L’Encyclopédie/1re édition/PHILIPPINES, les

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PHILIPPINES, les, (Géog. mod.) îles de la mer des Indes, au-delà du Gange, presque vis-à-vis les grandes côtes des riches royaumes de Malaca, Siam, Camboia, Chiampa, Cochinchine, Tunquin, & la Chine. Elles sont situées dans la mer que Magellan appella l’archipel de S. Lazare, parce qu’il y mouilla ce jour-là sous la zone Torride, entre l’équateur & le tropique du Cancer.

Ces îles anciennement connues sous le nom de Maniolæ furent découvertes en 1521 par le même Magellan dont je viens de parler, & qui y fut tué. Elles furent appellées Philippines du nom de Philippe II. roi d’Espagne, sous le regne duquel les Espagnols s’y sont fixés en 1564.

Quand ils y entrerent, ils y trouverent trois sortes de peuples. Les Mores Malais étoient maîtres des côtes, & venoient, comme ils le disoient eux-mêmes, de Bornéo & de la terre-ferme de Malaca. De ceux-ci sont sortis les Tagales, qui sont les originaires de Manille & des environs, comme on le voit par leur langage qui est fort semblable aux Malais, par leur couleur, par leur taille, par leurs coutumes & leurs manieres. L’arrivée de ces peuples dans ces îles a pu être fortuite & causée par quelque tempête, parce qu’on y voit souvent aborder des hommes dont on n’entend point le langage. En 1690, par exemple, une tempête y amena quelques Japonois. Il pourroit bien se faire aussi que les Malais seroient venus habiter ces îles d’eux-mêmes, soit pour le trafic ou autres raisons ; mais tout cela est incertain.

Ceux qu’on appelle Bisayas & Pintados dans la province de Camerinos, comme aussi à Leyte, Samal, Panay & autres lieux, viennent vraissemblablement de Macassar, où l’on dit qu’il y a plusieurs peuples qui se peignent le corps comme des Pintados.

Pierre Fernandez de Quiros, dans la relation de la découverte des îles de Salomon en 1595, dit qu’ils trouverent à la hauteur de 10d. nord à 1800 lieues du Pérou, à-peu-près à la même distance des Philippines, une île appellée la Magdeleine, habitée par des Indiens bien faits, plus grands que les Espagnols, qui alloient nuds, & dont le corps étoit peint de la même maniere que celui de Bisayas.

On doit croire que les habitans de Mindanao, Nolo, Bool & une partie de Cébu sont venus de Ternate. Tout le persuade : le voisinage, le commerce, & leur religion, qui est semblable à celle des habitans de Ternate. Les Espagnols en arrivant les trouverent maîtres de ces îles.

Les noirs qui vivent dans les rochers & dans les bois, dont l’île de Manille est couverte, different entierement des autres. Ils sont barbares, se nourrissent de fruits, de racines, de ce qu’ils prennent à la chasse, & n’ont d’autre gouvernement que celui de la parenté, tous obéissans au chef de la famille. Ils ont choisi cette sorte de vie par amour pour la liberté. Cet amour est si grand chez eux, que les noirs d’une montagne ne permettent point à ceux d’une autre de venir sur la leur, autrement ils se battent cruellement.

Ces noirs s’étant alliés avec des Indiens sauvages, il en est venu la tribu des Manghiens, qui sont des noirs qui habitent dans les îles de Mindora & de Mundo. Quelques-uns ont les cheveux crépus comme les negres d’Angola, d’autres les ont longs. Les Sambales, autres sauvages, portent tous les cheveux longs, comme les Indiens conquis.

Du reste, il est encore vraissemblable qu’il a passé dans les Philippines des habitans de la Chine, de Siam, de Camboya, & de la Cochinchine. Quoi qu’il en soit, les Espagnols ne possedent guere que les côtes de la plûpart de ces îles.

Le climat y est chaud & humide. Il y a plusieurs volcans, & elles sont sujettes non-seulement à de fréquens tremblemens de terre, mais à des ouragans si terribles qu’ils déracinent les plus gros arbres. Ces accidens n’empêchent point que les arbres ne soient toujours verds, & qu’ils ne portent deux fois l’année. Le ris vient assez bien dans ces îles, & les palmiers y croissent en abondance. Les bufles sauvages y sont communs ; les forêts sont remplies de cerfs, de sangliers, & de chevres sauvages semblables à celles de Sumatra. Les Espagnols y ont apporté de la nouvelle Espagne, du Japon & de la Chine des chevaux & des vaches qui ont beaucoup multiplié.

On tire de ce pays des perles, de l’ambre gris, du coton, de la cire & de la civette. Les montagnes abondent en mines d’or, dont les rivieres charient des paillettes avec leur sable ; mais les Indiens s’attachent peu à les ramasser, dans la crainte qu’ils ont qu’on ne les y force par l’esclavage.

Les principales d’entre les Philippines sont Manille ou Luçon, Mindanao, Ibabao, Leyte, Paragua, Mindoro, Panay, Cébu, Bool & l’île des noirs. Les cartes géographiques mettent toutes les Philippines entre le 132 & le 145 degré de longitude, & leur latitude depuis 5 degrés jusqu’à 20. (Le chevalier de Jaucourt.)

Philippines, les nouvelles, ou les îles de Palaos, (Géog. mod.) îles de la mer des Indes, situées entre les Moluques, les anciennes Philippines & les Mariannes. Le hasard les fit découvrir au commencement de ce siecle par la violence des vents, qui porterent à la pointe de l’île du Samal, une des plus orientales des Philippines, quelques-uns des insulaires qui s’étoient embarqués pour se rendre dans une de leurs propres îles. On en peut voir le récit dans les lettres édifiantes.

Elles nous apprennent qu’on compte plus de quatre-vingt nouvelles îles philippines, qui forment un des beaux archipel de l’Orient & qui sont fort peuplées. Les habitans vont à moitié nuds à cause de la grande chaleur. Ils ne paroissent avoir aucune idée de la divinité, & n’adorent aucune idole. Ils ne connoissent aucun métal, se nourrissent de poissons & de fruits. Ils laissent croître leurs cheveux qui leur flottent sur les épaules. La couleur de leur visage est à-peu-près la même que celle des Indiens des anciennes Philippines ; mais leur langage est entierement différent de tous ceux qu’on parle dans les îles espagnoles, & même dans les îles Mariannes. C’est dommage que nous n’ayons aucune connoissance de ces nouvelles îles & des peuples qui les habitent ; car les Espagnols ont fait jusqu’ici des tentatives inutiles pour y aborder ; les ouragans & les brises qui regnent dans ces mers, ont fait périr tous les vaisseaux qu’ils avoient équipés pour s’y rendre. Long. 145. 160. latit. 2. jusqu’au 11. (D. J.)