L’Encyclopédie/1re édition/MONUMENT

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MONUMENT, s. m. (Arts.) on appelle monument, tout ouvrage d’Architecture & de Sculpture, fait pour conserver la mémoire des hommes illustres, ou des grands événemens, comme un mausolée, une pyramide, un arc de triomphe, & autres semblables.

Les premiers monumens que les hommes ayent érigés, n’étoient autre chose que des pierres entassées, tantôt dans une campagne, pour conserver le souvenir d’une victoire, tantôt sur une sépulture pour honorer un particulier. Ensuite l’industrie a ajouté insensiblement à ces constructions grossieres, & l’ouvrier est enfin parvenu quelquefois à se rendre lui-même plus illustre par la beauté de son ouvrage, que le fait ou la personne dont il travailloit à célébrer la mémoire. La ville d’Athènes étoit si féconde en monumens historiques, que par-tout où l’on passoit, dit Cicéron, on marchoit sur l’Histoire ; mais toutes ces choses ont péri ; quelque nombreux & quelque somptueux que soient les monumens élevés par la main des hommes, ils n’ont pas plus de privilége que les villes entieres, qui se convertissent en ruines & en solitudes. C’est pourquoi il n’y eut jamais de monument dont la magnificence ait égalé celle du tombeau de Thémistocle, en l’honneur de qui on dit, que toute la Grece seroit son monument. (D. J.)

Monument, s. m. (Architect.) ce mot signifie en particulier un tombeau, quia monet mentem. Voyez Tombeau. Je me contenterai de donner en passant l’interprétation de quelques abréviations qu’on voit souvent gravées sur les monumens ; telles sont les suivantes.

Ab V. C. Ab Urbe Conditâ.
A. A. A. F. F. Auro, Argento, Ære, Flando, Feriundo.
Ad A. L. M. Ad Agrum Locum Monumenti.
A. F. P. R. C. Actum Fide Publica Rutili Consulis. Cicéron l’interpreta plaisamment, Andronicus Fecit, Plectitur Rutilius.
D. D. Dedicaverunt, ou Dono Dedit, ou Deo Domestico.
D. M. Diis Manibus, ou Divæ Memoriæ.
B. M. P. Bene Merenti Posuit.
P. P. Posuerunt.
P. C. Ponendum Curavit.
M. H. P. Monumentum Hoeredes Posuerunt.
H. S. V. F. M. Hoc Sibi Vivens Fieri Mandavit.
H. B. M. F. C. Hæres Bene Merenti Faciendun Curavit.
I. T. C. Juxta Tempus Constitutum.
N. F. N. Nobili Familia Natus.
Ob M. P. Et C. Ob Merita Pietatis Et Concordiæ.
P. S. F. C. Proprio Sumptu Faciendum Curavit.
R. P. C. Retrò Pedes Centum.

Mais il seroit inutile de multiplier ici les exemples de cette espece, parce qu’on ne manque pas d’ouvrages d’antiquaires auxquels on peut recourir pour l’intelligence de toutes les abréviations qu’on trouve sur les monumens antiques. (D. J.)

Monument le, (Hist. d’Angleterre.) il est ainsi nommé par les Anglois, & avec raison, car c’est le plus célebre monument des modernes, & une des pieces des plus hardies qu’il y ait en Architecture : ce fut en mémoire du triste embrasement de Londres, qui arriva le 2 Septembre 1666, qu’on érigea cette pyramide, au nord du pont qui est de ce côté-là sur la Tamise, près de l’endroit où l’incendie commença ; c’est une colonne ronde de l’ordre toscan, bâtie de grosses pierres blanches de Portland. Elle a deux cens piés d’élévation & quinze de diametre ; elle est sur un piédestal de quarante piés de hauteur, & vingt-un en quarré. Au dedans est un escalier à vis de marbre noir, dont les barreaux de fer regnent jusqu’au sommet, où se trouve un balcon entouré d’une balustrade de fer, & qui a vûe sur toute la ville. Les côtés du nord & du sud du piédestal ont chacun une inscription latine ; une de ces inscriptions peint la désolation de Londres réduite en cendres, & l’autre son rétablissement qui fut aussi prompt que merveilleux. Tout ce que le feu avoit emporté d’édifices de bois, fut en deux ou trois ans rétabli de pierres & de briques sur de nouveaux plans plus réguliers & plus magnifiques, au grand étonnement de toute l’Europe, & au sortir d’une cruelle peste qui suivit l’année même de l’embrasement de cette capitale ; & rien ne fait tant voir la richesse, la force, & le génie de cette nation, quand elle est d’accord avec elle-même, & qu’elle a de grands maux à réparer. (D. J.)