L’Encyclopédie/1re édition/PAPHOS

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PAPHOS, (Géog. anc.) ville de l’île de Cypre, à l’extrémité occidentale. Ptolomée & Pline connoissent deux villes de ce nom, savoir paloea Paphos, & nea Paphos, la vieille Paphos, & la nouvelle Paphos. Strabon dit qu’elles étoient éloignées l’une de l’autre de soixante stades, & Ptolomée place la nouvelle Paphos entre les promontoires Adamas & Drepanum : il met la vieille Paphos entre les promontoire Drepanum & Zephirium. Cette derniere étoit dans les terres, à dix stades de la mer ; elle avoit cependant un port, & un temple dédié à Vénus paphienne. La nouvelle Paphos avoit été bâtie par Agapenor, & elle avoit pareillement un port & un temple ; ces deux villes étoient dédiées à Vénus, & quand les Poëtes font mention de Paphos, ils ne distinguent point si c’est de la vieille ou de la nouvelle qu’ils entendent parler ; par exemple, Virgile, l. X. vers 86. dit :

Est Paphos, Idaliumque tibi, sunt alta Cythera.

& Horace, liv. I. ode xxx.

O Venus regina Cnidi Paphique,
Sperne dilectam Cypron.

La plûpart du tems néanmoins quand on ne distingue point les villes par leur surnom, on entend la nouvelle Paphos. C’est dans cette derniere que saint Paul convertit à la religion chrétienne le proconsul Sergius Paulus. L’on dit que la prison de cet apôtre étoit aux environs de cette ville, qui porte aujourd’hui le nom de Baffo, ou de Baffa.

La nouvelle Paphos ayant beaucoup souffert d’un tremblement de terre, Auguste la répara, & la nomma de son nom Augusta. Il n’est pas sûr qu’elle ait conservé long-tems ce nom, du-moins aucun ancien monument n’en fait foi. Paphos étoit la patrie de Sopater de Paphos, poëte comique, qui vivoit sous Alexandre, & sous ses deux successeurs, les Ptolomées.

Cette ville étoit plus particulierement consacrée à Vénus que le reste de l’île. Le temple qui y étoit bâti en son honneur, étoit de la plus grande magnificence. La vénération qui y étoit attachée s’étendoit même jusqu’au prêtre, qui en faisoit les fonctions. Plutarque rapporte que Caton fit offrir au roi Ptolomée la grande prêtrise du temple de Vénus à Paphos, s’il vouloit céder Cypre aux Romains, regardant cette dignité comme le dédommagement d’un royaume.

Les ministres des temples de Vénus n’immoloient jamais de victimes, le sang ne couloit jamais sur leurs autels ; on n’y brûloit que de l’encens, & la déesse n’y respiroit que l’odeur des parfums. Elle y étoit représentée sur un char conduit par des amours, & tiré par des cygnes & des colombes. L’or & l’azur brilloient en vain dans le temple de Paphos, leur éclat y cédoit à l’éclat des arts. Les chef-d’œuvres que des mains immortelles y avoient tracés, attiroient seuls toute l’attention. Ici le ciseau délicat d’un artiste supérieur représentoit la déesse qui vivifie tous les êtres, & qui féconde la nature ; là le pinceau voluptueux inspiroit les feux de l’amour.

La délicieuse situation & les charmes du climat, avoient sans doute contribué à établir l’opinion de ceux qui y avoient fixé l’empire de Vénus, & le séjour des plaisirs.

« On y jouissoit d’un printems éternel ; la terre heureusement fertile y prévenoit tous les souhaits ; les troupeaux y paissoient sans nombre ; les vents sembloient ni regner que pour répandre par-tout l’esprit des fleurs ; les oiseaux y chantoient sans cesse ; les bois y sembloient harmonieux ; les ruisseaux murmuroient dans les plaines ; une chaleur douce faisoit tout éclore ; l’air ne s’y respiroit qu’avec la volupté ». (D. J.)