L’Encyclopédie/1re édition/MYRTE

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MYRTE, s. m. myrtus, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond, dont le calice devient dans la suite une baie faite comme une olive, & qui a une couronne. Cette baie se divise en trois loges qui contiennent des semences pour l’ordinaire de la figure d’un rein. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Myrte, myrtus, arbrisseau toûjours verd, qui vient naturellement en Afrique, & dans les parties méridionales de l’Asie & de l’Europe. Il y en a de plusieurs especes, dont la plus grande différence consiste dans la forme des feuilles. Mais tous les myrtes s’élevent dans les pays d’où ils tirent leur origine, à une plus grande hauteur que dans ce climat, où on ne les voit que sous la forme d’arbrisseaux. Car dans les provinces du centre du royaume, on est obligé de tenir en caisse ou dans des pots les arbrisseaux qui ne peuvent passer les hivers qu’à la faveur d’une orangerie. Les feuilles de tous les myrtes sont lisses, unies, entieres, d’un verd brun très-brillant, & d’une odeur suave, aromatique, des plus agréables. Ce sont les feuilles qui font le principal agrément de ces arbrisseaux ; toutes les fleurs des myrtes sont blanches, assez apparentes, & de très-bonne odeur ; elles paroissent dans le mois de Juin, & durent pendant la plus grande partie de l’été. On ne connoît de différence pour la couleur de la fleur que dans une seule espece, où le blanc qui fait le fonds est mêlé de rouge. Le fruit qui succede à la fleur est une baie noire, quelquefois blanche & ovale, qui contient plusieurs semences de la forme d’un rein. Il n’y a qu’une seule espece de myrte dont la fleur soit double : l’arbrisseau en donne une grande quantité ; elles durent long-tems, sont d’une grande beauté, & d’une excellente odeur : mais il y a encore plusieurs myrtes à feuilles panachées, qui font de belles variétés. Presque tous les myrtes se multiplient très-aisément, sont de longue durée, & n’exigent que les soins ordinaires de l’orangerie : cependant on voit de ces arbrisseaux en pleine terre dans la Provence, dans le Languedoc, l’Aunis, la Bretagne, & même dans la Normandie.

Si l’on donnoit ici la méthode que l’on suit en Provence & en Languedoc pour l’éducation & la culture des myrtes, elle ne conviendroit nullement pour les provinces de la partie septentrionale du royaume. Il vaut beaucoup mieux s’en rapporter à ce qui se pratique en Angleterre sur ce point. Si on trouve les procédés trop strictes, il sera fort aisé de s’en relâcher à proportion de la température du climat où l’on se trouvera placé. Je ne sache pas qu’on ait donné rien de mieux à ce sujet, que ce qui a été tracé par M. Miller, dans la sixieme édition angloise de son Dictionnaire des Jardiniers.

On multiplie, dit cet auteur, les myrtes de boutures qu’il faut faire pour le mieux au mois de Juillet. Vous choisirez pour cela de jeunes rejettons les plus droits & les plus vigoureux, de la longueur de six ou huit pouces. Après en avoir ôté les feuilles de la partie inférieure sur environ deux pouces de longueur, vous piquerez ces jeunes branches dans des terrines remplies d’une terre franche & legere ; en sorte qu’elles soient à deux pouces de distance les unes des autres. On aura soin de serrer la terre autour des boutures, & de les arroser pour les mieux affermir. On mettra ces terrines sous un chassis de couche, & on les plongera soit dans du vieux fumier, ou dans de la vieille tannée. Afin que la terre des terrines ne se desseche pas trop vîte, on leur fera de l’ombre avec des paillassons pendant la chaleur du jour, & on leur donnera de l’air à proportion que la saison sera douce. Mais il ne faudra pas oublier de les arroser tous les deux ou trois jours, selon que la terre des terrines paroîtra seche. Au bout d’un mois, les boutures commenceront à pousser : on les accoutumera par degré à l’air libre, & on pourra sur la fin d’Août, les mettre à une situation abritée des vents froids jusqu’au mois d’Octobre qu’il faudra les entrer dans l’orangerie, où on leur donnera la place la plus fraîche & la plus propre à les faire jouir de l’air dans les tems doux. Car les myrtes ne demandent qu’à être garantis du grand froid ; à l’exception du myrte à feuilles d’oranger & du myrte citronné, qui étant moins robustes que les autres, veulent être placés un peu plus chaudement. Il faudra les arroser souvent pendant l’hiver, ôter toutes les feuilles qui se fanneront, & arracher toutes les mauvaises herbes qui leur feroient un très-grand tort. Au mois de Mars suivant on enlevera les jeunes plants avec grand soin & le plus en motte que l’on pourra, pour les mettre chacun dans un petit pot séparé que l’on aura rempli d’une terre de la qualité de celle dont on s’est servi pour les terrines. On les arrosera bien, pour affermir la terre, & on les mettra à l’ombre dans l’orangerie, jusqu’à ce qu’ils ayent repris. Alors on les accoutumera à l’air & au soleil, puis on les sortira au mois de Mai pour les placer à quelque bonne situation, près d’une palissade, à l’abri des grands vents. Pendant l’été, il faudra les arroser abondamment, attendu que les petits pots sont sujets à se dessécher promptement ; aussi aura-t-il fallu avoir attention de les placer de façon qu’ils ne soient exposés qu’au soleil levant ; car lorsque ces petits pots se trouvent placés au grand soleil, l’humidité s’exhale trop vîte, & l’accroissement des plantes en est retardé. Au mois d’Août suivant, vous examinerez si les racines des myrtes n’ont pas percé à-travers les trous du fond du pot. Si cela est, vous les tournerez dans des pots un peu plus grands, après avoir eu soin de couper les racines moisies, ou qui étoient adhérentes aux parois du pot, & d’adoucir la terre autour de la motte, afin que les racines puissent percer plus aisément dans la nouvelle terre. Il faudra ensuite les faire bien arroser, & les mettre à une situation abritée des grands vents. C’est alors qu’on pourra tailler les jeunes plants pour les amener à une forme réguliere ; & s’ils ne font pas une tige droite, il faudra les diriger au moyen d’un bâton : avec ces soins, les myrtes pourront facilement être taillés en boule ou en pyramide, qui sont les formes qui conviennent le mieux aux petits arbrisseaux de l’orangerie. Tout l’inconvénient, c’est qu’une taille réguliere les empêche de donner des fleurs : aussi ne faut-il pas traiter de cette façon l’espece à fleur double, qui tire de là sa principale beauté. L’on fera donc bien de laisser venir au naturel un ou deux plants de chaque espece de myrtes, afin de pouvoir jouir de l’agrément de leurs fleurs. A mesure que les jeunes myrtes grandiront, il faudra tous les ans les transplanter dans de plus grands pots, à mesure de l’étendue de leurs racines. Mais gardez-vous de la mettre d’abord dans de trop grands vaisseaux ; ils n’y pousseroient que foiblement & irrégulierement, souvent même cela les fait périr. En les changeant de pot, on aura toûjours soin d’adoucir la terre autour de la motte, en la perçant en plusieurs endroits pour donner passage aux racines. On peut même les remettre dans les mêmes pots, s’ils ne sont pas trop petits, ayant soin de garnir les côtés & le fond du pot d’une bonne terre neuve, & de leur donner quantité d’eau pour affermir les racines ; ce qu’il faudra répéter souvent. Car ils en demandent beaucoup, tant en hiver qu’en été, & beaucoup plus dans les tems secs & chauds. Les mois d’Avril & d’Août sont la meilleure saison pour les transplanter. Si on le fait plutôt au printems, comme ils ne croissent que lentement alors, ils ne pourroient pousser de nouvelles racines aussi-tôt qu’il le faudroit. & si on attendoit plus tard en automne, le froid de la saison les empêcheroit de reprendre. Je ne conseille pas non plus de les transplanter dans les grandes chaleurs de l’été ; car il leur faut pour réussir, de la fraicheur, de l’ombre, & de grands arrosemens. Des qu’il commencera à geler pendant la nuit dans le mois d’Octobre, il faudra les mettre à l’orangerie : mais tant que la saison sera douce, on pourra différer jusqu’au commencement de Novembre. Lorsqu’on les serre trop tôt, & que la fin de l’automne est chaude, ils y poussent de nouveaux rejettons que l’hiver fait périr ordinairement ; ce qui les gâte beaucoup. On sera donc bien de les tenir en plein air aussi long tems que l’on pourra, & de les y remettre au printems avant qu’ils ne commencent à pousser. Mais pendant qu’ils seront dans l’orangerie, on leur donnera dans les tems doux autant d’air frais qu’il sera possible.

J’ai vû, continue le même auteur, le myrte commun d’Italie, & le myrte romain en pleine terre, à une exposition chaude, & dans un terrein sec, où ils ont résisté au froid pendant plusieurs hivers. On a soin seulement de les couvrir pendant les fortes gelées de deux ou trois paillassons, & on met de grand fumier à leur pié pour empêcher la gelée de pénétrer jusqu’à leurs racines. Mais en Cornouailles & en Devonshire, où les hivers sont plus doux que dans les autres provinces d’Angleterre, l’on voit de grandes haies de myrtes plantées depuis plusieurs années, dont quelques-unes ont jusqu’à six piés d’hauteur. J’imagine que l’espece à fleur double qui vient des provinces méridionales de France, résisteroit aussi-bien que les autres en pleine terre. Cette espece avec celle à feuille d’oranger, sont les plus difficiles à faire venir de boutures. Mais en faisant les boutures de ces arbrisseaux tout à la fin du mois de Juillet, en choisissant pour cela les plus tendres rejettons, & en les conduisant comme il a été dit, j’ai souvent éprouvé qu’elles faisoient fort bien racine. L’espece à feuilles d’oranger, & toutes celles à feuilles panachées, sont plus délicates que les especes ordinaires : il faudra les mettre à l’orangerie un peu plutôt en automne, & les y placer loin des fenêtres.

Bradley auteur anglois, assure que tous les myrtes peuvent très-aisément se multiplier de branches couchées, & que l’espece à fleur double & celle à feuilles d’oranger, réussissent mieux de cette façon que de boutures ; mais qu’il ne faut se servir que des jeunes branches de l’année ; car si on couchoit des branches plus âgées, elles ne feroient point de racines malgré toutes les attentions qu’on pût y donner : que le mois de Mai est le tems le plus convenable pour coucher ces branches ; que le myrte se plaît tellement dans l’humidité, qu’il en a vu un pot qui avoit passé l’été dans un bassin qu’on avoit soin d’entretenir plein d’eau, & que ce myrte avoit poussé pendant cet été quatre fois autant que ceux qu’on avoit traités à l’ordinaire, & qu’il avoit continué de croître de la même maniere pendant plusieurs années, sans qu’on renouvellât la terre du pot.

Mais on peut encore multiplier de semence les myrtes à fleur simple, à l’exception des especes à feuilles panachées ; & de plus ils peuvent tous se greffer les uns sur les autres.

Les feuilles de myrtes entrent dans les sachets d’odeur, dans les pots-pourris ; & au royaume de Naples, elles servent à tanner les cuirs.

Les baies de myrte sont de quelque usage en Médecine, & on en fait en Allemagne une teinture de couleur d’ardoise qui a peu d’éclat. Dans la Provence où il y a beaucoup de ces arbrisseaux, les oiseaux se nourrissent de ces baies ; ce qui les engraisse & les rend d’un goût excellent.

On connoît plusieurs especes de myrtes & quelques variétés : voici les plus remarquables des unes & des autres.

1. Le myrte commun d’Italie ; sa feuille est moyenne.

2. Le myrte romain à large feuille.

3. Le même à baies blanches.

4. Le même myrte à feuille dorée.

5. Le petit myrte commun, ou le myrte à feuille de thim : c’est celui qu’on cultive le plus dans ce royaume.

6. Le même myrte à feuille argentée.

7. Le myrte à feuille de buis.

8. Le myrte à feuille de romarin.

9. Le même myrte à feuille panachée de verd & de blanc : ses fleurs sont bigarrées de blanc & de rouge : c’est celui dont les Anglois font le plus de cas.

10. Le myrte balsamique a feuille de grenadier.

11. Le myrte cïtronné : ses feuilles ont l’odeur de la noix muscade, & ses jeunes rameaux sont rougeâtres.

12. Le même myrte à feuille dorée.

13. Le myrte d’Espagne à larges feuilles : les Anglois le nomment plus communément le myrte à feuille d’oranger ; mais ses feuilles ont plus de ressemblance avec celles du laurier franc, & elles viennent plusieurs ensemble par touffes.

14. Le même à baies blanches.

15. Le myrte d’Espagne à feuille étroite.

16. Et le myrte à fleur double : sa feuille est presque aussi grande que celle du myrte romain.

Le myrte commun d’Italie & le romain, sont plus robustes que tous les autres : le myrte citronné & celui à feuilles d’oranger, sont les plus délicats, ainsi que toutes les especes à feuilles panachées.

Myrte, (Pharmac. & Mat. médic.) Le myrte n’est point employé dans les prescriptions magistrales destinées à l’usage intérieur : ses feuilles & ses fleurs ont pourtant une qualité astringente très-réelle, dont on pourroit tirer parti en Médecine, si ces sortes de remedes étoient rares. On ne se sert guere que des baies connues dans les boutiques sous le nom de myrtiles, qui sont aussi manifestement astringentes, & qui entrent dans plusieurs purgations officinales, tant pour l’usage intérieur que pour l’usage extérieur. La plus usitée de ces préparations pour l’usage intérieur, est le syrop des baies composé, ou le syrop myrtin de Mesué. Voici la description de ce syrop, d’après la pharmacopée de Paris. Prenez des baies de myrte, deux onces & demie ; des neffles qui ne soient point mûres, une once ; de la rapure de santal citrin ; des fruits d’épine vinette récens ; des fruits de sumache ; des balaustes ; des roses rouges mondées, de chacune deux onces : le tout étant convenablement haché, faites-le macerer, pendant vingt-quatre heures, au bain marie, dans eau commune, trois livres ; sucs de coins & de poires sauvages, de chacun deux livres ; coulez avec forte expression : ajoutez cinq livres de beau sucre ; clarifiez aux blancs d’œufs, & cuisez en consistence de syrop.

C’est-là évidemment le plus fort styptique qu’on puisse tirer de la famille des végétaux ; au moins la plupart des substances végétales, éminemment styptiques, sont-elles rassemblées dans ce remede. Aussi est-il recommandé dans toutes les hémorrhagies internes & dans les cours de ventre opiniâtres, contre lesquels les astringens sont indiqués ; & encore ce syrop est-il souvent impuissant dans ces cas. Le syrop de myrte simple, que l’on prépare avec les sommités séchées de cet arbrisseau, ne possede les vertus du syrop de myrte composé qu’à un degré bien inférieur.

On retire du myrte une eau distillée simple, dans laquelle on cherche en vain la vertu astringente de la plante (car les principes astringens ne sont point volatils), & qui ne possede que les vertus communes des eaux distillées aromatiques. Cette eau a été connue dans les toilettes des dames, sous le nom d’eau d’ange.

Quant à l’usage extérieur : on fait bouillir les baies & les feuilles de myrte dans du gros vin, soit seules soit avec les herbes appellées fortes, pour en faire des fomentations & des lotions astringentes, fortifiantes, résolutives ; des gargarismes dans le relâchement extrème de la luette ; des incessus pour la chûte du fondement & de la matrice.

On prépare aussi, soit des baies, soit des petites branches fleuries, des huiles par infusion & par décoction, qui sont, sur-tout la derniere, véritablement résolutives, mais point astringentes.

Les baies de myrte entrent dans la poudre diamargariti frigidi ; le syrop simple, dans les pilules astringentes ; l’huile, dans l’emplâtre oppodeltoch. (b)

Myrte du Brabant, (Hist. nat. Bot.) myrtus brabantica. C’est une plante ou arbuste assez aromatique, qui croît dans les endroits marécageux, & sur-tout dans quelques provinces du Pays-Bas. Les Botanistes lui ont donné différens noms. Dodonaeus l’appelle chamoeleagnus ; c’est le cistus ledon, foliis rorismarini ferrugineis de C. Bauhin ; le ledum silesiacum de Clusius ; rosmarinum sylvestre, sive bohemicum de Matthiole, &c. Cette plante est d’une odeur très-forte ; elle est un peu résineuse, ce que l’on trouve lorsqu’on écrase ses sommités entre les doigts. Simon Pauli, célebre médecin danois, a cru que cette plante étoit la même que le thé des Chinois ; mais ce sentiment a été réfuté par le docteur Cleyer, dont la lettre est insérée dans le IV. volume des acta hafniensia. Il est certain que les feuilles de cette plante, séchées, & ensuite infusées comme du thé, ont un goût très différent, mais qui n’est point désagréable. Les Flamands nomment cette plante gagel ; les gens de la campagne en mettent dans leurs paillasses pour écarter les punaises, mais il est à craindre que son odeur qui est très-forte, n’empêche de dormir ceux qui auroient recours à ce remede. On dit qu’en mettant cette plante dans de la biere, elle enivre très-promptement ; & que par-là, non-seulement elle ôte la raison, mais encore qu’elle rend insensés & furieux ceux qui en boivent.