L’Encyclopédie/1re édition/PANTHÉON
PANTHÉON, s. m. (Antiq. rom.) ce mot veut dire un temple en l’honneur de tous les dieux. Le plus fameux panthéon des Romains, fut celui qu’éleva M. Agrippa gendre d’Auguste, & qui subsiste encore à présent sous le nom de la Rotonde. Ce superbe édifice faisoit un des plus grands ornemens de Rome ; & la description qu’en ont donnée grand nombre d’auteurs anciens & modernes, sert encore d’embellissement à leurs ouvrages. Je ne m’y arrêterai pas par cette raison ; je remarquerai seulement qu’il est de figure ronde, ne recevant le jour que par un trou qui est au milieu de la voute. Il y avoit autour de ce temple six grandes niches qui étoient destinées aux principales divinités. Et afin qu’il n’y eût point de jalousie entre elles pour la préséance, dit Lucien, on donna au temple la figure ronde. Pline en allegue une meilleure raison ; c’est parce que le convexe de sa voute représente le ciel, la véritable demeure des dieux. Le portique qu’il y avoit devant ce temple, étoit plus surprenant que le temple même : il étoit composé de seize colonnes de marbre granit, d’une énorme grandeur, & toutes d’une pierre. Chacune a près de cinq piés de diametre, sur trente-sept piés de haut, sans la base & le chapiteau. Agrippa ne se contenta pas de faire dorer son panthéon par-dedans, mais il le couvrit d’or en-dehors ; de sorte que le satyrique avoit raison de s’écrier :
At vos
Dicite pontifices, in sancto quid facit aurum ?
La couverture de cet édifice fut emportée par Constantin dans sa nouvelle capitale ; mais le panthéon a été consacré par les pontifes romains en l’honneur de la Vierge & des martyrs. Il mérite assurément l’admiration des connoisseurs : ceux qui l’ont vu, n’ont qu’à réfléchir sur l’état où leur esprit s’est trouvé la premiere fois qu’ils y sont entrés ; & sans doute, ils se souviendront qu’ils ont été frappés de quelque chose de grand & de majestueux ; au lieu que la vue d’une église gothique, cinq ou six fois plus vaste que le panthéon, ne frappe personne. Cette différence ne peut procéder que de la grandeur de maniere observée dans l’une, & de la médiocrité ou de la petitesse de maniere qui se trouve dans l’autre.
Mais est-il bien certain qu’Agrippa ait fait le panthéon en entier ? On le dit communément ; néanmoins Dion se sert d’une expression qui ne signifie qu’achever, ἐξετέλεσε, & l’on remarque encore aujourd’hui, que l’ordre de la corniche ne s’accorde pas avec celui du temple ; qu’elle ne s’enchâsse pas dans le mur par ses extrémités ; mais qu’elle s’en approche à peine comme d’un édifice différent. On trouve encore que l’architecture du portail est mieux étendue que celle du temple, & par conséquent d’un autre tems.
Il est toujours sûr que ce temple a souffert bien des changemens ; Xiphilin le met au nombre des édifices brûlés sous le regne de Titus : Cassiodore le fait réparer par Trajan. Selon la chronique d’Eusebe, il fut encore brûlé par le tonnerre l’an de J. C. III, le treizieme du regne de Trajan. Les premiers successeurs de ce prince se sont fait à l’envi un honneur d’y travailler. On le trouve réparé par Adrien, par Antonin Pie, par Marc-Aurele, & par Sévere. Il y a apparence que ce dernier fit effacer le nom de tous les autres, pour n’y laisser que le sien, & celui de son fils, avec le nom du fondateur.
Je ne dois pas oublier de remarquer qu’il entroit dans le dessein des portes du panthéon l’arrangement d’une sorte de cloux, qui par la beauté des ornemens de leur tête, contribuoient infiniment à sa magnificence ; l’avarice des hommes les a portés à s’en emparer ; il en reste quelques-uns encore qui sont attachés aux deux ventaux de la porte du panthéon ; & M. de Caylus en a quatre en sa possession ; ils sont de bronze ainsi que les ventaux.
Au reste, il y avoit à Rome un autre panthéon dédié particulierement à Minerve médecine, Minervæ medicæ. Ce panthéon étoit en-dedans de figure décagone, ou a dix angles bien distingués Il y avoit vingt deux piés & demi d’un angle à l’autre ; ce qui donne en tout deux cent vingt-cinq piés. Entre les angles il y avoit par-tout des chapelles rondes en voûte, excepté d’un côté où étoit la porte : ces neuf chapelles étoient pour autant de divinités ; la statue de Minerve étoit en face de la porte, & occupoit la place d’honneur.
On croit que le temple de Nîmes, qu’on dit être de Diane, étoit un panthéon : il y avoit douze niches, dont six restent encore sur pié. C’étoit un temple consacré aux douze grands dieux, que quelques-uns ont appellé pour cela dodécathéon. (D. J.)
Panthéon d’Athènes, (Antiq. grecq.) le panthéon d’Athènes ne le cédoit guere en plusieurs points au panthéon de Rome, bâti par Agrippa. Celui d’Athènes a été relevé environ 120 ans après, par l’empereur Adrien. Les chrétiens grecs en firent ensuite une église consacrée à la Vierge, sous le nom de Panegia. Enfin, les Turcs ont changé cette église en mosquée : les chevaux de la main de Praxitele, très-gâtés malheureusement par l’injure des tems, s’y voient encore : Adrien les y fit placer ; mais ils sont réellement de Praxitele, c’est tout dire. (D. J.)