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L’Encyclopédie/1re édition/NICOLAITES

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NICOLAITES, s. m. pl. (Théol.) c’est une des plus anciennes sectes du christianisme ; ils tirent leur nom, selon quelques-uns, de Nicolas qui avoit été ordonné diacre de l’église de Jerusalem conjointement avec S. Etienne.

La maxime particuliere qui caractérisoit les Nicolaïtes, comme ils nous sont représentés par les historiens ecclésiastiques, c’étoit d’enseigner que toutes les femmes mariées devoient être communes, pour ôter toute occasion de jalousie.

D’autres écrivains ont noirci Nicolas d’autres impuretés ; mais Clément d’Alexandrie les impute toutes à ses disciples, qui ont abusé, à ce qu’il dit, des paroles de leur maître.

Il paroît que Nicolas avoit une très-belle femme, & que les apôtres le soupçonnoient d’en être jaloux, & de vivre avec elle d’une maniere trop lascive ; que pour dissiper ce soupçon, & convaincre les apôtres qu’il n’étoit point attaché à sa femme, il la fit venir en leur présence, & offrit de la céder à celui d’entr’eux qui auroit voulu l’épouser. Ce fait est confirmé par Eusebe, qui ajoute que Nicolas n’eut jamais plus d’une femme.

On accuse encore les Nicolaïtes de ce qu’ils ne faisoient point de scrupule de manger les viandes qui avoient été offertes aux idoles : qu’ils soutenoient que le pere de Jesus-Christ n’étoit pas le créateur ; que plusieurs d’entr’eux adoroient la fausse divinité Barbelo, qui habitoit le huitieme ciel, qui procédoit du pere, & qui étoit mere de Jaldabaoth, ou, selon d’autres, de Sabaoth, qui s’étoit emparé par la force du septieme ciel ; que d’autres donnoient le nom de Prounicos à la mere des puissances célestes, mais qu’ils s’accordoient tous à imputer des actions infâmes à cette mere pour autoriser sous ce prétexte leurs propres impuretés ; que d’autres enfin montroient des livres, & des prétendues révélations sous le nom de Jaldabaoth. S. Irenée & S. Epiphanes rapportent toutes ces extravagances, & représentent les Nicolaïtes comme les auteurs de la secte des Gnostiques. Voyez Gnostiques.

Cocceius, Hoffman, Vitringa & Maius croient que le nom de Nicolaïtes a été inventé à plaisir, pour signifier un homme adonné à la débauche & à la volupté, & ils ajoutent que ce nom n’a rien de commun avec Nicolas, l’un des sept diacres : & comme dans l’apocalypse il est fait mention de la doctrine des Nicolaïtes, immédiatement après Balaam & sa doctrine, ils comparent le nom de Balaam avec celui de Nicolas, qui ont à-peu-près la même signification dans leur langue originale, puisque Balaam en hebreu, & Nicolas en grec, se traduisent également par prince, ou maître du peuple.

Maïus ajoute qu’il est assez probable que les Nicolaïtes se vantoient d’être les disciples d’un des sept diacres ; mais que cette prétention étoit mal fondée, quelque chose qu’aient pu dire au contraire les anciens qui ont péché quelquefois par trop de crédulité.

Cassien, collat. 18. ch. xvj. dit que quelques-uns distinguoient Nicolas, auteur de la secte des Nicoloïtes, de Nicolas, l’un des sept premiers diacres. Il veut apparemment marquer l’auteur des constitutions apostoliques, qui disent que c’est à faux que les Nicolaïtes se disent disciples de Nicolas, l’un des des sept diacres, ou S. Clément d’Alexandrie, qui parle toujours fort avantageusement de ce dernier. La secte des Nicolaïtes se renouvella sous Louis le Debonnaire, vers l’an 852, comme le dit Sigebert de Gemblours dans sa chronique, & encore au xj. siecle sous le pape Urbain II. Ces Nicolaïtes modernes étoient certains prêtres diacres & soudiacres, qui soutenoient que le mariage leur étoit permis. Ils furent condamnés au concile de Plaisance, l’an 1095. Berthold. scrip. xj. sæcul. tom. X. concilior, pag. 502.