L’Encyclopédie/1re édition/OFFENSE

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OFFENSE, s. f. OFFENSER, OFFENSEUR, OFFENSÉ, (Gramm. & Morale.) l’offense est toute action injuste considérée relativement au tort qu’un autre en reçoit, ou dans sa personne ou dans la considération publique, ou dans sa fortune. On offense de propos & de fait. Il est des offenses qu’on ne peut mépriser ; il n’y a que celui qui l’a reçue qui en puisse connoître toute la griéveté ; on les repousse diversement selon l’esprit de la nation. Les Romains qui ne porterent point d’armes durant la paix, traduisoient l’offenseur devant les lois ; nous avons des lois comme les Romains, & nous nous vengeons de l’offense comme des barbares. Il n’y a presque pas un chrétien qui puisse faire sa priere du matin sans appeller sur lui-même la colere & la vengeance de Dieu : s’il se souvient encore de l’offense qu’il a reçue, quand il prononce ces mots : pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; c’est comme s’il disoit : j’ai la haine au fond du cœur, je brûle d’exercer mon ressentiment ; Dieu que j’ai offensé, je consens que tu en uses envers moi, comme j’en userois envers mon ennemi, s’il étoit en ma puissance. La philosophie s’accorde avec la religion pour inviter au pardon de l’offense. Les Stoïciens, les Platoniciens ne vouloient pas qu’on se vengeât ; il n’y a presque aucune proportion entre l’offense & la réparation ordonnée par les lois. Une injure & une somme d’argent, ou une douleur corporelle, sont deux choses hétérogenes & incommensurables. La lumiere de la vérité offense singulierement certains hommes accoutumés aux ténèbres ; la leur présenter, c’est introduire un rayon du soleil dans un nid de hiboux, il ne sert qu’à blesser leurs yeux & à exciter leurs cris. Pour vivre heureux, il faudroit n’offenser personne & ne s’offenser de rien ; mais cela est bien difficile, l’un suppose trop d’attention, & l’autre trop d’insensibilité.