L’Encyclopédie/1re édition/PETROBRUSIENS

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PETROBRUSIENS, s. m. pl. (Hist écclés.) secte d’hérétiques qui parurent en France vers l’an 1120, & qui prirent ce nom de leur chef Pierre de Bruys, provençal.

Un moine nommé Henri se mit aussi à leur tête, ce qui leur fit donner le nom d’Henriciens. Voyez Henriciens.

Pierre le vénérable abbé de Cluny a fait un traité contre les Petrobrusiens, dans la préface duquel il réduit leurs erreurs à cinq chefs principaux. 1°. Ils nioient que le baptême fut nécessaire ni même utile aux enfans avant l’âge de raison, parce que, disoient-ils, c’est notre propre foi actuelle qui nous sauve par le baptême. 2°. Qu’on ne devoit point bâtir d’églises, mais au contraire les détruire, les prieres étant selon eux aussi bonnes dans une hôtellerie que dans un temple, & dans une étable que sur un autel. 3°. Qu’il falloit bruler toutes les croix, parce que les chrétiens devoient avoir en horreur tous les instrumens de la passion de Jesus-Christ leur chef. 4°. Que Jesus-Christ n’est pas réellement présent dans l’Eucharistie. 5°. Que les sacrifices, les aumônes & les prieres, ne servent de rien aux morts.

On les a aussi accusés de manichéisme, & ce n’est pas à tort, car il est prouvé qu’ils admettoient deux principes comme les anciens manichéens, il l’est par Roger de Hoveden dans ses annales d’Angleterre, qu’à l’exemple de ces hérétiques, les Petrobrusiens ne recevoient ni la loi de Moise, ni les prophetes ni les Pseaumes, ni l’ancien Testament, & par Radulphe Ardens, auteur du xj. siecle, qui rapporte que les hérétiques d’Agenois se vantent de mener la vie des apôtres, disent qu’ils ne mentent point & ne jurent point, condamnent l’usage des viandes & du mariage, rejettent l’ancien Testament & une partie du nouveau, & ce qui est de plus terrible admettent deux créateurs, disent que le sacrement de l’autel n’est que du pain tout pur ; méprisent le baptême & la resurrection des morts ; or ces hérétiques d’Agenois du XI n’étoient autres que les Petrobrusiens & les Henriciens dont la secte s’étoit répandue en Gascogne & dans les provinces voisines, & c’étoient là sans doute des Manichéens bien marqués, dit M. Rosnet, Hist. des Variat. liv. XI. num. 42. pag. 146. tom. II. C’est donc à tort que M. Chambers accuse le P. Langlois d’avoir voulu par un faux zele noircir les Petrobrusiens d’une accusation de manichéisme ; c’est contre les auteurs contemporains qu’il faudroit intenter cette accusation ; mais on sait le motif qui porte les Protestans à écarter ce soupçon de manichéisme des hérétiques qui dans le xj. siecle ont nié la présence réelle, & l’on peut voir ce que M. Bossuet a répondu à ce sujet au ministre la Roque. Hist. des Variat. tom. II. Liv. XI. n. c. xxx. & suiv. pag. 199. & suiv.