêtes gens de voir avec plaisir les farces mimiques, quand elles étoient semées de traits d’esprit & représentées avec décence. Les poëtes mimographes des Latins qui se distinguerent en ce genre, sont Cneus Mattius, Decimus Laberius, Publius Syrus sous Jules-César ; Philistion sous Auguste ; Silon sous Tibere ; Virgilius Romanus sous Trajan ; & Marcus Marcellus sous Antonin. Mais les deux plus célebres entre ceux que nous venons de nommer, furent Decimus Laberius, & Publius Syrus. Le premier plut tellement à Jules-César, qu’il en obtint le rang de chevalier romain, & le droit de porter des anneaux d’or. Il avoit l’art de saisir à merveille tous les ridicules, & se faisoit redouter par ce talent. C’est pourquoi Ciceron écrivant à Trébatius qui étoit en Angleterre avec César, lui dit : Si vous étes plus long-tems absent sans rien faire, je crains pour vous les mimes de Laberius. Cependant Publius Syrus lui enleva les applaudissemens de la scène, & le fit retirer à Pouzol, où il se consola de sa disgrace par l’inconstance des choses humaines, dont il fit une leçon à son compétiteur dans ce beau vers :

Cecidi ego : cadet qui sequitur ; laus est publica.

Il nous reste de Publius Syrus des sentences si graves & si judicieuses, qu’on auroit peine à croire qu’elles ont été extraites des mimes qu’il donna sur la scène : on les prendroit pour des maximes moulées sur le soc & même sur le cothurne. (D. J.)