L’Encyclopédie/1re édition/NECYOMANTIE

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NECYOMANTIE, s. f. (Magie.) divination par les évocations des ames des morts. On ne peut douter que ces évocations n’eussent un rit & des cérémonies religieuses qui leur étoient propres. Les anciens ne les ont point décrites, mais il est probable qu’elles ressembloient à celles qu’Ulysse emploie dans la nécyomantie de l’Odyssée. Homere, si attentif à se conformer aux usages anciens, n’aura pas violé le costume dans cette seule occasion.

On peut encore supposer que les cérémonies usitées dans ces évocations, ressembloient à celles qui s’observoient aux sacrifices funebres, & dans ceux qui étoient destinés à honorer les héros : car les uns & les autres étoient désignés par un même mot.

Il y avoit un oracle des morts, Νεϰρομαντεῖον, établi dans la Thesprotie, sur les bords du fleuve Acheron : c’est cet oracle de la Thesprotie qui avoit donné à Homere l’idée de la nécyomantie de l’Odyssée, & c’étoit de là qu’il prit le nom des fleuves infernaux. Plutarque nous a fourni quatre exemples d’évocations des ames des morts, faites avec une certaine authenticité ; mais il n’accompagne ce qu’il en dit d’aucune réflexion qui fasse présumer que l’usage subsistoit encore lorsqu’il écrivoit.

Il seroit très possible que les premiers habitans de la Grece eussent imaginé l’espece de divination dans laquelle on évoquoit les ames des morts ; car on l’a trouvée établie chez diverses nations sauvages de l’Afrique ; cependant il est vraissemblable qu’elle avoit été portée dans la Grece par les mêmes colonies orientales qui établirent dans ce pays le dogme du partage de l’administration de l’univers entre différentes divinités à qui l’on donnoit des attributs distingués, & qu’on invoquoit en particulier par un culte & par des cérémonies différentes. Hérodote nous apprend qu’avant l’arrivée des colonies orientales ce partage n’avoit point lieu dans la religion des anciens Pélasges ; ils reconnoissoient à la vérité plusieurs divinités qu’ils nommoient θεοι, ou auteurs de l’arrangement de l’univers ; mais ils les adoroient & les invoquoient tout à-la-fois, & sans les séparer. Voyez les observations de M. Freret sur cet article, dans les Mem. de Littérat. tome XXIII. in-4°. (D. J.)