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L’Encyclopédie/1re édition/NÉNUPHAR

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NÉNUPHAR, nymphæa, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleurs en rose, composée de plusieurs petales disposés en rond. Le pistil sort du calice & devient dans la suite un fruit rond ou conique, qui est divisé en plusieurs loges, & qui renferme des semences le plus souvent oblongues. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Nous ne connoissons en Europe que deux especes de ce genre de plante aquatique, le nénuphar à fleur blanche, & le nénuphar à fleur jaune.

Le nénuphar à fleur blanche, nymphæa alba major, I. R. H. 260, a la racine vivace, longue, grosse comme le bras, garnie de nœuds de couleur brune en dehors, blanche en-dedans, charnue, fongueuse, empreinte de beaucoup de suc visqueux, attachée au fond de l’eau dans la terre par plusieurs fibres ; elle pousse des feuilles grandes, larges, la plûpart orbiculaires, échancrées en cœur ou en fer à cheval, épaisses, charnues, nageant sur la surface de l’eau, veineuses, d’un verd blanchâtre sur le dos, d’un verd brun en dessous, ayant chacun deux petites oreilles obtuses, d’un goût herbeux assez fade : ces feuilles sont soutenues par des queues longues, grosses comme le doigt d’un enfant, cylindriques, rougeâtres, tendres, succulentes, fongueuses.

Ses fleurs sont grandes, grosses, larges quand elles sont épanouies, à plusieurs pétales disposés en rose, belles, blanches comme celles du lis, presque sans odeur ; elles sont renfermées dans un calice ordinairement à cinq pétales blanchâtres, rangés en rose & à fleurons : leur milieu est occupé par des étamines nombreuses qui partent de la jointure circulaire & extérieure de l’ovaire & du placenta.

Lorsque la fleur est passée, il paroît un fruit sphérique ressemblant à une tête de pavot, partagé dans sa longueur en plusieurs loges remplies de semences oblongues, noirâtres, luisantes, un peu plus grandes que du millet.

Cette plante est toute d’usage en Médecine ; il paroît qu’elle est d’une nature nitreuse, parégorique, apéritive & raffraîchissante. On ne la cultive point dans les jardins ; elle croît naturellement dans les marais, dans les eaux croupissantes, ou dans les ruisseaux qui coulent lentement, & dans les grandes pieces d’eau ; elle fleurit en Mai & en Juin, quelquefois jusqu’en automne. Ray pense que le nénuphar du Brésil à fleur blanche, décrit par Margrave, ne fait pas une espece différente du nôtre.

Le nénuphar à fleur jaune, nymphæa lutea major, I. R. H. 261, ne differe presque du blanc que par la fleur, qui est jaune & plus petite.

Quant aux nymphæa étrangers, des savans éclairés dans la Botanique, & la connoissance des monumens antiques, ont découvert que la plante qu’on voit sur quelques médailles d’Egypte, n’est autre chose que la nymphæa, qui est fort commune dans les campagnes arrosées par le Nil. La fleur de cette plante est de toutes ses parties celle qui se remarque le plus ordinairement sur les monumens égyptiens, ce qui vient du rapport que ces peuples croyoient qu’elle avoit avec le soleil, à l’apparition duquel elle se montroit d’abord sur la surface de l’eau, & s’y replongeoit dès qu’il étoit couché ; phénomene commun à toutes les especes de nymphæa.

C’étoit là l’origine de la consécration que les Egyptiens avoient faite de cette fleur à cet astre, le premier & le plus grand des dieux qu’ils aient adorés. Delà vient la coutume de la représenter sur la tête de leur Osiris, sur celle de leurs autres dieux, sur celle même des prêtres qui étoient à leur service. Les rois d’Egypte affectant les symboles de la divinité, se sont fait des couronnes de cette fleur ; elle est aussi représentée sur leurs monnoies, tantôt naissante, tantôt épanouie & environnant son fruit : on voit avec la tige comme un sceptre royal dans la main de quelques idoles. (D. J.)

Nénuphar, (Pharm. & Mat. med.) la racine & les fleurs du nénuphar sont les seules parties de cette plante qui soient en usage en Medecine : on y emploie indifféremment la racine du nénuphar à fleurs blanches ou nénuphar blanc, & celles de nénuphar jaune ; mais on ne se sert presqu’absolument que des fleurs du nénuphar blanc.

La racine du nénuphar est mucilagineuse, gluante, amere ; les fleurs contiennent à-peu-près les mêmes substances, mais en beaucoup moins grande quantité.

La racine de nénuphar fait là base des tisanes regardées comme éminemment rafraîchissantes, adoucissantes, relâchantes, qui s’ordonnent communément dans l’ardeur d’urine, sur-tout celle qui accompagne les gonorrhées virulentes ; dans les affections inflammatoires des intestins, des reins & des voies urinaires. L’infusion des fleurs est ordonnée plus rarement dans les mêmes cas, & est aussi très-inférieure en vertu à la décoction de la racine. Cette infusion est regardée comme légerement narcotique ; mais cette vertu, presque généralement avouée, n’est rien moins que démontrée.

Le sirop de nénuphar qui se prépare avec l’infusion des fleurs, est plus usité que cette infusion, & contient les principes médicamenteux de ces fleurs en moindre quantité encore. On peut avancer que c’est-là un assez pauvre remede. On prépare aussi dans quelques boutiques un sirop de nénuphar avec la décoction de la racine : celui-ci est plus chargé de parties mucilagineuses, & c’est apparemment à cause de cela qu’on le prépare moins communément, parce que les mucilages sont éminemment sujets à s’altérer, à moisir dans toutes les préparations liquides, même malgré la cuite & l’assaisonnement du sucre. Voyez Mucilage. Le sirop de nénuphar ordinaire, c’est-à-dire préparé avec les fleurs, n’est pas exempt de cette altération ; pour la prévenir autant qu’il est possible, il faut, si l’on n’aime mieux bannir ce remede des boutiques, lui donner une forte cuite, & la renouveller de tems en tems.

Tous ces remedes tirés du nénuphar ont l’inconvénient grave d’affadir, de refroidir, d’embourber l’estomac, & par-là de faire perdre l’appétit & d’abattre les forces, & cela d’autant plus qu’ils sont plus mucilagineux. La tisane ou décoction des racines, qui est le plus ordinaire de ce remede, est aussi le plus mauvais.

Nous n’avons guere meilleure opinion d’une conserve qu’on prépare avec les fleurs, & qu’heureusement on emploie rarement pour elle-même, mais seulement pour servir d’excipient dans les opiates & les bols narcotiques.

On garde dans les boutiques une eau distilée des fleurs de nénuphar qui n’est bonne à rien, & une huile par infusion & par décoction de ces mêmes fleurs, qui ne vaut pas davantage.

Les fleurs de nénuphar entrent dans le sirop de tortue, la poudre diamargariti frigidi ; le sirop entre dans les pilules hypnotiques, & l’huile dans le baume hypnotique.

On prépare un miel de nénuphar avec les fleurs non mondées, ou même avec les calices & les étamines dont on a mondé les fleurs destinées à la préparation du sirop. Le miel de nénuphar s’ordonne depuis deux jusqu’à quatre onces dans les lavemens rafraîchissans & relâchans. (b)