L’Encyclopédie/1re édition/NAIN
NAIN, s. m. (Physique.) on nomme nain, quelqu’un qui est de taille excessivement petite ; ce siecle m’offre, pour former cet article, deux exemples vivans de nains, tous deux à-peu-près de même âge, & tous deux fort différens de figure, d’esprit, & de caractere. L’un est le nain de S. M. le roi Stanislas, & l’autre est à la suite de madame la comtesse de Humiecska, grande porte-glaive de la couronne de Pologne.
Je commence par le nain de S. M. le roi de Pologne, duc de Lorraine. Il se nomme Nicolas Ferry ; il est né le 19 Novembre 1741 ; sa mere alors âgée de 35 ans a eu trois enfans dont il est l’aîné. Malgré toutes les apparences ordinaires, elle ne pouvoit se persuader d’être grosse, lorsqu’elle le fut de cet enfant ; cependant au bout de neuf mois elle le mit au monde, après avoir souffert les douleurs de l’accouchement pendant deux fois vingt-quatre heures ; il étoit long dans sa naissance, d’environ neuf pouces, & pesoit environ quinze onces. Un sabot à moitié rempli de laine lui servit, dit-on, de berceau pendant quelque tems, car c’est le fils d’une paysanne des montagnes de Vosges.
Le 25 Juillet 1746, M. Kast, médecin de la reine duchesse de Lorraine le mesura, & le pesa avec grande attention ; il pesoit étant nud neuf livres sept onces. Depuis ce tems-là il a porté sa croissance jusqu’à environ trente-six pouces. Il a eu la petite vérole à l’âge de trois mois ; son visage n’étoit point laid dans son enfance, mais il a bien changé depuis.
Bébé, c’est le nom qu’on lui donne à la cour du roi Stanislas, Bébé, dis-je, qui est présentement, (en 1760) dans sa 20e année, paroît avoir déjà le dos courbé par la vieillesse ; son teint est flétri ; une de ses épaules est plus grosse que l’autre ; son nez aquilin est devenu difforme, son esprit ne s’est point formé, & on n’a jamais pu lui apprendre à lire.
Le nain de madame Humiecska, nommé M. Borwilasky, gentilhomme polonois, est bien différent de celui du roi Stanislas ; & ce jeune gentilhomme peut être regardé comme un être fort singulier dans la nature.
Il a aujourd’hui (1760) 22 ans ; sa hauteur est de vingt-huit pouces ; il est bien formé dans sa taille ; sa tête est bien proportionnée ; ses yeux sont assez beaux ; sa physionomie est douce, ses genoux, ses jambes, & ses piés sont dans toutes les proportions naturelles : on assure qu’il est en pleine puberté.
Il ne boit que de l’eau, mange peu, dort bien, resiste à la fatigue, & jouit en un mot d’une bonne santé.
Il joint à des manieres gracieuses des réparties spirituelles ; sa mémoire est bonne ; son jugement est sain, son cœur est sensible & capable d’attachement.
Le pere & la mere de M. Borwilasky sont d’une taille fort au-dessus de la médiocre ; ils ont six enfans ; l’aîné n’a que trente-quatre pouces, & est bien fait ; le second nommé Joseph (& qui est celui dont nous parlons ici) n’en a que vingt-huit ; trois freres cadets de celui-ci, & qui le suivent tous à un an les uns des autres, ont tous les trois environ cinq piés six pouces, & sont forts & bien faits. Le sixieme des enfans est une fille âgée de près de six ans, que l’on dit être jolie de taille & de visage, & qui n’a que vingt à vingt-un pouce, marche, parle aussi librement que les autres enfans de cet âge, & annonce autant d’esprit que le second de ses freres.
M. Joseph Borwilasky est néanmoins demeuré long-tems sans éducation ; ce n’est que depuis deux ans que madame Humiecska en a pris soin. Présentement il sait lire, écrire, l’arithmétique, un peu d’allemand & de françois ; enfin il est d’une grande adresse pour tous les ouvrages qu’il entreprend.
Les singularités assez remarquables sur la naissance des enfans de madame Borwilasky, sont qu’elle est toujours accouchée à terme de ses six enfans ; mais dans l’accouchement des trois nains, chacun d’eux en venant au monde avoit à peine une figure humaine ; la tête rentrée entre les deux épaules qui l’égaloient en hauteur, donnoit dans la partie supérieure une forme quarrée à l’enfant : ses cuisses & ses jambes croisées & rapprochées de l’os sacrum & du pubis, donnoient une forme ovale à la partie inférieure, le tout ensemble représentoit une masse informe presque aussi large que longue, qui n’avoit presque d’humain que les traits du visage. Ces trois enfans ne se sont déployés que par degrés ; cependant aucun d’eux n’est resté difforme, & sont au contraire bien proportionnés ; ils n’ont jamais porté de corps, & nul art n’a été employé pour rectifier la nature.
Je trouve dans l’Histoire d’Angleterre l’opposé de ces deux nains. En 1731 un paysan du comté de Berks amena à Londres son fils âgé de six ans, qui avoit près de cinq piés d’Angleterre de haut, robuste, fort, & à-peu-près de la grosseur d’un homme fait. (D. J.)
Nains, s. m. pl. (Hist. mod.) ces sortes de pygmées dans la race humaine sont recherchés pour les amusemens du grand seigneur ; ils tâchent de le divertir par leurs singeries, & ce prince les honore souvent de quelques coups de pié. Lorsqu’il se trouve un nain qui est né sourd, & par conséquent muet, il est regardé comme le phénix du palais ; on l’admire plus qu’on ne feroit le plus bel homme du monde, sur-tout si ce magot est eunuque ; cependant ces trois défauts qui devroient rendre un homme méprisable, forment, à ce que dit M. Tournefort, la plus parfaite de toutes les créatures, aux yeux & au jugement des Turcs. (D. J.)
Nain, (Jardinage.) est un arbre de basse tige que l’on nomme aussi buisson. (K)
Nain-londrins, s. m. pl. (Comm.) draps fins d’Angleterre, tous fabriqués de laine d’Espagne, & destinés pour le levant.