L’Encyclopédie/1re édition/MUNICIPE

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MUNICIPE, s. m. (Géog. & Hist. rom.) en latin, municipium ; lieu habité soit par des citoyens romains, soit par des citoyens étrangers qui gardoient leurs lois, leur jurisprudence, & qui pouvoient parvenir avec le peuple romain à des offices honorables, sans avoir aucune sujétion aux lois romaines, à moins que ce peuple ne se fût lui-même soumis & donné en propriété aux Romains.

Le lieu ou la communauté, qu’on appelloit municipium, différoit de la colonie en ce que la colonie étant composée de romains que l’on enyoyoit pour peupler une ville, ou pour récompenser des troupes qui avoient mérité par leurs services un établissement tranquille, ces romains portoient avec eux les lois romaines, & étoient gouvernés selon ces lois par des magistrats que Rome leur envoyoit.

Le municipe, au contraire, étoit composé de citoyens étrangers au peuple romain, & qui, en vûe de quelques services rendus, ou par quelque motif de faveur, conservoient la liberté de vivre selon leurs coutumes ou leurs propres lois, & de choisir eux mêmes entre eux leurs magistrats. Malgré cette différence, ils ne laissoient pas de jouir de la qualité de citoyens romains ; mais les prérogatives, attachées à cette qualité, étoient plus resserrées à leur égard qu’à l’égard des vrais citoyens romains.

Servius, cité par Festus, dit qu’anciennement il y avoit des municipes, composés de gens qui étoient citoyens romains, à condition de faire toûjours un état à part ; que tels étoient ceux de Cumes, d’Acerra, d’Atella, qui étoient également citoyens romains, & qui servoient dans une légion, mais qui ne possédoient point les dignités.

Les Romains appelloient municipalia sacra, le culte religieux que chaque lieu municipal avoit eu, avant que d’avoir reçu le droit de bourgeoisie romaine ; il le conservoit encore comme auparavant.

A l’exemple des Romains ; nous appellons en France droit municipal, les coutumes particulieres dont les provinces jouissent, & dont la plûpart jouissoient avant que d’être réunies à la couronne, comme les provinces de Normandie, de Bretagne, d’Anjou, &c.

Paulus distingue trois sortes de municipes : 1°. les hommes qui venoient demeurer à Rome, & qui, sans être citoyens romains, pouvoient pourtant exercer de certains offices conjointement avec les citoyens romains ; mais ils n’avoient ni le droit de donner leurs suffrages, ni les qualités requises pour être revêtus des charges de la magistrature. Tels étoient d’abord les peuples de Fondi, de Formies, de Cumes, d’Acerra, de Lanuvium, de Tusculum, qui quelques années après devinrent citoyens romains.

2°. Ceux dont toute la nation avoit été unie au peuple romain, comme les habitans d’Aricie, les Cérites, ceux d’Agnani.

3°. Ceux qui étoient parvenus à la bourgeoisie romaine, à condition qu’ils conserveroient le droit propre & particulier de leur ville, comme étoient les citoyens de Tibur, de Préneste, de Pise, d’Arpinum, de Nole, de Bologne, de Plaisance, de Sutrium & de Luques.

Quoique l’exposition de cet ancien auteur ne soit pas fort claire en quelques points, nous ne laissons pas d’y voir que les municipes ne se faisoient pas partout aux mêmes conditions, ni avec les mêmes circonstances. De-là nous devons inférer que ce nom de municipe a en des significations différentes selon les tems & les lieux ; or, c’est à ce sujet qu’Aulugelle nous a conservé quelques remarques qui répandent un grand jour sur cette matiere. Insensiblement tous les municipes devinrent égaux pour le droit de suffrage. Enfin cet usage même changea de nouveau. Les municipes, amoureux de leur liberté, aimerent mieux se gouverner par leurs propres lois que par celles des Romains.

Il y avoit un grand nombre de lieux municipaux, municipia, dans l’empire romain ; mais nous connoissons sur-tout ceux d’Italie, parce que plusieurs auteurs en ont dressé des listes. Chaque municipe avoit son nom propre & particulier. (D. J.)