L’Encyclopédie/1re édition/PHILANDRE, PHILANDER, OPOSSUM

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PHILANDRE, PHILANDER, OPOSSUM, s. m. (Zoologie.) animal très-remarquable d’Amérique. Il a été fort mal décrit par divers auteurs sous le nom de maritacaca, carigoi, opoza, caregueia, jupatuma, tlaquatzin, sarigoi, semi vulpa, marsupiale, &c.

C’est un animal de la grosseur d’un gros chat. Sa tête est faite comme celle d’un renard. Il a le nés pointu, & la mâchoire supérieure plus longue que l’inférieure. Ses dents sont petites, mais semblables à celles du renard, excepté qu’il en a deux grandes comme le lievre au haut du museau ; ses yeux sont petits, ronds, & pleins de vivacité. Ses oreilles sont grandes, lisses, douces, droites, comme celles du renard, minces, & comme transparentes. Il a comme le chat des moustaches noires, & d’autres poils de même espece sur la face & au-dessus des yeux ; sa queue est ronde & d’un pié de long, pleine de poil à son insertion ; ensuite toute chauve, de couleur en partie noire, & en partie d’un brun cendré ; ses piés de derriere sont beaucoup plus longs que ceux de devant ; ils ressemblent à des mains, & ont chacun cinq orteils armés d’ongles blancs & crochus ; l’orteil de derriere est le plus long, ainsi que dans les singes. Son dos & ses côtés sont de couleur noirâtre avec un mélange de gris, & d’un faux jaune sur le ventre.

L’opossum répand une odeur puante comme le renard ; il se nourrit de cannes de sucre, & d’autres végétaux ; il mange aussi les oiseaux qu’il va prendre jusque sur les arbres, & imite souvent les ruses du renard pour piller la volaille.

Mais ce qui le distingue de tous les autres animaux du monde, c’est le sac ou la poche dans laquelle la femelle fait entrer ses petits lorsqu’elle met bas ; alors le petit opossum n’est pas plus gros qu’une noix, quoique destiné à l’être autant qu’un chat. Ce sac est placé sous le ventre près des jambes de derriere. Les petits s’y trouvent à l’abri jusqu’à ce qu’ils soient en état de se tirer d’affaire ; & quand ils commencent à être forts, ils en sortent, & y rentrent librement pendant quelques semaines. Enfin lorsqu’ils sont grands, la mere les en chasse pour toujours, comme font les femelles des autres animaux, à l’égard de leurs petits. L’opossum mâle a, de même que la femelle, cette espece de poche sous le ventre, & prend de tems-en-tems sur lui le soin d’y porter ses petits, pour les tirer d’un danger pressant, & soulager sa femelle.

Cette poche singuliere mérite bien que nous la décrivions. C’est un corps membraneux assez mince, quoique composé de plusieurs membranes ; il y a quatre paires de muscles qui servent à la resserrer & à l’étendre, à ouvrir & à fermer l’ouverture. Deux os particuliers à cet animal, & qui sont placés dans cette partie de son corps, servent à l’insertion des muscles dont nous venons de parler. La poche paroît être en partie musculeuse, & en partie glanduleuse, car elle a la double action de mouvement & de secrétion. L’intérieur de cette poche est tapissé de quelques poils, qui sont çà & là, couverts d’une matiere jaune & gluante, produite par diverses petites glandes dont la poche est semée ; cette matiere cérumineuse est d’une odeur forte & désagréable.

Le sac de l’opossum, outre sa tunique glanduleuse & musculaire, est pourvu d’une troisieme tunique vasculaire, dans laquelle les vaisseaux sanguins décourent en grand nombre.

L’opossum sent aussi mauvais pendant qu’il est en vie que le putois, & même davantage. Cette odeur virulente vient principalement de la matiere contenue dans sa poche, qui est d’une nature si semblable à celle du sac de la civette, qu’après avoir été exposée à l’air pendant quelques jours, elle perd son odeur forte, & devient un parfum des plus agréables, approchant de celui de la civette.

La structure des jambes, des piés & des ongles de l’opossum, semble lui avoir été donnée pour grimper avantageusement sur les arbres ; & c’est aussi ce qu’il exécute avec beaucoup de vîtesse.

Enfin, la nature a employé une méchanique admirable dans les épines ou crochets, qui sont au centre du côté inférieur des vertèbres de sa queue. Les trois premieres vertebres n’ont point d’épines ; mais on les voit dans toutes les autres. Elles sont placées justement au milieu & à côté de chaque jointure. Je crois qu’on ne sauroit rien imaginer de plus propre à cette fonction que de le suspendre par la queue ; car la queue étant une fois tournée autour d’une branche, soutient aisément le poids de l’animal par le moyen de ces épines crochues ; cette action ne demande qu’un peu de travail dans les muscles pour courber ou fléchir la queue.

J’aurois beaucoup d’autres choses curieuses à ajouter, mais je les supprime en renvoyant le lecteur à l’anatomie de l’opossum par le docteur Tyson, en 1698, dans les Trans. philos. n. 239. Le chevalier de Jaucourt.

Il y a plusieurs especes de philandres que l’on a réunies sous un même genre. Leurs caracteres communs sont d’avoir, dans la mâchoire du dessous, huit dents incisives, & dans celle de dessus dix : les deux du milieu sont plus grandes que les autres, & d’avoir les piés conformés comme ceux des singes. Les especes de philandres sont au nombre de neuf ; savoir, 1°. le philandre simplement dit, c’est celui qui a déja été décrit dans cet article ; 2°. le philandre oriental, qui a une couleur brune foncée sur le dos, & jaune sous le ventre, avec des taches jaunes au-dessous des yeux : il est plus grand que le philandre simplement dit ; car il a onze pouces de longueur depuis l’occiput jusqu’à l’origine de la queue, tandis que l’autre n’a que huit pouces ; 3°. le philandre d’Amboine, qui est d’un rouge bai noirâtre sur le dos, & de couleur cendrée blanchâtre sur le ventre, avec des taches d’un brun foncé ; sa longueur est de treize pouces. Les femelles de la seconde & de la troisieme espece de philandres ont une poche sous le ventre, comme celles de la premiere espece ; mais les femelles des cinq especes suivantes n’ont pas cette poche ; & on ne sait si les individus, tant mâles que femelles de ces cinq especes, ont les autres caracteres de ce genre seulement, il est certain qu’ils ressemblent aux philandres des trois premieres especes par la forme de la tête, du museau, de la queue, des piés, &c. & par la façon de vivre : ces cinq especes sont le philandre du Brésil, le philandre d’Amérique, le philandre d’Afrique, le philandre de Sminam, le philandre à grosse tête, & le philandre à courte queue. Regn. anim. par M. Briffon.