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L’Encyclopédie/1re édition/NICÉE

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NICÉE, s. f. (Mythol.) Νίκη ; c’est le nom grec de la Victoire, qu’Esiode dit ingénieusement être compagne de Jupiter, & fille de Pallas & du Styx ; nous disons aussi dans le même sens, que les te Deum des princes sont les de profundis des particuliers. (D. J)

Nicée, (Géog.) ville de Bithynie, aujourd’hui Isnich ; c’est la Νίκαια de Ptolomée. Strabon la place sur le lac Ascanius, aujourd’hui Lago di Nicea, à une journée de la mer. Antigonus fils de Philippe, en avoit été le fondateur, & l’avoit nommée Antigonia. Dans la suite Lysimachus l’appella Nicæa, du nom de sa femme fille d’Antipater.

On a diverses médailles de cette ville depuis Auguste jusqu’à Gallien ; néanmoins elle n’a dans aucune le titre de métropole. La médaille de l’empereur Domitien, où l’on voit cette inscription, νίκαιοι πρῶτοι τῆς ἐπαρχείας, Nicæenses primi provinciæ, ne dit pas que Nicée fut la premiere de la province, elle apprend seulement que les habitans furent les premiers qui firent des sacrifices à Jupiter, pour la conservation de Domitien : c’est ce que prouve l’autel qui paroît sur cette médaille avec ces mots, Ζεὺς ἀγοραῖος, Jovis, qui fori custos & præfes est. Cette médaille est dans le cabinet du roi de France.

Nicée fut évêché dans les commencemens du christianisme, & devint ensuite métropole pendant quelque tems. Elle est célebre par la tenue du premier concile général, & plus anciennement par la naissance d’Hipparque, de Dion-Cassius & de Parthénius.

Hipparque célebre astronome grec, & l’un des plus savans mathématiciens de l’antiquité, fleurissoit entre la 154 & la 163 olympiade. Il inventa les principaux instrumens servant aux astres, prédit les éclipses, & apprit aux hommes à ne point s’en étonner. Pline le met au nombre des génies sublimes ; il l’appelle le confident de la nature, conciliorum naturæ particeps, lib. II. c. xxvj. Il l’admire d’avoir passé en revue toutes les étoiles, de les avoir comptées & d’avoir marqué la situation & la grandeur de chacune. Il ne nous reste des ouvrages d’Hipparque, que son commentaire sur les Phénomenes d’Aratus. Le pere Pétau l’a traduit en latin, & en a donné une bonne édition.

Dion-Cassius fleurissoit sous Alexandre Sévere. Homme d’état & de grande naissance, il fut gouverneur de Pergame & de Smyrne, commanda en Afrique & en Pannonie, & fut nommé deux fois au consulat. Il composa en grec une histoire romaine, à laquelle il employa 22 ans, & dont nous n’avons plus que quelques ruines. Il en a paru une édition, Hanoviæ en 1606 in-fol. & cette édition a été la meilleure jusqu’à celle de Herman Samuel Reimarus, donnée à Hambourg en 1750 in-fol. grecq. latin. avec des notes.

Dans les quatre-vingt livres de cette histoire, dont fort peu se sont sauvés d’une perte fatale, nous devons sur-tout regretter les 40 dernieres années, dont Dion parloit comme témoin oculaire, & comme ayant eu part au gouvernement de l’état ; car il est peu d’historiens qui nous aient aussi bien revélé ces secrets que Tacite nomme arcana imperii. Dion est tellement exact à décrire l’ordre des comices, l’établissement des magistrats, & l’usage du droit public des Romains, que ces sortes de faits ne s’apprennent point ailleurs plus distinctement.

Pour ce qui concerne la consécration des empereurs & leur apothéose, il n’est point d’historiens qui nous aient peint cet enrôlement au nombre des dieux, sous une plus belle forme. C’est dans le cinquante-sixieme livre où Dion représente la pompe des funérailles d’Auguste, son lit de parade, son effigie en cire, & son oraison funebre que Tibere lut devant le peuple. Il expose ensuite de quelle façon son corps fut brûlé, comment Livie recueillit & mit des os à part ; enfin l’adresse avec laquelle on fit partir l’aigle du haut du bucher, d’où il sembloit que l’oiseau de Jupiter emportoit au ciel l’ame de l’empereur.

Les oraisons funebres de la composition de cet historien, méritent d’être louées pour leur grande beauté. Telles sont celles de Pompée & de Gabinius au peuple romain. On ne lit pas avec moins de plaisir les harangues d’Agrippa & de Mécene, dont le premier parle pour porter Auguste à quitter l’empire, & le second pour l’engager à le retenir.

Pour ce qui regarde les défauts de Dion-Cassius, on peut l’accuser avec justice, d’une partialité honteuse contre le parti de Pompée, contre Cicéron, Séneque & plusieurs autres grands hommes ; mais sur-tout ses propos contre la réputation de l’incomparable orateur de Rome, sont des satyres odieuses, indignes d’un historien.

On pourroit ajoûter aux taches dont nous venons de parler, quelques traits de superstition & de crédulité, qui seroient capables de décréditer son histoire, si l’on ne devoit pas quelqu’indulgence aux foibles de l’humanité.

Parthénius de Nicée fleurissoit sous Auguste. Il est auteur du livre περὶ ἐρωτικῶν παθημάτων, c’est-à-dire des passions d’amour, traduit en latin par Janus Cornarius, & imprimé avec le grec à Bâle, chez Froben en 1531 in-8°. premiere édition. Cet ouvrage est en prose, & contient trente-six chapitres fort courts. Suidas donne à Parthénius divers autres écrits. Nous apprenons de Macrobe qu’il montra la langue grecque à Virgile. (D. J.)