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L’Encyclopédie/1re édition/PEAN ou PAEAN

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PEAN ou PÆAN, s. m. (Belles Lettres.) c’étoit originairement un cantique en l’honneur d’Apollon & de Diane, qui renouvelloit le souvenir de la victoire remportée sur le serpent Python par ce dieu, dont παιαν étoit aussi l’un des surnoms, emprunté de la force de ses rayons ou de ses traits, exprimée par le verbe παιειν frapper. Ces cantiques étoient caracterisés par cette exclamation ἰὴ παιαν qui en étoit comme le refrain, & qui signifie proprement décoche tes fleches, Apollon. On les chantoit pour se rendre ce dieu favorable dans les maladies contagieuses, que l’on regardoit comme des effets de sa colere.

Cette notion des péans est relative à toutes les étymologies qu’on donne de ce nom, Festus le faisant venir de παιειν, frapper. Hesychius de παιω, θεραπευω je guéris ; & d’autres de cette exclamation ἰὴ παι, ἰὴ παι, courage, mon fils, que Latone répétoit à Apollon pendant qu’il combattoit le serpent Python.

Dans la suite on fit de ces peans ou cantiques pour le dieu Mars, & on les chantoit au son de la flûte en marchant au combat. Il y en a divers exemples dans Thucidide & dans Xenophon, sur quoi le scholiaste du premier observe, qu’au commencement d’une action l’on invoquoit dans ces peans le dieu Mars ; au lieu qu’après la victoire, Apollon devenoit le seul objet du cantique. Mais enfin, ces cantiques ne furent plus renfermés dans l’invocation de ces deux divinités ; ils s’étendirent à celle de quantité d’autres & dans Xenophon, hist. græc. lib. IV. Les Lacédémoniens entonnent un pean à l’honneur de Neptune.

On en fit même pour illustrer les grands hommes ; Athenée parle de ceux où l’on célébroit les louanges de Lysandre le Lacédémonien, & qu’on chantoit à Samos, & celles de Cratere le Macédonien qu’on chantoit à Delphes. Aristote honora d’un pareil cantique l’eunuque Hermias son ami ; & il fut, dit-on, mis en justice pour avoir prodigué à un mortel un honneur qui n’étoit dû qu’aux dieux. Ce pean nous reste encore aujourd’hui, & Jules-César Scaliger ne le trouve point inférieur aux odes de Pindare ; mais Athenée qui nous a conservé ce cantique d’Aristote, ne tombe point d’accord que ce soit un véritable pean, parce que l’exclamation ἰὴ παιαν qui devroit le caracteriser ne s’y rencontre en aucun endroit ; au lieu qu’elle ne manque point dans les peans composés en l’honneur de Ptolomée, fils de Lagus, roi d’Egypte, d’Antigone, & de Démetrius Poliorcete. Nous sommes redevables au même Athenée de la conservation d’un autre pean adressé par le poëte Ariphron Sicyonien à Hygiée, ou la déesse de la santé. Recherches sur les peans, par M. Burette, mém. de l’acad. des Bell. Lettr. tom. X. pag. 301 & 302.

Pean ou Peon, est aussi le nom d’une sorte de pié dans les vers des anciens ; on l’appella ainsi, dit on, parce qu’il dominoit dans les hymnes ou cantiques nommés peans. Mais Quintilien le nomme peon, & en attribue l’invention à un médecin appellé peon. Ce pié consistoit en quatre syllabes, dont trois devoient être breves & une longue ; mais celle-ci pouvoit être disposée de quatre manieres. 1°. Avant toutes les breves, comme dans dīlĭgĕrĕ ; 2°. après une breve, comme dans sŭpērbĭā ; 3°. après deux breves, comme ălĭēnŭs ; 4°. après toutes les breves, comme dans tĕmĕrĭtās. Voyez Pied.

Péan, (Géog. mod.) ville de la Corée, capitale de la province de Péando, sur la mer de la Chine. Les Japonnois s’en emparerent sur les Chinois en 1592. (D. J.)