L’Encyclopédie/1re édition/NEUFME

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NEUFME, s. m. (Jurisprud.) dans la basse latinité nonagium nona, est un droit singulier que les curés perçoivent dans certains pays sur les biens de leurs paroissiens décédés, pour leur donner la sépulture ecclésiastique ; c’est pourquoi ce droit est aussi appellé mortuage.

Ce droit tire son origine de ce qu’anciennement on regardoit comme un crime de ne pas donner par testament au-moins la neuvieme partie de son bien à l’Eglise. Voyez le Glossaire de du Cange, au mot nonagium.

C’est principalement en Bretagne que ce droit est connu : M. Hevin prétend que ce droit fut établi pour procurer aux recteurs des paroisses un dédommagement de la perte de leurs dixmes usurpées par la noblesse, ou de leur procurer leur subsistance nécessaire : de forte que ce motif cessant, soit par la restitution des dixmes, soit par la jouissance de la portion congrue, le droit de neufme, suivant cet auteur, a dû s’éteindre.

Au commencement ce droit s’appelloit tiersage, parce qu’il consistoit dans le tiers des meubles de celui qui étoit décédé sans rien léguer à l’Eglise.

On regardoit ce droit comme si odieux, qu’en 1225, Pierre duc de Bretagne fit de fortes remontrances à ce sujet ; il y joignit même les reproches, & l’on en vint à la sédition.

En 1285, le duc Jean II. son fils, refusa avec vigueur la confirmation de ce droit qui étoit poursuivie par les Ecclésiastiques.

Artus II. son fils, consentit que l’affaire fût remise à l’arbitrage de Clément V. lequel siégeoit à Avignon. Ce pape donna sa sentence en 1109, laquelle est contenue dans une bulle appellée la Clémentine. Il réduisoit le tiersage au neuvieme, appellé neufme. Ce droit fut même restraint sur les roturiers, parce que les ecclésiastiques, pour gagner plus aisément les députés de la noblesse, auxquels on avoit confié la défense de la cause, consentirent que les nobles en fussent déchargés.

En 1330, Philippe de Cugnieres fit des remontrances à ce sujet au roi Philippe de Valois.

Cependant les recteurs de Bretagne se sont maintenus en possession de ce droit sur les roturiers dans la plûpart des villes de Bretagne.

Mais, par arrêt du parlement de Bretagne, du 16 Mars 1559, ce droit de neufme fut réduit à la neuvieme partie en un tiers des meubles de la communauté du décédé, les obseques funérailles, & tiers des dettes préalablement payés.

Ceux dont les meubles valent moins de 40 livres, ne doivent point de neufme.

Ce droit n’est autorisé que pour tenir lieu des dixmes, tellement que les recteurs ou vicaires perpétuels qui jouissent des dixmes, ou qui ont la portion congrue, ne peuvent exiger le droit de neufme ou mortuage, ainsi qu’il fut décidé par un arrêt de reglement du parlement de Bretagne, du 13 Décembre 1676. Voyez d’Argentré, Hist. de Bretagne, livre IV. chap. v. xxix. & xxxv. Bellondeau, Observ. liv. III. part. ij. art. 2. & let. N. controv. 13. Dufail, liv. II. chap. xlviij. & cxvj. liv. III. chap. xcix. Brillon, au mot neufme. (A)