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L’Encyclopédie/1re édition/MOI

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MOI, (Gramm.) On sait que ce pronom personnel signifie la même chose que le je ou ego des latins. On a condamné le je au mot égoïsme, mais cela n’empêche pas qu’on ne doive l’employer dans certaines occasions ; il s’ensuit encore moins, que le moi ne soit quelquefois sublime ou admirablement placé ; en voici des exemples.

Démosthène dit dans sa harangue pour Ctésiphon. « Qui empêcha l’Hellespont de tomber sous une domination étrangere ? Vous, Messieurs ; or quand je dis vous, je dis l’état ; mais alors, qui est-ce qui consacroit au salut de la république, discours, conseils, actions, & se dévouoit totalement pour elle ? Moi. Il y a bien du grand dans ce moi ».

Quand Pompée, après ses triomphes, requit son congé dans les formes ; le censeur lui demanda, dit Plutarque, s’il avoit fait toutes les campagnes portées par les ordonnances ; Pompée répondit qu’il les avoit toutes faites ; sous quels généraux, repliqua le censeur, les avez-vous toutes faites ? Sous moi, répondit Pompée ; à cette belle réponse, sous moi, le peuple qui en savoit la vérité, fut si transporté de plaisir, qu’il ne pouvoit cesser ses acclamations & ses battemens de mains.

Nous ne cessons pas nous mêmes encore aujourd’hui, d’applaudir au moi de Médée dans Corneille ; la confidente de cette princesse lui dit, act. 1. scène 4.


Votre pays vous hait, votre époux est sans foi,
Contre tant d’ennemis, que vous reste-t-il ?


A quoi Médée répond,

Contre tant d’ennemis, que vous reste-t-il ?Moi ;
Moi, dis-je, & c’est assez.


Toute la France a senti & admiré la hauteur & la grandeur de ce trait ; mais ce n’est ni dans Démosthène, ni dans Plutarque, que Corneille a puisé ce moi de Médée, c’est en lui-même. Les génies du premier ordre, ont dans leur propre fonds les mêmes sources du bon, du beau, du grand, du sublime. (D. J.)