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L’Encyclopédie/1re édition/PÉLASGES

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PÉLASGES, (Géog. anc.) Pelasgi, ancien peuple de la Grece ; il habita d’abord l’Argie, & tiroit son nom du roi Pélasgus, fils de Jupiter & de Niobé. On peut lire dans les mémoires de littérature les savantes recherches de M. l’abbé Geinotz, tom. XIV. & tom. XVI. in-4o. sur l’origine des Pélasges, & leurs différentes migrations ; c’est assez pour nous de les parcourir d’un œil rapide d’après Denys d’Halycarnasse, liv. I.

Les Pélasges, dit-il, après la sixieme génération, laisserent le Péloponnese, & se transporterent dans l’Hémonie, appellée depuis la Thessalie. Les chefs de cette colonie furent Achæus, Phthius & Pelasgus, fils de Neptune & de Larisse. Après avoir chassé les habitans du pays, ils s’y établirent & la partagerent entr’eux, donnant à chaque portion le nom d’un de leurs commandans. C’est delà que sont venus les noms de Phthiolide, d’Achaïde & de Pélasgiotide.

Après la cinquieme génération dans cette seconde demeure, les Curetes, les Léleges, & divers autres habians les chasserent : une partie se sauva dans l’île de Crète, & une autre partie dans les îles Cyclades ; quelques-uns se retirerent sur le mont Olympe, & dans le pays voisin ; d’autres dans la Bæotie, dans la Phocide & dans l’Eubée ; il y en eut qui passerent en Asie, & qui s’emparerent d’une partie de la côte de l’Hellespont & des îles voisines, entr’autres de celles de Lesbos ; mais la plus grande partie alla dans le pays des Dodonéens leurs alliés, & y demeurerent jusqu’à ce que devenant à charge au pays par leur grand nombre, ils furent conseillés par l’oracle de passer en Italie, appellée alors Saturnie. Pour cet effet ils équiperent une flotte, sur laquelle ils traverserent la mer Ionienne ; & étant venu débarquer à l’embouchure du Pô, ils y laisserent ceux d’entr’eux qui n’étoient pas en état de supporter la fatigue de l’expédition qu’ils méditoient.

Ceux-ci, avec le tems, bâtirent une ville, qu’ils nommerent Spinæ, du nom de l’embouchure du Pô, sur le bord de laquelle ils avoient pris terre. Ils s’y firent respecter de leurs voisins, & eurent pendant long-tems l’empire de la mer : mais dans la suite, ces mêmes voisins les ayant chassés de leur ville, qui fut enfin subjuguée par les Romains, cette partie des Pélasges, qui s’étoient établis à l’embouchure du Pô, cessa d’être connu dans l’Italie.

A l’égard de ceux qui avoient pénétré dans les terres, ils passerent les montagnes, arriverent dans l’Umbrie, voisine du pays des Aborigenes, & s’y rendirent maîtres de quelques bourgades. Ils n’y demeurerent néanmoins pas long-tems. L’impuissance où ils se virent de résister aux habitans du pays, les obligea de passer chez les Aborigenes, avec qui ils firent alliance. Ces derniers les reçurent d’autant plus volontiers chez eux, qu’ils avoient besoin de ce secours pour résister aux Sicules qui les inquiétoient souvent.

Cette alliance causa un grand changement en Italie. Les Pelasges & les Aborigenes se trouverent assez forts pour s’emparer d’une partie de l’Umbrie & de la ville de Crotone, dont ils firent une place d’armes ; ils vinrent même à-bout de chasser les Sicules, qu’ils obligerent de passer dans l’île voisine appellée Sicanie, & à laquelle ils donnerent leur nom.

Ces premiers progrès des Pélasges furent suivis d’autres encore plus grands. Ils conquirent plusieurs villes ; ils en bâtirent de nouvelles, & devinrent forts puissans dans le pays. Mais cette fortune ne fut pas de longue durée : affligés de diverses calamités, & fatigués par les guerres continuelles qu’ils avoient sur les bras, un grand nombre d’entr’eux repassa en Grece, & se dispersa en divers endroits : il n’en resta que très-peu en Italie, où ils se maintinrent avec l’aide des Aborigenes. Une grande partie des villes que ces peuples avoient possédées, furent envahies par les Tyrrhéniens, qui commencerent à s’établir alors dans l’Italie. (Le Chevalier de Jaucourt.)