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L’Encyclopédie/1re édition/ONCTION

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ONCTION, s. f. (Théolog.) en matiere de religion, signifie un caractere particulier, un caractere qui tire certaines personnes du rang ordinaire des choses ; & les consacre d’une maniere particuliere, soit par rapport au sacré, soit par rapport au profane.

1°. Par rapport au sacré, on voit dans l’Ecriture que Jacob allant en Mésopotamie, oignit d’huile la pierre sur laquelle il avoit reposé, & où Dieu lui avoit fait avoir une vision, Genes. xxviij. Cette onction étoit une espece de consécration de cette pierre, pour devenir un autel dédié au Seigneur. C’est encore, dans le même sens, qu’aujourd’hui les évêques font des onctions sur les murs des églises qu’ils dédient, & sur les pieres destinées à mettre sur l’autel pour la célébration de la messe.

Dans les contrées orientales, où l’huile & les aromates étoient communs, on avoit coutume autrefois de distinguer du commun les personnes destinées a des fonctions sacrées ou à des usages extraordinaires, par des onctions, c’est-à-dire en les frottant d’onguens composés d’huile & d’aromates, ce qui marquoit l’effusion des dons nécessaires à ces personnes pour s’acquitter dignement des fonctions de leur charge, comme aussi l’attente où l’on étoit que ces personnes répondroient à la haute idée que l’on avoit conçue de leur mérite. De ce nombre on peut compter dans l’ordre de la religion, les prêtres & les prophetes. Voyez l’art Œcon. pol..

L’onction que reçut Aaron avec ses fils, influa sur toute sa race, qui par-là devint consacrée à Dieu & dévouée à son culte. On peut voir les cérémonies de cette consécration dans le Lévitique, c. viij.

Plusieurs croient qu’Aaron reçut l’onction sur la tête ; que pour ses fils, on ne leur oignit que les mains ; & que quant aux lévites, on ne leur donna aucune onction. Les rabbins ajoutent que tant que l’huile composée par Moïse dura, on oignit les souverains pontifes, mais qu’ensuite on se contenta d’installer le grand-prêtre, en le revêtant pendant sept jours de suite de ses habits sacrés. Les grands-prêtres reçus de la premiere maniere s’appelloient sacrificateurs oints, & celui qui avoit été simplement installé par la cérémonie des habits, initié par les habits.

Il est parlé aussi dans l’Ecriture de l’onction des prophetes, mais on n’a aucune connoissance de la maniere dont elle se faisoit ; on doute même qu’on leur ait réellement donné l’onction. Ainsi Elie est envoyé pour oindre Elisée prophete en sa place : Eliseum unges prophetam pro te, Reg. xxx. Mais dans l’exécution, il ne fait autre chose à Elisée que de lui mettre son manteau sur les épaules, d’où il s’ensuit qu’à cet égard le mot d’onction ne signifie ici qu’une simple vocation ou destination à la prophétie. Dans l’Église romaine on consacre, par des onctions, le pouce & l’index de chaque main des ordinands qui sont promus à la prêtrise.

Outre cela, dans la loi nouvelle, les catholiques reconnoissent trois sacremens où l’onction a lieu : savoir, le baptême où l’onction se fait sur le sommet de la tête, sur la poitrine & entre les deux épaules du baptisé ; la confirmation où elle se fait sur le front ; & l’extrême-onction qu’on donne aux agonisans sur cinq parties du corps, qu’on regarde comme les organes des cinq sens par lesquels ils ont péché ou pu pécher. Voyez Baptême, Confirmation, Extrème-Onction.

2°. Par rapport au profane ; c’est-à-dire, en tant qu’elle n’a pas un rapport direct à la religion ni au ministere des autels, l’onction a eu lieu par rapport aux rois. Nous en voyons distinctement la pratique dans l’histoire sainte. Samuel donne l’onction à Saül : Tulit Samuel lenticulam olei, & effudit super caput ejus. I. Reg. c. xj. 1. Le même prophete donne l’onction royale au jeune David : Tulit Samuel cornu olei, & unxit eum in medio fratrum ejus. I. Reg. c. xvj. Salomon fut oint par le grand-prêtre Sadoc & par le prophete Nathan. III. Reg. c. j.

Mais dans la loi nouvelle, les auteurs regardent l’onction des rois comme introduite long-tems après l’établissement du Christianisme : la raison en est palpable ; les têtes couronnées ne furent pas les premieres qui plierent sous le joug de la religion de Jesus-Christ. Onuphre dit qu’aucun des empereurs romains n’a été oint ou sacré avant Justinien ou Justin. Les empereurs d’Allemagne ont emprunté cette cérémonie de ceux d’Orient. Et selon quelques-uns, Pepin est le premier des rois de France qui ait eu l’onction.

Quoi qu’il en soit, on nomme & les ministres des autels & les princes les oints du Seigneur, christos ; mais avec cette différence que les premiers ne le sont qu’en vertu de cette onction, & que les autres le sont par leur naissance ou par leur droit de souveraineté, auquel dans le fond la cérémonie du sacre n’ajoûte rien ; puisqu’un musulman par principe de conscience, n’est pas moins obligé d’obéir au grand-seigneur qui n’est pas sacré, qu’un allemand à l’empereur qui l’est.

Ajoûtons que les orientaux employoient fréquemment les onctions, comme un préservatif contre les maladies ; & qu’à leur exemple & à la même intention les Grecs s’oignent de l’huile de la lampe. Voyez Extrème-Onction.