L’Encyclopédie/1re édition/PÉTARD

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PÉTARD, s. m. en terme de Guerre, est une sorte de canon de métal, qui ressemble un peu à un chapeau haut de forme, ou plus exactement à un cone tronqué. Il sert à rompre les portes, les barricades ou barrieres, les ponts-levis, & tous les autres ouvrages que l’on a dessein de surprendre.

On peut considérer le pétard, comme une piece d’artillerie fort courte, étroite par la culasse, & large par l’ouverture. Elle est faite de rosette mêlée avec un peu de cuivre. On en fait aussi de plomb & d’étain mêlés ensemble. Il est ordinairement long de sept pouces & large de cinq à sa bouche, pesant quarante à cinquante livres.

Sa charge est de cinq à six livres de poudre : on ne le charge qu’a trois doigts de la bouche, le reste se remplit d’étoupe, & on l’arrête avec un tampon de bois. On couvre la bouche d’une toile que l’on serre bien fort avec une corde ; on le recouvre d’un madrier ou d’une planche de bois, dans laquelle on a pratiqué une cavité pour recevoir la bouche du pétard, & on l’attache en bas avec des cordes, ainsi qu’il est exprimé dans nos Planches.

Il est d’usage dans les attaques clandestines ; il sert à rompre les portes, les ponts, les barrieres, &c. auxquelles on l’attache ; ce qui se fait par le moyen d’une planche de bois. On s’en sert aussi dans les contremines pour briser les galeries ennemies, & pour en éventer les mines.

Au lieu de poudre à canon pour charger cette arme, quelques-uns se servent de la composition suivante ; savoir sept livres de poudre à canon, une once de mercure sublimé, huit onces de camphre ; ou bien six livres de poudre à canon, une demi-once de verre broyé, & trois quarts de camphre. On fait aussi quelquefois des pétards de bois entourés de cerceaux de fer.

On attribue l’invention des pétards aux huguenots françois en 1579, dont le plus signale exploit sut la surprise de la ville de Cahors, ainsi que nous l’apprend d’Aubigné. Chambers.

Pour se servir du pétard on fait en sorte d’approcher de la porte qu’on veut rompre sans être découvert des sentinelles de la ville ; & avec un tirefond, ou quelqu’autre instrument semblable, on attache le madrier auquel le pétard est joint à la porte qu’il s’agit de briser ; ce qui étant fait, on met le feu à la fusée du pétard, laquelle étant remplie d’une composition lente, donne le tems au pétardier, ou à celui qui a attaché le pétard, de se retirer. La fusée ayant mis le feu à la poudre dont le pétard est chargé, cette poudre en s’enflammant presse le madrier contre la porte avec un tel effort, qu’il la brise, ou qu’il y fait une ouverture.

Le métier de pétardier est extrèmement dangereux. Peu d’officiers reviennent de cette sorte d’expédition ; car ou des défenses qui sont sur la porte, ou de celles qui sont à droite ou à gauche, si ceux qui sont dans la ville s’apperçoivent de cette manœuvre, ils choisissent le pétardier, & ils ne le manquent presque jamais.

Les Artificiers appellent aussi pétard une espece de boîte de fer de dix pouces de haut, de sept pouces de diametre par en-haut & de dix pouces par en-bas, du poids de 40 à 60 livres, dont on se sert pour enfoncer les herses & les portes des villes assiégées, ou des ouvrages où l’on veut entrer. Le madrier sur lequel on le place, & où il est attaché avec des liens de fer, est de 2 piés par sa plus grande largeur, & de 18 pouces par les côtés ; l’épaisseur est d’un madrier ordinaire. Au-dessous du madrier sont des bandes de fer passées en croix avec un crochet qui sert à attacher le pétard.

Il n’y a pas d’autre secret pour l’appliquer que de s’approcher, à l’entrée de la nuit, avec un détachement, le plus près de la place qu’on peut ; de descendre dans le fossé lorsqu’il est sec, ou de trouver quelqu’autre moyen quand il est plein d’eau, ce qui n’est pas à la vérité si facile. Peu d’officiers reviennent de ces sortes d’expéditions, & il faut être muni d’une très-forte résolution pour prendre une commission pareille à celle-là.

Lorsqu’on veut charger un pétard qui aura 15 pouces de hauteur, & 6 à 7 pouces de calibre par l’ame, il faut commencer par le bien nettoyer par-dedans, & le chauffer, de maniere néanmoins que la main puisse en souffrir la chaleur.

Prendre de la plus fine poudre & de la meilleure que l’on puisse trouver, jetter dessus un peu d’esprit de vin, la présenter au soleil, ou la mettre dans un poêle ; & quand elle sera bien seche, la mettre dans le pétard de la maniere suivante :

On passera dans la lumiere un dégorgeoir que l’on y fera entrer de deux pouces, ensuite l’on y jettera environ deux pouces & demi de haut de la poudre ci-dessus. Voyez Dégorgeoir.

On aura ensuite un morceau de bois du calibre du pétard bien uni par les deux bouts & bien arrondi par les côtés, qu’on fera entrer dans le pétard, & avec un maillet de bois l’on frappera sur cette espece de refouloir sept ou huit coups pour presser la poudre, observant néanmoins de ne l’écraser que le moins qu’il se pourra ; l’on prendra ensuite du sublimé, l’on en semera une pincée sur ce lit de poudre, puis l’on y remettra encore de la poudre la hauteur de deux pouces & demi, on la refoulera de même ; on aura dans une phiole grosse comme le pouce, du mercure qui sera couvert d’un simple parchemin, auquel on fera sept ou huit petits trous avec une épingle, & l’on sécouera trois ou quatre fois pour en faire sortir du mercure.

L’on fera un autre lit de poudre comme le premier, & l’on y mettra du sublime, comme on a fait d’abord ; ensuite un autre lit de poudre, & encore du mercure, comme ci-devant ; ce qui fait en tout quatre lits ; le cinquieme sera comme le premier.

Vous le couvrirez de deux doubles de papier coupés en rond du diametre du pétard, que vous mettrez dessus son ouverture : vous mettrez des étoupes par-dessus à la hauteur d’un pouce, & avec le morceau de bois, dont on a parlé, l’on enfoncera le tout à force.

On fera un mastic composé d’une livre de brique ou de tuile bien cuite, que l’on pulvérisera & tamisera, & d’une demi-livre de poix-résine ou colofane.

Vous ferez tout fondre ensemble, & remuerez avec un bâton, en sorte que le tout soit bien délayé, & vous verserez ce mélange tout chaud sur les étoupes.

Vous aurez une plaque de fer de l’épaisseur de 4 ou 5 lignes du calibre du pétard, à laquelle il y aura trois pointes qui déborderont du côté du madrier, afin qu’elles puissent entrer dedans ; vous appliquerez ce fer sur le mastic, dont le surplus débordera par le poids du fer.

Il faut que ce fer soit au niveau du pétard, & le poser ensuite sur votre madrier, qui sera entaillé de quatre à cinq lignes pour loger le pétard, observant de faire trois trous pour recevoir les trois pointes de la plaque de fer que vous avez appliquée sur le cul du pétard.

Vous remplirez ensuite l’encastrement de ce mastic mis bien chaud, & renverserez dans le moment votre pétard dessus ; & comme il doit y avoir quatre tenons ou tirans de fer passés dans les anses pour arrêter le pétard sur le madrier, il faudra faire entrer une vis dans chacun, & la serrer bien ferme pendant que le mastic sera chaud, afin de boucher tout le jour qui pourroit se trouver dans l’encastrement.

Il est bon de remarquer encore que la lumiere du pétard se met quelquefois au haut, & quelquefois à un pouce & demi au-dessous ; mais de quelque maniere qu’elle soit située, il faut toujours un porte-feu fait de fer du diametre de la lumiere, & de trois pouces de longueur, qu’on enfonce dedans avec un maillet de bois.

Avant que de le placer, il faut avec un dégorgeoir de fer, dégorger un peu la composition du dedans du pétard, & y faire entrer ensuite un peu de nouvelle composition, afin de donner mieux le feu, & avec un peu plus de lenteur.

Cette composition doit être d’un huitieme de poudre, d’un quatrieme de salpêtre, & d’un deuxieme de soufre ; c’est-à-dire que pour huit onces de poudre, il faut quatre onces de salpêtre & deux de soufre. On pulvérise ces trois matieres séparément ; & après les avoir mêlées, on en charge le porte-feu, qu’on couvre avec du parchemin ou du linge goudronné pour le garantir de l’injure de l’air.

Pétard, (terme d’Artificiers.) on peut mettre au nombre des garnitures ces petits pétards que font les enfans dans les rues avec du papier & un peu de poudre, qu’on appelle aussi péterolles.

On plie une feuille de gros papier sur sa longueur par plis de 9 à 10 lignes d’intervalle en trois plis successifs, qu’on ouvre ensuite pour former une espece de canal dans lequel on couche un lit de poudre de peu d’épaisseur, étendue bien également, on l’y enveloppe en plusieurs doubles en continuant de plier le reste de la feuille, ce qui forme un paquet long & plat qu’on replie ensuite en travers de l’intervalle d’environ un pouce & demi, par plis alternatifs en zigzag, en façon de Z d’un côté & d’autre, frappant sur les bords de chacun avec un marteau dans la largeur de 2 à 3 lignes, pour écraser un peu la poudre qui s’y trouve, afin que le passage du feu y étant moins ouvert s’y communique successivement, & non pas tout-d’un-coup, comme il arriveroit sans cette précaution. Le paquet ainsi réduit à cette petite longueur, doit être serré par le milieu avec plusieurs tours de ficelle ; & pour y mettre le feu, on fait un trou à côté de la ligature qui pénetre jusqu’à la poudre grenée, dans lequel on introduit un peu de poudre écrasée dans l’eau pour lui servir d’amorce. Il n’est personne qui n’ait vu l’effet de cet artifice, qui est tombé, pour ainsi dire, en mépris, tant il est commun, mais qui a son mérite lorsqu’on en joint ensemble une certaine quantité pour faire une escopeterie successive assez amusante.