L’Encyclopédie/1re édition/PARONOMASE, ou PARONOMASIE

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PARONOMASE, ou PARONOMASIE, subst. f. (Littéreture.) figure de Rhétorique, dans laquelle on se sert à dessein de mots dont le son est à peu près le même, quoiqu’ils présentent un sens fort différent.

Ce mot est formé du grec παρὰ, proche, & ὄνομα, nom ; c’est-à-dire proximité ou ressemblance de deux noms.

Ainsi l’on dit, ces peuples sont nos ennemis, & non nos amis. Cicéron dit à Antoine dans une de ces Philippiques : cum in gremio… mentem & mentum deponeres & Atticus, consul ipse parvo animo & pravo, facie magis quam facetiis ridiculus ; & ces phrases de S. Pierre Chrysologue, monachorum cellulæ jam non eremiticæ, sed arematicæ, & ailleurs, hoc agant in cellis quod angeli in cœlis. C’est ce que nous appellons jeux de mots : ceux que nous avons cités comme exemples & non comme modeles, perdroient en françois le sel qu’y ont prétendu mettre leurs auteurs, & qui pour le bon goût, est un sel bien affadi.

Les Grecs aimoient volontiers cette figure, ainsi Hérodote dit παθήματα μᾶλλον, quæ nocent, docent ; & Apollodore, peintre célebre, avoit mis à un de ses ouvrages cette inscription :

Μωμήσεταί τις μᾶλλον, ἢ μιμήσεται.
Il sera plus facile de s’en moquer que de l’imiter.

D’autres auteurs regardent la paronomase comme une répétition du même nom, mais après y avoir fait quelque changement, soit en ajoutant, soit en retranchant ; & en ce sens, cette figure n’est point une froide allusion d’un mot à l’autre ; mais souvent une figure de pensée. Tel est ce bel endroit de l’oraison de Cicéron pour Marcellus : « Vous avez, ce semble, vaincu la victoire même (il parle à César), en remettant aux vaincus ce qu’elle vous avoit fait remporter sur eux ; car votre clémence nous a tous sauvés, nous que vous aviez droit, comme victorieux, de faire périr. Vous êtes donc le seul invincible », &c. Corneille a dit aussi dans le Cid, par la même figure,

Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.