L’Encyclopédie/1re édition/ORVALE

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ORVALE, (Botan.) c’est la principale espece du genre des sclarées de Tournefort, & c’est celle qu’il désigne sous le nom de sclorea pratensis, flore cæruleo. Sa racine est unique, ligneuse, garnie de plusieurs fibres papillaires, brune, d’une saveur qui n’est pas désagréable & qui échauffe le palais & la gorge. Sa tige est haute de deux coudées, de la grosseur du petit doigt, quadrangulaire, velue, noueuse, partagée en des rameaux conjugués & en sautoir, remplie d’une moëlle blanche. Ses feuilles sont deux-à-deux, opposées, portées sur des longues queues ; elles sont velues, ridées, gluantes, puantes, ovalaires, longues d’un empan, larges d’une palme & demie, amples à leur base, terminées en pointe, dentelées en quelque maniere, & crenelées tout-au-tour.

Ses fleurs sortent des aisselles des feuilles. Elles sont disposées en longs épis, & comme par anneaux d’une seule piece, en gueule, bleuâtres ; la levre supérieure est longue, coupée en feuille, & cache un pistil grêle, recourbé, un peu saillant, fourchu, accompagné de quatre enbryons, & de deux étamines garnies de sommets oblongs ; la levre inférieure est divisée en trois parties, dont celle du milieu est creusée en cueilleron.

Le calice est un godet, en tuyau cannelé, gluant, partagé en cinq petites pointes. Les embryons sont cachés au fond du calice à l’origine du pistil ; ils se changent en quatre grosses graines arrondies, convexes d’un côté, anguleuses de l’autre, de couleur roussâtre, lisses & polies.

Au sommet de chaque tige sont deux feuilles opposées, d’une figure & d’une texture bien différente des feuilles inférieures ; car elles sont petites, creuses, larges à leur base, sans queue, terminées par une pointe, & d’une couleur purpurine. Cette plante a une odeur forte, puante & une saveur amere ; elle se seme dans les jardins & dans les vergers. Elle est toute d’usage. (D. J.)

Orvale, (Mat. médec.) toute-bonne ; les feuilles d’orvale ont une odeur qui approche de celle du citron, vive, pénétrante, qui porte à la tête, & une saveur amere aromatique.

L’orvale est connue sur-tout des cabaretiers allemands, dit Ettmuller, pour falsifier leurs vins ; car ils ont coutume de changer le vin du Rhin en un vin muscat par l’infusion des fleurs d’orvale & de sureau.

On en fait beaucoup d’usage dans les pays du nord pour faire de la biere, quand le houblon est rare, ou quand on veut faire la biere plus forte : la biere ainsi préparée est fort enivrante, & inspire de la gaieté qui tient de la folie.

L’orvale est sur-tout recommandée contre la stérilité de cause froide, ou l’intempérie froide de la matrice, contre les fleurs blanches & les vapeurs, soit employée intérieurement, soit employée extérieurement. F. Hostman compte l’orvale parmi les remedes anti-spasmodiques spécifiques. On en fait boire l’eau distillée ou l’infusion, ou bien on les fait prendre en lavement. Ces remedes calment efficacement les coliques intestinales. J. Ray prétend que des gâteaux frits, ou des especes de beignets préparés avec les fleurs d’orvale guérissent la foiblesse des lombes, & portent à l’amour. Ce même auteur dit, d’après Schwenckfeld, que cette plante réduite en poudre & prise en guise de tabac, guérit l’épilepsie ; elle fait éternuer.

La graine d’orvale est très mucilagineuse. Le mucilage qu’on en retire est fort recommandé pour les maladies des yeux. On dit même que cette graine entiere introduite dans l’œil, en fait sortir les corps étrangers qui y sont tombés. Extrait de la mat. méd. de Geoffroi. Le suc d’orvale entre dans l’emplâtre diabotanum.