L’Encyclopédie/1re édition/PASSEMENTIER

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PASSEMENTIER, s. m. (Art. méchaniq.) ouvrier & marchand qui fait & vend des passemens ou dentelles. Les autres ouvrages que peut fabriquer le passementier sont des guipures, des campanes, des crespines, des houpes, des gances, des lacets, des tresses, des aiguillettes, des cordons de chapeaux, des boutons, des cordonnets, des rênes, des guides & autres ouvrages & marchandises semblables.

Les Passementiers forment à Paris une communauté assez considérable, dont les nouveaux statuts du mois d’Avril 1653, sont composés de quarante-quatre articles tirés des anciennes ordonnances qu’ils avoient obtenues d’Henri II. le 22 Mars 1558.

Suivant ces statuts, ils sont qualifiés maîtres passementiers, boutonniers, enjoliveurs.

Pour être admis à la maîtrise dans cette communauté, il faut avoir fait cinq années d’apprentissage, servi les maîtres quatre ans en qualité de compagnon, & avoir fait chef-d’œuvre.

Les fils des maîtres sont exempts de toutes ces formalités ; ils ne sont obligés qu’à une seule expérience ; ils ne peuvent cependant obliger des apprentis qu’après avoir atteint l’âge de dix-huit-ans.

Lorsqu’après avoir fait apprentissage, un compagnon épouse une fille de maître, il peut, après le mariage consommé, être reçu sur une simple expérience ; & ce mariage l’exempte des quatre ans de compagnonage & du chef-d’œuvre.

Les veuves demeurant en viduité, jouissent du privilege des maîtres, & peuvent continuer les apprentis commencés par leur mari, mais ne peuvent point en prendre de nouveaux.

Aucun maître ne peut faire ni vendre des passemens & autres ouvrages de son métier, qu’ils ne soient faits de bonne & loyale étoffe ; & il n’est pas permis de mêler de l’or ni de l’argent faux parmi du fin, quand même il en seroit requis.

La communauté est gouvernée par quatre jurés, dont on en élit deux tous les ans ; de sorte que ces jurés restent deux ans dans leurs fonctions.

Les jurés ne peuvent intenter procès, ni entreprendre aucune affaire de la communauté, sans avoir fait assembler tous les anciens bacheliers de jurande, pour prendre leur avis, & se déterminer à la pluralité des voix.

Les jurés sont obligés, quinze jours après être sortis de charge, de rendre leurs comptes de dépense & de recette en présence des nouveaux jurés & des anciens bacheliers de jurande.

Il y a peu d’ouvriers en France qui aient droit de fabrique, & de vendre plus de sortes de marchandises, & d’employer plus de matieres différentes que les Passementiers-boutonniers.

1°. Ils peuvent fabriquer & vendre toute sorte de passemens & dentelles, sur l’oreiller, aux fuseaux, aux épingles & à la main, d’or & d’argent fin ou faux, de soie, de fil de toutes couleurs, fins ou communs, grands ou petits.

2°. Toutes sortes de passemens & dentelles, pleins ou à jour, de noueure & à la main, garnis & enjolivés.

3°. Toutes sortes de houpes & campanes coulantes & arrêtées, montées sur moules & bourrelets noués & à l’aiguille, pour garnir différentes especes d’ouvrages, soit pour les ornemens des églises, ou pour les ameublemens.

4°. Toutes sortes de crêpines grandes & petites, doubles & simples.

5°. Toutes sortes de bourses nouées, au crochet & à la main, pleines & à jour, garnies & non garnies.

6°. Toutes sortes de tresses à gros & petits points, ganses rondes, quarrées & à l’Italienne, pratiques à cœur & sans cœur, nattes à petits cœurs, bracelets, rênes, guides & cordons, chaînes & tour-de-cou, aiguillettes tressées, signets de livres, ceintures d’aubes & de soutannes, tresses, lacets, ganses & rézeaux, cordons de rabats & tous autres enjolivemens qui se font sur le boisseau, à la jatte & au fuseau.

7°. Toutes sortes de cordons de chapeaux, bonnets, toques & affulemens ; comme cordons à l’angloise, à jonchées, à la turque, à la moresque, à l’arménienne, à l’indienne, à olives & boutons, à lanternes, à cordelieres, à deux, à trois & à quatre branches ou plus ; cordons à filets ronds & demi-ronds, plats & demi-plats, quarrés, à cannetilles & cartisannes, cordons d’or & d’argent trait faux & façonnés au crochet, cordons d’or & d’argent fin, cordons d’or & d’argent faux filé, cordons de crin & de cheveux, cordons à boutons, cordons encadenacés, cordons façon de broderie, enrichis & enjolivés, qui se façonnent à l’aiguille, aux doigts, au crochet & au dé.

8°. Toutes sortes de cordons & cordonnets qui se façonnent au rouet ; comme ganses, cannetilles pleines & creuses, chaines & chaînettes, frisons satinés & chevillés, bouillons, frisures, guipures plates & rondes, guipures à dentelles or & argent grapé & frisé, milanoises, millerets, cartisanes, frisades & toutes autres sortes de retords & enjolivemens qui se font au rouet, guipoir, crochet, au moulin, chevalet, sabot, émerillon, & à la molette.

9°. Toutes sortes de pots, vases & pommes de lits pleins & à jour, cousus & collés, garnis & chamarrés de passemens & tissus de rubans figures & non figurés.

10°. Toutes sortes de bouquets après le naturel, guirlandes, éventails, fers de collets montés & porte-fraises, nœuds, roses, ceintures, guirlandes & galans, nœuds & aigrettes garnis, & enjolivés, houpes battantes, masques, chaînes encadenacées, chapelets garnis de boutonnieres & de galans, chapeaux de fleurs après le naturel, coëffures & affulemens montés sur fer, cuivre, baleine, laiton ; fond de cartes & cartons, campanes encollées, roses & rosettes servant à garnir & enjoliver les habits, bouquets, coëffures & affulemens qui se font avec la pince & le glissoir, au rouet, à l’aiguille & au dé.

11°. Toutes sortes de ceintures, de noueures, lassures de tresses au crochet, pleines & à jour, rondes & quarrées, plates & demi-plates, au boisseau, aux fuseaux, à la jatte, à la rêne & au chevalet, garnies de fer ; chevilles, boucles, portes, boutons & autres enjolivemens.

12°. Enfin toutes sortes de bordures & harnois de chevaux, de noueures, lassures pleines & à jour, rondes, quarrées, plates, garnies & enjolivées de toutes façons.

Les Passementiers-boutonniers peuvent employer dans leurs différens ouvrages toutes sortes d’étoffes d’or & d’argent tant fin que faux, de soie, fleuret, filoselle, fil, laine, coton, crin, cheveux, cuivre, laiton, baleine, fer-blanc, bois, paille, talc, verre, jais, émail, parchemin, vélin brodé, enluminé & dore, toques, taffetas, satin, velours, gaze, tabis & toutes autres sortes d’étoffes, pourvu que le faux ne soit point mêlé avec le fin, comme il a été déja dit.

Il est encore permis aux maîtres passementiers boutonniers de garnir toutes sortes de sacs, toilettes, porte-manteaux, valises & fourreaux de pistolets, & de faire toutes sortes de moules à boutons ; comme grands, poires, vases, pommes, olives, coulans, boutons plats & chevilles, émérillons, molettes, & tous autres moules qui se font tant à l’arçon qu’au rouet servant à leur métier : il leur est permis aussi de se servir, pour leur travail, de toutes sortes d’outils, machines & engins, à l’exception seulement de la haute & basse-lisse, la marche, le peigne, la tire & la navette.

Les passementiers-boutonniers ont choisi S. Louis pour leur patron, & leur confrérie est établie dans l’église des grands Augustins.