L’Encyclopédie/1re édition/NEUCHATEL

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NEUCHATEL, petit état en Suisse, avec titre de principauté, est situé dans le mont Ima, au 47d. de lat. septentrionale, & au 23d. de long. Il peut avoir 12 lieues de long, sur 5 dans sa plus grande largeur. Il comprend le comté de Neuchâtel, & la seigneurie de Valeugin, réunis depuis près de deux siecles sous une même domination. Ses bornes sont au nord, l’évêché de Bâle, à l’orient, le canton de Berne ; au midi, un lac qui le sépare de ce canton & de celui de Frybourg, & à l’occident, la Franche-comté. Son étendue étoit plus considérable autrefois. Des terres données en appanage aux cadets de la maison souveraine, & l’acquisition qu’en ont fait les états voisins ont resserré ses anciennes limites. Mais quelque peu spacieux que soit le terrain qu’il occupe, ses productions naturelles, l’histoire de ses souverains, la forme singuliere de son gouvernement, & les droits extraordinaires dont jouissent les peuples qui l’habitent, tous ces objets fournissent matiere à la curiosité, & méritent quelques détails.

On distingue aisément trois régions dans le pays de Neuchâtel ; l’inférieure, qui s’étend en amphithéâtre, le long du bord septentrional du lac ; la moyenne, séparée de l’autre par une chaîne de montagnes ; & la supérieure, au nord des deux précédentes. La premiere offre un vignoble presque continuel. Les vins rouges qu’il produit sont très-estimés, & osent quelquefois disputer le prix aux vins de Bourgogne. La seconde est fertile en grains, en pâturages. Elle comprend deux vallons, appellés le val de Ruz, & le val de Travers : ce dernier est connu par la salubrité de l’air qu’on y respire, & qui influe sur l’humeur de ses habitans. La partie supérieure enfin, qu’on appelle communément les montagnes, présente un spectacle digne de la curiosité d’un philosophe, & de la sensibilité d’un ami des hommes. Aussi n’a-t-il pas échappé à un citoyen de Genève, qui a publié quelques écrits dignes d’un rhéteur athénien. Rien de plus aride ni de plus ingrat que cette partie de l’état de Neuchâtel. C’est un vallon étroit placé dans un climat très rude. L’hyver y est la plus longue saison de l’année ; le printems & l’automne y sont presque inconnus. Aux frimats, aux neiges dont la hauteur surpasse souvent celle des maisons, & enfouit les habitans, succéde un été très-chaud, mais très-court. La terre n’y produit que de l’avoine. Les pâturages sont la seule ressource que la nature y fournisse. Qui s’attendroit à trouver dans un tel pays le génie, l’industrie, les graces, la politesse réunies avec l’abondance ; à y voir les sciences en honneur, & divers arts utiles ou agréables cultivés avec le plus grand succès, par le peuple immense qui l’habite ? L’Horlogerie en particulier dans toutes ses branches, la Coutellerie, la Gravure, la Peinture en émail, ont rendu ce pays célebre dans toute l’Europe. On y perfectionne les découvertes, on en fait de nouvelles. Un de ces montagnards posséde seul le secret des moulins guimpiers, nécessaires aux fabriques de galons. Un autre s’est fait la plus grande réputation dans la méchanique ; il a osé marcher dans une carriere que M. de Vaucanson a illustrée. Le roi d’Espagne Ferdinand VI. l’ayant appellé auprès de lui, il y fit transporter une pendule admirable de son invention, qui orne actuellement le palais royal de Madrid. Rien ne manquera sans doute au bonheur de ce peuple désavantageusement placé, il est vrai ; mais éclairé, libre & jouissant d’une paix profonde, aussi long-tems que le luxe, l’humeur processive, & l’envie de disputer, même sur des questions théologiques, ne banniront pas de son sein la simplicité de mœurs, la candeur naïve, & l’union qui caractérisent ordinairement les habitans des montagnes.

Outre le Doux, qui coule le long d’une partie du Ima, & sépare la principauté de Neuchâtel de la Franche-comté, les principales rivieres de cet état sont la Thiéle, la Reuze & la Serriere. La Thiéle a sa source dans le pays de Vaud ; elle entre auprès d’Yverdun dans le lac de Neuchâtel, le traverse en toute sa longueur, arrose la partie orientale du pays, la sépare du canton de Berne, traverse de même le lac de Biedne, en sort sans changer de nom, & se jette enfin dans l’Aar, auprès de la ville de Buren. La source de la Reuze est dans la partie occidentale du val de Travers. Elle le baigne en entier, se précipite ensuite dans des abîmes profonds, reprend un cours plus tranquille, & se jette dans le lac. On ne feroit pas mention ici de la Serriere, si elle ne présentoit pas une singularité assez rare. Sa source n’est pas éloignée de plus de deux portées de fusil du lac où est son embouchure. Elle sort avec impétuosité du pié d’une montagne, & roule assez d’eau pour mettre en mouvement à 20 pas de-là des rouages considérables. Son cours en est couvert ; on y voit des tireries de fer, des papeteries, des martinets pour les fonderies de cuivre, des moulins à blé & à planche.

Le comté de Neuchâtel est divisé en plusieurs jurisdictions, dont les unes portent le titre de châtellenie, & les autres celui de mairies. Les premieres sont au nombre de quatre, celles de Lauderon, de Boudry, du val de Travers, & de Thiéle. Il y a dix mairies ; celle de la capitale, de la Côte, de Rochefort, de Boudevilliers, de Colombier, de Costaillods, de Bevaix, de Linietes, de Verrieres, & de la Bréoine. Le comté de Valengin en a cinq : celles de Valengin, du Locle, de la Sagne, de Brenets & de la Chaux-de-fond. Les chefs de toutes ces jurisdictions sont à la nomination du prince ; les vasseaux qui possédent les baronies de Travers, de Gorgier, & de Vaux-Marcus, ont aussi leurs officiers particuliers. Les lieux les plus remarquables du pays, sont Neuchâtel, capitale, dont on parlera séparément ; le Landeron & Boudry, petites villes, le bourg de Valengin, capitale de la seigneurie de ce nom, & Motiers, le plus considérable des villages du val de Travers. On voit près de chacun de ces lieux d’anciens châteaux qui servent aujourd’hui de prison. Les principaux villages des montagnes sont le Locle, & la Chaux-de-fond. Chacun d’eux contient plus de 2000 ames. Les maisons qui les composent sont pour la plupart éloignées les unes des autres, & dispersées sur un terrain d’environ deux lieues de long. Près du Locle est un rocher au-travers duquel une source d’eau assez abondante s’étant frayé un passage, deux paysans ont su pratiquer dans les cavités intérieures trois moulins perpendiculaires, dont le plus profond est à 300 piés au-dessous du niveau du terrain. On conjecture avec assez de vraissemblance, que cette source, après avoir coulé sous terre l’espace de plusieurs lieues, en sort pour former la Serriere dont on a parlé.

L’histoire naturelle de la principauté de Neuchâtel fournit divers objets intéressans pour tous ceux à qui cette étude est chere. Les montagnes sont couvertes de simples dont on fait le thé suisse & l’eau vulnéraire, il y en a des especes très-rares. M. le docteur d’Yvernois, médecin du roi dans cette souveraineté, & botaniste célebre, en a donné une savante description dans le journal helvétique, qui s’imprime à Neuchâtel. Le pays abonde en eaux minérales, que leurs vertus font rechercher. Celles de la Brévine sont martiales & ochreuses ; celles de Motiers, marneuses, savonneuses, & sulphureuses ; celles de Couvet, spiritueuses & ferrugineuses. Il n’est peut-être aucun lieu dans l’Europe où sur un terrain aussi peu étendu, l’on trouve une si grande quantité de coquillages fossilles & de plantes marines pétrifiées. Ces curiosités naturelles remplissent les rochers & les terres marneuses, dont le pays abonde. On en découvre à toutes hauteurs depuis le bord du lac jusqu’au sommet des montagnes les plus élevées. Au haut de celle qui sépare la capitale du bourg de Valengin, se voit un rocher d’une étendue considérable, & qui n’est qu’un assemblage de turbinites placés en tout sens, & liés par une espece de tuf crystallisé. On distingue dans d’autres lieux des pierres jaunes qui, par la quantité immense de petits coquillages & de plantes marines qui s’y découvrent à l’œil & avec le secours de la loupe, donnent lieu de croire que ce n’est peut-être autre chose, sinon de ce limon qui couvre le fond de la mer, & qui s’est pétrifié. Il seroit difficile d’épuiser la liste de cette multitude innombrable de testacées, univalves, bivalves, multivalves, de lithophytes, de zoophytes, de glossopetres, & de corps marins de toutes especes, dont ce pays-là est rempli. On pourra en prendre une idée dans le traité des pétrifications du savant M. Bourguet, mort professeur de Philosophie à Neuchâtel. Les dendrites, les échinites à mamelons, les cornes d’Ammon de toutes les especes, & dont quelques-uns sont d’une grosseur prodigieuse, ornent principalement les cabinets des curieux. Enfin divers lieux de la principauté présentent des gypses singuliers, lisses & à stries, & des cavernes ornées de stalactites, dont la plus remarquable est près de la ville de Boudry.

Le principal produit du pays de Neuchâtel consiste en vins ; on nourrit un grand nombre de bestiaux dans la partie supérieure. Les terres marneuses servent d’engrais pour les prairies. Le lac qui porte le nom de cette principauté est extrèmement poissonneux. La pêche des truites, qui en autonne remontent la riviere de Reuze, forme un revenu pour le prince, & un objet de commerce pour les particuliers. Le gibier des montagnes est excellent, mais assez rare aujourd’hui, parce que les habitans qui, jusqu’au dernier, ont le privilege de chasser en tous lieux & dans toutes les saisons, en abusent, & le rendront illusoire s’ils continuent à l’exercer avec aussi peu de prudence qu’ils le font actuellement. Ce petit état est très-peuplé proportionnément à son étendue ; & quoique plusieurs Neuchâtelois s’expatrient volontairement pour un tems en vue de travailler plus aisément à leur fortune dans l’étranger, on y compte encore plus de 32000 ames. Les simples villages sont pour la plûpart grands & bien bâtis. Tout annonce l’aisance dans laquelle vivent les habitans. On n’en sera point surpris, si l’on considere que ces peuples jouissent d’une paix qui n’a point été troublée depuis plusieurs siecles, qu’ils vivent dans une liberté raisonnable pour le spirituel, comme pour le temporel, & qu’ils ne payent ni tailles, ni impôts.

Les maisons de Neuchâtel, de Fribourg, de Hochberg, d’Orléans-Longueville, & de Brandebourg, ont possédé successivement la principauté dont il est question. L’origine de la premiere est très-ancienne ; sa généalogie suit de pere en fils depuis Hulderic, qui épousa Berthe, en 1179. Louis, dernier prince de cette maison, ne laissa que deux filles ; Isabelle, l’aînée, mourut sans enfans ; Varenne, la cadette, apporta le comté de Neuchâtel en dot à Egon, comte de Fribourg, qu’elle épousa en 1397. Ce comté passa ensuite dans la maison de Hochberg, par le testament de Jean de Fribourg, en 1457, & de même dans celle d’Orléans, par le mariage de Jeanne, fille & héritiere de Philippe, marquis de Hochberg, avec Louis d’Orléans, duc de Longueuille, en 1504. Pendant plus de deux siecles les Neuchâtelois ont été soumis à des princes de cette maison. Henri II. duc de Longueville, & premier plénipotentiaire de la France à la paix de Westphalie, en 1648, eut deux fils. L’ainé Jean-Louis-Charles prit d’abord le parti de l’Eglise, & céda tous ses droits au comte de S. Pol son cadet ; mais il les recouvra par la mort de ce dernier, qui fut tué au passage du Rhin, en 1672. Comme ni l’un, ni l’autre de ces princes n’avoit été marié, la souveraineté de Neuchâtel parvint à Marie d’Orléans leur sœur, épouse de Henri de Savoie, duc de Nemours ; & cette princesse, la derniere de sa maison, mourut en 1707, sans avoir eu d’enfans de ce mariage. Alors cette souveraineté fut réclamée par un grand nombre de prétendans. Quelques-uns fondoient leurs droits sur ceux de la maison de Châlons, dont les anciens comtes de Neuchâtel étoient les vassaux. Tels étoient le roi de Prusse, le comte de Montbeliard, les princes de la maison de Nassau, le marquis d’Alégre, madame de Mailly. D’autres, comme le margrave de Bade-Dourlach, les tiroient de ceux de la maison de Hochberg. Les troisiemes demandoient la préférence en qualité d’héritiers de la maison de Longueville. Le prince de Carignan, madame de Lesdiguieres, M. de Villeroi, M. de Matignon prétendoient chacun être le plus proche héritier ab intestat. Le prince de Conty s’appuyoit sur un testament de l’abbé d’Orléans, & le chevalier de Soissons sur une donation de la duchesse de Nemours. Tous ces princes se rendirent en personne, ou envoyerent des réprésentans à Neuchâtel. Ils établirent leurs droits respectifs, & plaiderent contradictoirement sous les yeux du tribunal souverain des états du pays, qui, par sa sentence rendue le 3 Novembre 1707, adjugea la principauté à Fréderic I. roi de Prusse, comme au plus proche héritier de la maison de Châlons. Depuis lors cet état a appartenu à la maison de Brandebourg, & reconnoît pour son souverain Fréderic II. petit-fils de Fréderic I. qui regne si glorieusement aujourd’hui.

La seigneurie de Valengin faisoit anciennement partie du comté de Neuchâtel, elle en fut séparée au xiij. siecle. Ulderich, frere du comte Berchtold, eut dans un partage les pays de Nidau & d’Arberg, la montagne de Diesse & Valengin. Rodolphe, comte de Neuchâtel obligea Jean d’Arberg, seigneur de Valengin à se reconnoître son vassal. Ses prétentions à cet égard furent confirmées par la sentence que les cantons Suisses rendirent en 1584. Enfin Marie de Bourbon, veuve de Léonor d’Orléans, acheta, en 1592, du comte de Montbéliard, la seigneurie de Valengin, qui, depuis lors, a toujours été unie au comté de Neuchâtel, mais en conservant ses privileges particuliers dont elle jouissoit auparavant.

Cet état fut d’abord compris dans le royaume de Bourgogne, fondé par Rodolphe de Stratlingue, en 888. Ses comtes se mirent sous la protection de la maison de Châlons à titre de vassaux. Rodolphe de Habsbourg, parvenu à l’empire en 1273, obligea tous les seigneurs bourguignons à reconnoître son autorité. Jean de Châlons prétendit qu’Isabelle, comtesse de Neuchâtel, n’avoit pas été en droit de disposer de son fief en faveur de Conrard, comte de Fribourg, son neveu, & cependant admit ce dernier à lui prêter foi & hommage en 1397. Le même différend entre le seigneur suzerain & son vassal se renouvella lorsque le comté de Neuchâtel passa dans la maison de Hochberg qui aspiroit à se rendre indépendante. Il y eut procès à ce sujet, & l’hommage ne fut pas prêté. En 1512 les Suisses irrités de ce que Louis de Longueville, prince de Neuchâtel, avoit suivi le roi de France dans ses guerres en Italie, contre le duc de Milan leur allié, s’emparerent de cet état, & ne le rendirent qu’en 1529 à Jeanne de Hochberg & à ses enfans. René de Nassau, neveu & héritier de Philibert de Châlons, dernier seigneur de cette maison, demanda à celle de Longueville la restitution du comté de Neuchâtel. Cette derniere la refusa, prétendant être elle-même héritiere universelle de la maison de Châlons-Orange. Il en naquit un second procès qui n’a jamais été jugé. Mais c’est depuis cette époque que les comtes qui possédoient ce petit état se sont qualifiés, par la grace de Dieu, princes souverains de Neuchâtel, & la sentence de 1707 ayant reconnu le roi de Prusse, comme le vrai héritier de la maison de Châlons, a réuni par cela même le domaine utile à la seigneurie directe. Quant aux prétentions que l’empereur & l’empire pourroient former sur la souveraineté de cet état, elles ont été anéanties par la paix de Bâle en 1499, comme par celle de Westphalie en 1648, qui assurent l’une & l’autre une indépendance absolue, non seulement aux cantons Suisses, mais encore à tous leurs alliés, membres du corps helvétique ; & dans ces derniers est essentiellement compris le pays de Neuchâtel. Ce petit état est donc aujourd’hui une souveraineté indépendante, héréditaire aux filles, à défaut d’enfans mâles, inaliénable sans le consentement des peuples, & indivisible. Elle ne peut même être donnée en appanage à aucun prince cadet de la maison de Brandebourg. L’autorité souveraine est limitée par les droits des peuples. Les revenus du prince, qui consistent en censes foncieres, lods, dîmes, & quelques domaines, ne vont pas au-delà de 5100000 liv. de France, & ne peuvent être augmentés aux dépens des sujets. Le prince, lors de son avénement, jure le premier d’observer inviolablement les us & coutumes, écrites & non écrites, de maintenir les corps & les particuliers de l’etat dans la pleine jouissance des libertés spirituelles & temporelles, franchises & privileges à eux concédés par les anciens comtes, & leurs successeurs ; après quoi les sujets prêtent le serment de fidélité ordinaire. L’état de Neuchâtel a des alliances très-anciennes avec le canton de Berne, de Lucerne, de Frybourg & de Soleure. Le premier, par ses traités particuliers de combourgeoisie avec le prince & les peuples, est établi & reconnu juge souverain de tous les différends qui peuvent s’élever entre eux par rapport à leurs droits respectifs.

La religion qui domine dans la principauté de Neuchatel est la protestante. Farel y prêcha le premier la réformation qui, en 1530, fut embrassée par la plus grande partie des peuples à la pluralité des voix. Ceux qui habitoient la châtellenie du Landeron, conserverent seuls la religion catholique qu’ils exercent librement depuis lors. On assure qu’un seul suffrage en décida. Mais il faut observer que ce changement se fit contre les desirs du prince qui ne donna point à cet égard l’exemple à ses sujets. C’est le seul pays actuellement protestant où cette singularité ait eu lieu ; & elle a valu aux ecclésiastiques réformés de cet état des droits beaucoup plus étendus que ceux dont ils jouissent ailleurs. Les peuples, devenus réformés sans le concours de l’autorité souveraine, se virent chargés seuls du soin de régler toutes les affaires qui concernoient la nouvelle religion de l’état, & acquirent conséquemment tous les droits qui leur étoient nécessaires pour remplir une obligation aussi essentielle. Les chefs des corps du pays dresserent donc des constitutions ecclésiastiques, auxquelles le prince n’eut d’autre part que la sanction pour leur donner force de lois. Ils fixerent la doctrine en adoptant la confession des églises réformées de la Suisse. Leurs nouveaux pasteurs commencerent à former un corps à qui les peuples confierent le dépôt de la prédication & de la discipline. Ce corps, qu’on appelle la classe, examine les candidats pour le saint ministere, leur donne les ordres sacrés, élit les pasteurs pour les églises de la campagne, suspend, dépose, dégrade même ses membres sans que l’autorité civile y intervienne. Personne n’assiste de la part du prince dans ces assemblées. Un pasteur, nouvellement élu, est simplement présenté au gouverneur du pays, qui ne peut se dispenser de le confirmer & de l’invêtir du temporel de son bénéfice à moins qu’il n’en ait des raisons très-fortes. Les seules cures des villages catholiques sont à la nomination du souverain. Lorsqu’il en vaque une dans la capitale, la classe nomme & présente trois sujets au conseil de ville qui en choisit un.

On a déja insinué que les peuples de la souveraineté de Neuchatel jouissent de divers droits qui, par rapport à eux, restreignent l’autorité du prince plus qu’elle ne l’est peut-être dans aucun des états de l’Europe. Les anciens comtes, possesseurs d’un pays inculte, couvert de rochers & de forêts, habité par un petit nombre de serfs, selon la coutume barbare du gouvernement féodal, comprirent aisément que le plus sûr moyen de peupler leur état, & conséquemment d’augmenter leur puissance, étoit d’un côté d’en affranchir les habitans actuels, & de l’autre d’accorder de grands privileges à ceux qui viendroient s’y établir. Ils en firent même un asyle & promirent leur protection à quiconque s’y réfugieroit. Le succès répondit à leur attente. Les habitans de la capitale, devenus plus nombreux, formerent un corps, prirent le nom de bourgeois de Neuchatel, qualité que six semaines de résidence en ville procuroient alors à tout étranger, & obtinrent de leurs souverains ces concessions précieuses dont les titres & les effets subsistent encore aujourd’hui. On voit par le texte même de ces actes, qu’ils ne furent autre chose sinon des contrats, des conventions entre le prince & les sujets. Ceux-ci eurent soin d’en exiger la confirmation solemnelle à chaque changement de maître. Plusieurs souverains les amplifierent encore successivement tant en privileges ou exemptions qu’en droits utiles. A mesure que le pays se peupla, il s’y forma sur le modele de la capitale de nouveaux corps de bourgeoisies, tels sont ceux de Landeron, de Boudry & de Valengin, qui tous obtinrent des concessions de leurs princes communs. Les habitans de chaque village furent aussi érigés en communautés, à qui l’on donna des terres & des forêts pour les mettre en état de se soutenir dans leurs nouveaux établissemens. On observera ici que, selon la Jurisprudence féodale, toutes les terres étoient censées appartenir au seigneur qui, pour favoriser la population, en céda la plus grande partie à ses nouveaux sujets moyennant de légeres redevances. On remarquera encore que, soit par la faveur des princes, soit par l’usage, la plus sacrée de toutes les lois dans un pays de coutume tel que celui de Neuchatel, plusieurs privileges accordés originairement à des corps particuliers, sont devenus communs à tous les sujets qui en jouissent également aujourd’hui. Les bourgeois de Neuchatel n’habitoient pas tous dans la capitale, on les partagea en deux classes, les internes & les externes ; distinction locale dans son origine, mais devenue réelle depuis que les princes ont, en faveur de la résidence en ville, accordé aux premiers certains droits utiles dont les seconds ne jouissent pas. Toutes ces bourgeoisies dont on a parlé, ont leurs chefs, leurs magistrats, leurs conseils particuliers, avec le droit de s’assembler librement dans tous les tems pour délibérer sur leurs affaires de police intérieure & de finances, & sur les moyens de s’assurer la conservation de leurs privileges respectifs. Le gouvernement de ces corps est purement populaire. Les chefs subordonnés à l’assemblée générale ne peuvent se dispenser de lui communiquer les affaires importantes & de prendre ses ordres. La bourgeoisie de Neuchatel élit un magistrat particulier, appellé le banneret, qui, par son emploi, est le protecteur des bourgeois & le défenseur de leurs privileges.

L’époque de 1707 fut essentielle pour le droit public de l’état de Neuchatel. Les peuples avoient eu quelquefois des différends avec leurs souverains touchant certains droits qu’on leur contestoit. Pour se les assurer irrévocablement, ils profiterent d’un événement qui leur procuroit une sorte d’indépendance ; & se trouvant par la mort de Made. la duchesse de Nemours sans souverain reconnu, ils résolurent de travailler à fixer pour toûjours la juste étendue de leurs divers privileges, & à en obtenir une confirmation solemnelle. On réduisit donc tous ces privileges sous certains chefs généraux, on en forma un code abrégé de droit public. L’ouvrage fut approuvé par les corps & les communautés de l’état, qui s’unirent alors par un acte exprès d’association générale pour la défense de leurs droits. Ce code fut présenté à tous ceux des prétendans à la souveraineté que la sentence éventuelle pouvoit regarder, on le leur fit envisager comme un préliminaire essentiel, comme une condition sans laquelle les peuples ne se soumettroient point à leur nouveau maître. Tous se hâterent de le signer & promirent d’en observer exactement les articles, au cas que la sentence souveraine leur adjugeât la principauté. Cet engagement fut confirmé publiquement par M. le comte de Meternich, plénipotentiaire de S. M. le roi de Prusse, après que les trois états eurent prononcé en faveur de ce monarque. Ce code qu’on peut appeller les pacta conventa des peuples de l’état de Neuchatel avec leurs souverains, est divisé en articles généraux qui comprennent les droits communs à tous les sujets, & en articles particuliers qui intéressent uniquement les bourgeois de Neuchatel & ceux de Valengin. Sans entrer dans un détail qui meneroit trop loin, on se contentera de présenter les droits qui influent le plus directement sur la liberté des peuples, après avoir fait quelques observations sur les principes du gouvernement du pays en général.

La puissance du prince de Neuchatel se trouvant, comme on vient de le dire, limitée par ses engagemens avec ses sujets, les divers droits qui appartiennent à tout souverain doivent être divisés en deux classes : l’une comprend ceux que le prince s’est réservé ; l’autre, ceux dont il s’est dépouillé en faveur des peuples. Par rapport à ces derniers, la constitution fondamentale est que la souveraineté de l’état est toûjours censée résider dans l’état même ; c’est-à-dire, que le conseil d’état du pays qui le gouverne au nom du prince, & auquel le gouverneur préside, est autorisé, dans tous les cas qui se présentent & sans avoir besoin de prendre de nouveaux ordres, à conserver aux peuples l’exercice des privileges dont ils jouissent, & à faire observer tout ce que contiennent les articles généraux & particuliers. C’est même le principal objet du serment que prêtent tous ceux qui, par leurs emplois, sont appellés à prendre part aux affaires publiques. On comprend aisément que cette précaution étoit indispensable pour un pays où le souverain ne fait pas sa résidence ordinaire, & pour des peuples qui jouissent de divers droits précieux. Ils ne peuvent avoir les yeux trop ouverts à cet égard ; aussi toutes les fois qu’ils ont eu lieu de s’appercevoir que le conseil d’état se dirigeoit par les ordres de la cour de Berlin aux dépens des lois dont l’observation leur est commise, leur premier soin a été de recourir au juge reconnu, à L. L. E. E. de Berne, de qui ils ont toûjours obtenu des sentences favorables. Mais le principe dont on vient de parler s’étend encore aux affaires civiles, à l’égard desquelles le tribunal des trois états est souverain & absolu. Douze juges le composent : quatre gentilshommes, conseillers d’état, quatre châtelains, & quatre membres du conseil de ville. Il reçoit & ouït de tous les appels qu’on y porte des tribunaux inférieurs, & ses sentences ne peuvent être infirmées par le prince qui même est obligé de le faire convoquer chaque année à Neuchatel & à Valengin. Le gouverneur qui y préside ne peut se dispenser de signer les sentences qui en émanent, ni le conseil d’état de les faire exécuter sans délai. Ce tribunal possede encore le pouvoir législatif, il examine les articles que l’on veut faire passer en loi de l’état ; & s’il les approuve, il les présente au gouverneur qui leur donne la sanction au nom du prince.

Par le premier des articles généraux, les peuples exigent que la religion soit inviolablement maintenue dans son état actuel, & que le prince ne puisse y faire aucune innovation sans leur consentement. Les droits du corps des pasteurs y sont aussi réservés, ce qui exclud manifestement tout droit de suprématie en faveur du souverain.

Quoique ce dernier ait la nomination des emplois civils & militaires qui ont rapport au gouvernement ou à la police générale de l’état, il ne peut cependant en conférer aucun, excepté celui de gouverneur, à d’autres qu’à des sujets de l’état, & qui y sont domiciliés. Ceux qui en ont été une fois revêtus, ne peuvent les perdre qu’après avoir été convaincus de malversation. Les brevets même qui ont ces emplois pour objet, ne sont effectués que lorsqu’ils ont été entérinés au conseil d’état.

Tout sujet de l’état est libre de sortir du pays, de voyager dans tous les tems, & même de prendre parti au service des puissances étrangeres, pourvû qu’elles n’ayent point guerre avec son souverain, comme prince de Neuchatel, & pour les intérêts de cette principauté. Dans toute autre circonstance l’état garde une exacte neutralité, à-moins que le corps helvétique dont il est membre, ne s’y trouve intéressé. C’est sous cette derniere relation, que les Neuchatelois ont des compagnies au service de la France & des Etats généraux. Elles sont avouées de l’état, se recrutent librement dans le pays, font partie des régimens suisses, & servent sur le même pié. Par l’effet de ce droit, des sujets se sont souvent trouvés portant les armes contre leur propre souverain. Un capitaine aux gardes suisses, sujet en qualité de neuchatelois, de Henri, duc de Longueville, monta la garde à son tour au château de Vincennes, où ce prince fut mis en 1650. Un officier, & quelques soldats du même pays, qui servoient dans l’armée de France à la bataille de Rosbach, furent pris par les Prussiens, & traités non en sujets rebelles, mais en prisonniers de guerre. La cour de Berlin en porta, il est vrai, des plaintes aux corps de l’état ; mais elle s’est éclairée depuis lors sur ses vrais intérêts par rapport à cette souveraineté, & les choses subsistent sur l’ancien pié a cet égard. Il y auroit évidemment plus à perdre qu’à gagner pour S. M. le roi de Prusse, si les Neuchatellois abandonnoient ou suspendoient l’exercice d’un droit qui dans des circonstances telles que celles qui affligent aujourd’hui l’Europe, est la sauvegarde de leur pays. Quoique le goût pour le commerce ait affoibli chez eux celui qui les portoit généralement autrefois à prendre le parti des armes, ils ont cependant encore un nombre considérable d’officiers qui servent avec distinction. On en voit à la vérité, très-peu dans les troupes de leur souverain ; l’habitude qu’ils ont de la liberté pourroit en être la cause. Les milices du pays sont sur le même pié que toutes celles de la Suisse ; elles sont divisées en quatre départemens, à la tête de chacun desquels est un lieutenant colonel, nommé par le prince. Il est inutile de dire que les enrôlemens forcés sont inconnus dans cet état ; les peuples ne sont pas moins libres à cet égard qu’à tout autre. On a déja annoncé que les Neuchatelois sont absolument exempts de toutes charges, impôts, ou contributions. Le prince ne peut rien exiger d’eux à ce titre, sous quelque prétexte que ce soit ; les redevances annuelles dont leurs terres sont affectées, se réduisent à peu de chose ; celles qu’on paye en argent, sont proportionnées à la rareté du métal dans le pays lorsqu’on les établit. Il y a par rapport à toutes les autres une appréciation invariable & très-avantageuse, principalement pour les bourgeois de Neuchatel, & pour ceux de Valengin. Les peuples jouissent de la liberté du commerce le plus étendu ; rien n’est de contrebande dans leur pays, excepté, selon le texte des anciennes concessions, la farine non moulue dans les moulins du prince. Toute marchandise appartenant à un sujet de l’état ne paye aucun droit d’entrée ni de sortie.

Enfin, les Neuchatelois n’ont pas négligé de prendre les précautions les plus exactes contre leurs anciens souverains, par rapport à la judicature criminelle. D’abord la punition d’aucun délit ne dépend du prince ou de ceux qui le représentent. Dans tous les cas, même dans ceux qu’on regarde comme minimes, les chefs des jurisdictions sont obligés d’intenter action aux coupables juridiquement, selon des formalités invariables, & d’instruire une procédure sous les yeux des tribunaux ordinaires, qui prononcent définitivement sur le démérite & sur la peine. Les fautes legeres sont punies par des amendes dont aucune n’est arbitraire, & qui ne peuvent qu’être très modiques, puisqu’elles n’ont pas haussé depuis trois siecles. Lorsqu’il est question de cas plus graves, & qui méritent la prison, les châtelains ou maires ne peuvent faire incarcérer le prévenu, sans avoir demandé aux juges un decret de prise de corps, qui ne s’accorde jamais légerement. Ces mêmes juges sont présens à l’instruction de toute la procédure ; leurs sentences d’absolution ou de condamnation sont souveraines ; le prince a le pouvoir de les adoucir, & même de faire grace au coupable, mais il n’a pas celui de les aggraver. Les bourgeois de Neuchatel ont à cet égard un privilége particulier ; celui de ne pouvoir être incarcérés que dans les prisons de la capitale, & sur une sentence rendue par les chefs de leur corps.

C’est ainsi que les droits des peuples de la principauté de Neuchatel fixent ceux de leur souverain par rapport à la finance, comme pour la judicature, tant civile que criminelle. La conservation de ces droits leur est assurée par un contrat solemnel, & par leur qualité de suisses, qui ne peut appartenir qu’à un peuple libre. La forme singuliere de leur gouvernement est une suite nécessaire de leurs relations étroites avec le roi de Prusse, comme prince de Neuchatel, & avec le corps helvétique dont ils sont membres. Places au milieu d’un peuple célebre par son amour pour la liberté, les Neuchatelois pourroient-ils ne pas connoître le prix de ce bien précieux, comme ils savent rendre ce qu’ils doivent au grand prince qui les gouverne ? Mais l’exercice de ces mêmes droits, qui en les distinguant si honorablement de tant d’autres peuples, assure leur bonheur, n’est pas moins avantageux à leur souverain. Habitant un pays ingrat, qui ne produit qu’à force de soins, qui présente peu de ressources pour la fortune, quelle raison plus forte pourroit les déterminer à y rester, que la certitude d’y jouir tranquillement du fruit de leurs travaux dans le sein d’une paix constante, & sous la protection des lois les plus équitables ? Vouloir étendre les droits du prince aux dépens de ceux des peuples, c’est donc travailler également contre des intérêts toûjours inséparables, procurer la dépopulation du pays, & anéantir la condition essentielle portée dans la sentence souveraine qui en 1707, fixa le sort de cette principauté.

On accorde généralement aux Neuchatelois de l’esprit, de la vivacité, des talens : leurs mœurs sont douces & polies ; ils se piquent d’imiter celles des François. Il en est peu, principalement parmi les gens d’un certain ordre, qui n’ayent voyagé ; aussi s’empressent-ils de rendre aux étrangers qui les visitent, des devoirs dont l’expérience leur a fait connoître le prix. Ce pays a produit des savans dans divers genres ; le célebre Ostervald, pasteur de l’église de Neuchatel, connu par ses excellens ouvrages de piété & de morale, & mort en 1747, a été l’un des théologiens les plus profonds, & des orateurs les plus distingués que les protestans ayent eû. Depuis quelques années le commerce fleurit dans ce pays-là & dans sa capitale en particulier ; ses environs présentent un nombre considérable de fabriques de toiles peintes ; on y en fait annuellement 40 à 50 mille pieces. Les vins qui se font aujourd’hui avec beaucoup de soin acquierent la plus grande réputation, & se répandent dans les provinces voisines qui fournissent à leur tour aux Neuchatelois le grain dont ils ont besoin. En un mot, l’industrie animée par la liberté, & soutenue par une paix continuelle, fait chaque jour des progrès marqués. Ce n’est pas non plus un médiocre avantage pour ces peuples, que celui de reconnoître pour leur souverain un roi dont les vertus, les talens, les exploits, fixent aujourd’hui les regards de l’Europe étonnée. L’admiration est chez eux un nouveau garant de la fidélité inviolable qu’ils ont vouée à ce grand prince, quoique par la position de leur pays, ils soient éloignés de sa cour, & privés de son auguste présence, o felices si sua bona norint !

Neuchatel, en allemand Newembourg, & en latin Neocomum, ou Novum castrum, capitale du petit état dont on vient de parler, est une ville médiocre & bien bâtie. Elle s’éleve en amphithéatre sur les bords du lac qui porte son nom : on y compte environ 3000 ames. Son origine est très-ancienne ; le nom de Novum castrum qu’elle porte dans tous les anciens actes, semble annoncer que les Romains en ont été les fondateurs, & que ce fut d’abord une forteresse destinée à assurer leurs conquêtes dans cette partie des Gaules.

Neuchatel n’avoit autrefois qu’une rue fermée par deux portes ; les bourgeois obtinrent de leurs princes dans la suite la permission de bâtir hors de cette enceinte, mais à condition que dans les tems de guerre, ils défendroient le château qui y étoit renfermé. C’est depuis lors qu’ils en ont seuls la garde, & que le prince ne peut y mettre aucune garnison étrangere, non plus que dans le reste du pays. Pour perpétuer ce droit, les bourgeois ont conservé l’usage d’endosser la cuirasse un certain jour de l’année, & d’aller avec cet ancien équipage de guerre saluer dans le château le prince ou son gouverneur, qui ne peut se dispenser de les recevoir. Ce château est le lieu où ce dernier réside, où s’assemble le conseil d’état, où siége le tribunal souverain. Il occupe avec l’église cathédrale bâtie dans le xij. siecle, toute la partie supérieure de la ville. Les annales portent qu’en 1033, cette ville fut assiégée, prise, & presque entierement ruinée par l’empereur Conrard, & qu’elle a essuyé divers incendies, dont le dernier arriva en 1714. Le Seyon riviere, ou torrent qui a sa source dans le val de Buz, & divise la capitale en deux parties, lui a causé plus d’une fois des dommages considérables par ses débordemens, dont les plus fameux datent de 1579 & de 1750. Neuchatel est une ville municipale ; sa magistrature est composée de deux conseils, dont l’un a 24 membres, & l’autre 40. Le premier forme en même tems le tribunal inférieur de judicature ; les chefs de ces conseils sont quatre maître-bourgeois, qu’on appelle les quatre ministraux. Cette magistrature a seule le droit de police dans la capitale & sa banlieue, de la même maniere que le conseil d’état l’exerce dans le reste du pays. Elle a le port d’armes sur les bourgeois qui ne marchent que par ses ordres & sous sa banniere. Elle jouit enfin de plusieurs droits utiles, tels que le débit du sel dans la ville, le tiers des péages sur les marchandises appartenant à des étrangers, les halles, & le four banal. Le fauxbourg oriental qui s’aggrandit chaque jour, renferme plusieurs maisons bien bâties, fruits du commerce, & de l’abondance qui le suit. On y remarque une maison d’instruction gratuite & de correction, fondée par un négociant. A quelque distance de la ville & sur la hauteur, est l’abbaye de Fontaine-André, occupée autrefois par des Bernardins, mais que la réformation a rendue deserte, & dont les revenus font aujourd’hui partie de ceux du prince.

Neuchatel, lac de, (Géogr.) autrement nommé lac d’Iverdun ; il a plus de sept lieues de longueur depuis Yverdun jusqu’à Saint-Blaise, mais il n’a guere que deux lieues dans sa plus grande largeur, qui est de la ville de Neuchatel à Cudefrin. Ce lac sépare la souveraineté de Neuchatel & le bailliage de Grandson en partie, des terres des deux cantons de Berne & de Fribourg. Il y a beaucoup d’apparence qu’il étoit autrefois plus étendu du côté d’Yverdun & de Saint-Blaise ; il n’est pas profond, & il se gele quelquefois, comme en 1695, cependant il ne se gela point dans le rude hiver de 1709. (D. J.)