L’Encyclopédie/1re édition/NEPTUNE

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NEPTUNE, s. m. (Mytholog.) fils de Saturne, & de Rhée, & frere de Jupiter & de Pluton. Les poëtes lui donnent une infinité de maîtresses & quantité de noms : non-seulement ils lui attribuent le pouvoir d’ébranler la terre, mais encore de l’entrouvrir. Tous les gens de lettres connoissent ce bel endroit de l’iliade, Rabsod 5. v. 6. où Neptune en courroux répand l’épouvante jusque dans les enfers ; endroit dont M. Despreaux a donné une traduction admirable, & qui peut-être ne cede à l’original qu’en ce qu’elle est plus longue de trois vers.

L’enfer s’émeut au bruit de Neptune en furie ;
Pluton sort de son trône, il pâlit, il s’écrie ;
Il a peur que ce dieu, dans cet affreux séjour,
D’un coup de son trident, ne fasse entrer le jour ;
Et par le centre ouvert de la terre ébranlée,
Ne fasse voir du Styx la rive désolée,
Ne découvre aux vivans cet empire odieux,
Abhorré des mortels, & craint même des dieux.

Cette fiction de la poésie est peut-être fondée sur les violentes secousses que la mer donne à la terre, & sur les passages qu’elle se creuse au-travers des rochers les plus durs.

Les poëtes disent encore que Neptune présidoit particulierement aux courses, soit de chevaux, soit de chars. Ils ajoutent que c’étoit lui qui frappant la terre d’un coup de trident, en avoit fait sortir le cheval. …

… Tuque ô, cui prima frementem
Fudit equum magno tellus percussa tridenti,
Neptune……

Neptune a été un des dieux du paganisme des plus honorés. Il eut en Grece & en Italie, sur-tout dans les lieux maritimes, un grand nombre de temples élevés en son honneur, des fêtes & des jeux. Les Isthmiens & ceux du cirque à Rome lui furent spécialement consacrés sous le nom d’Hippius, parce qu’il y avoit des courses de chevaux. On célébroit les neptunales en son honneur, & même les Romains lui avoient consacré tout le mois de Février, pour le prier d’avance d’être favorable aux navigateurs, qui, dès le commencement du printems, se disposoient aux voyages de mer.

Platon nous apprend qu’il avoit un temple magnifique dans l’île Atlantique, où les métaux les plus précieux brilloient par-tout. Des figures d’or représentoient le dieu sur un char, trainé par des chevaux aîlés. Hérodote parle aussi d’une statue d’airain, haute de 7 coudées, que Neptune avoit près de l’isthme de Corinthe.

Enfin nous remarquerons que les poëtes ont donné le nom de Neptune à la plûpart des princes inconnus, qui venoient par mer s’établir dans quelques nouveaux pays, ou qui regnoient sur des îles, ou qui s’étoient rendus célebres sur la mer par leurs victoires ou par l’établissement du commerce. De-là tant d’histoires sur le compte de Neptune, tant de femmes, tant de maîtresses & d’enfans qu’on donne à ce dieu, tant de métamorphoses, tant d’enlevemens qu’on lui attribue.

Je me garderai bien de chercher à deviner l’origine de son nom, depuis que je connois l’éthymologie qu’en donnoit l’épicurien Balbus, Neptunus à naudo, sur laquelle Cotta le raille si plaisamment dans Ciceron, en lui disant qu’il n’y a point de nom qu’on ne puisse faire venir de la façon qu’on le voudra, & que dans l’extraction de celui-ci, magis sibi natare visus est quàm ipse Neptunus. (D. J.)

Neptune, temple de, (Archit. antiq.) Voyez Temple de Neptune.

Neptune, s. m. (Antiq. grecq. & rom.) On trouve ce dieu représenté ordinairement tout nud & barbu, tenant un trident, son symbole le plus commun, & sans lequel on ne le voit guere. Il paroît tantôt assis, tantôt de bout sur les flots de la mer, souvent sur un char traîné par deux ou quatre chevaux. Ce sont quelquefois des chevaux ordinaires, quelquefois des chevaux marins, qui ont la partie supérieure de cet animal, pendant que tout le bas se termine en queue de poisson.

Dans un ancien monument, Neptune est assis sur une mer tranquille, avec deux dauphins qui nagent sur la superficie de l’eau, ayant près de lui une proue de navire chargé de grains & de marchandises ; ce qui marquoit l’abondance que procure une heureuse navigation.

Dans un autre monument, on le voit assis sur une mer agitée, avec le trident planté devant lui, & un oiseau monstrueux, à tête de dragon, qui semble faire effort pour se jetter sur lui, pendant que Neptune demeure tranquille, & paroît même détourner la tête. C’étoit pour exprimer que ce dieu triomphe également des tempêtes & des monstres de la mer.

Mais un monument plus durable que tous ceux de pierre ou d’airain, c’est la belle description que Virgile nous fait du cortege de ce dieu, quand il va sur l’élément qui lui est soumis.

Jungit æquos auro genitor, spumantiaque addit
Fræna feris, manibusque omnes effundit habenas.
Cæruleo per summa levis volat æquora curru.
Subsidunt undæ, tumidumque sub axe tonanti
Sternitur æquor aquis : fugiunt vasto æthere nimbi.
Tum variæ comitum facies ; immania cete,
Et senior Glauci chorus, Inousque Palæmon,
Tritonesque citi, Phorcique exercitus omnis.
Læva tenent Thetis & Melite, Panopeaque virgo
Nesæe, Spioque, Thaliaque, Cymodoceque
.

Æn. lib. V. v. 817.

« Neptune fait atteler ses chevaux à son char doré ; & leur abandonnant les renes, il vole sur la surface de l’onde. A sa présence les flots s’applanissent, & les nuages fuient. Cent monstres de la mer se rassemblent autour de son char : à sa droite la vieille suite de Glaucus, Palémon, les légers tritons : à sa gauche, Thétis & les Néréides ». (D. J.)

Neptune, bonnet de, (Botan.) nom donné par les Botanistes à une espece remarquable de champignon de mer, qu’on ne trouve jamais attaché à aucun corps solide, mais qui est toujours lâche & en mouvement au fond de la mer.

Ce champignon a cinq pouces & demi de hauteur, sur sept pouces de large à sa base, qui s’éleve insensiblement, & s’arrondit enfin en maniere de calotte ou de dôme feuilleté en-dehors par bouquets, dont les lames sont coupées en crête de coq, & qui représente en quelque façon une tête naissante & moutonnée. Sa structure intérieure est différente ; il est cannelé légerement, & parsemé de petits grains & de quelques pointes obtuses, la plus grande n’a pas plus d’une ligne de long.

On trouve plusieurs champignons de mer de pareille structure dans la mer Rouge & dans le sein Persique ; mais ils sont ordinairement fort petits, & n’approchent pas du bonnet de neptune. Celui que Clusius a nommé fungus saxeus Nili major, est beaucoup plus applati, & ressemble à nos champignons ordinaires, si ce n’est qu’il est feuilleté en-dehors. On en trouve quelques-uns, mais rarement, qui ont un petit pédicule qui les soutient. Ce pédicule est fort cassant ; cependant il est à croire que dans leur naissance ils étoient attachés au fond de la mer par quelque chose de semblable ; & suivant toutes les apparences, lorsqu’ils n’ont plus de pédicules, ils se nourrissent par le secours de quelque suc, que l’eau de la mer où ils trempent laisse insinuer dans leurs pores. (D. J.)

Neptune, temple de, (Géog.) ce dieu avoit en plusieurs lieux de la Grece des temples élevés en son honneur, qui donnoient le nom à ces mêmes lieux Neptuni templum. Strabon dit qu’il y avoit un temple de Neptune dans le Péloponnese, un autre dans l’Elide, un autre dans la Messenie, un sur l’isthme de Corinthe, un dans l’Achaïe, un à Géreste dans l’Euboee, un dans l’île de Ténos, l’une des Cyclades, un dans l’île de Samos, un dans l’île de Calaurie, un à Oncheste dans la Bœotie, un à Possidium sur la côte d’Egypte, &c. car il seroit trop long de les nommer tous.

Neptunius mons, (Géog. anc.) montagne de Sicile qui s’étend depuis les racines de l’Ethna, jusqu’à la pointe de Messine. Solin en parle, & dit qu’au sommet il avoit une guéritte, d’où l’on pouvoit voir la mer de Toscane & la mer Adriatique. On nomme aujourd’hui cette montage Spreverio monte.