L’Encyclopédie/1re édition/PHLIUS
PHLIUS, (Géog. anc.) nous traduisons en françois Phlionte ; il y a trois villes du nom de Phlius, toutes trois dans le Péloponnèse.
La premiere est une ville du Péloponnèse en Sicyonie, selon Ptolomée, l. III. c. xvj. qui la place dans les terres. Strabon, l. VIII. pag. 382. dit « que la ville d’Aroethyrée, que l’on appelloit de son tems Phlyasia, étoit dans une contrée de même nom, près de la montagne Cœlossa : il ajouta que dans la suite les habitans changerent de place, & allerent à trente stades de ce lieu, bâtir une autre ville, qui fut aussi nommée Phlius ».
La seconde Phlius est une ville maritime du Péloponnése dans l’Argie, placée, selon Ptolomée, l. III. c. xvj. entre Nauplia-Navale, & Hormioné. Pinet prétend que c’est Focia, & Sophien Yri.
La troisieme Phlius est une ville du Péloponnèse dans l’Elide, selon Pline, qui la met à cinq milles de Cyllène. Le P. Hardouin prétend que c’est la même qui est placée dans la Sicyonie par Ptolomée & par Strabon.
J’ignore laquelle de ces trois villes du Péloponnèse, étoit la patrie du poëte-musicien Thrasylle, dont parle Plutarque dans son dialogue sur la musique, outre qu’il y a trois Thrasylles fameux chez les Grecs par leurs talens. Le premier étoît de Phlionte ; le second est un philosophe cynique, contemporain du vieil Antigonus, l’un des successeurs d’Alexandre le Grand ; le troisieme étoit de Mendès, ville d’Egypte.
M. l’abbé Sévin dans les Mém. des Inscript. tom. X. pag. 89. prend ce dernier Thrasylle, homme versé dans presque toutes les sciences, pour le Thrasylle de Phlionte ; mais ce savant est vraisemblablement dans l’erreur. Le Thrasylle de Mendès étoit à la vérité musicien, mais un simple musicien spéculatif, au lieu que le Thrasylle de Phlionte étoit musicien-praticien, comme Pindare & Simonide, comme Eschyle & Phrynique, comme Pancrate & Tyrtée. Il joignoit comme eux, le mérite de la poésie lyrique à celui de la musique ; c’est-à-dire, qu’il composoit comme eux, des airs & des chants de plus d’une espece, qui s’exécutoient aussi sur les instrumens.
Cette musique des Grecs dans les siecles d’Auguste, de Tibere & de Thrasylle le mindésien, étoit bien déchue de la belle simplicité qui en faisoit autrefois le principal mérite. Mais si Thraylle de Mindès ne se distingua pas dans la musique, il joua un grand rôle auprès de Tibere, par son étude de l’astrologie judiciaire. Ce prince, quoique naturellement très-réservé, l’honora de sa confiance la plus intime, & il sut la conserver jusqu’à sa mort qui ne précéda que d’un an celle de l’empereur. Tous les historiens romains, Suétone, Tacite, Dion Cassius, parlent beaucoup de ce Thrasylle ; il le méritoit par son esprit, par la bonté de son cœur, & par la droiture de ses intentions.
Il ne s’en tint pas là : les mêmes auteurs rapportent que plusieurs illustres romains furent redevables de leur conservation, à la sagesse de Thrasylle. Les défiances de Tibere augmentoient avec l’âge, & le désir d’assurer à sa maison l’autorité souveraine, excita un violent orage contre les membres du sénat les plus distingués, & par la naissance & par le mérite personnel. On les arrêta, & ils auroient péri infailliblement, si Thrasyllen n’eût pas trouvé le secret de persuader à l’empereur, que les astres lui promettoient une vie extrêmement longue. Ce que l’on souhaite avec ardeur, est cru fort aisément : Tibere convaincu de la vérité de cette prédiction, différa toujours d’immoler à ses soupçons, un si grand nombre de victimes. Enfin, attaqué de la maladie qui le conduisit au tombeau, il rejetta les secours de la médecine qu’on lui offrit, & sa mort combla les vœux de tout le monde.
C’est à Phliunte en Sycionie, que naquit Asclépiade, disciple de Stilpon, & le tendre ami de Ménédeme. Tous deux fort pauvres, ils gagnerent leur vie commune à la sueur de leur visage, & devinrent par leur génie & par l’étude, de grands & d’estimables philosophes ; ils le furent encore par les liens d’une amitié rare, & qui dura jusqu’au tombeau. Résolus tous deux de se marier, & de ne se jamais séparer, ils jugerent nécessaire, pour réussir dans ce dessein, de choisir leurs femmes, avec une précaution qui leur pût promettre la concorde domestique ; & ils trouverent ce bonheur dans une famille où il y avoit une femme & une fille, l’une & l’autre en âge d’être mariées. Ménedeme prit la mere, & Asclepiade la fille ; celle-ci étant morte au bout d’un an, Ménédeme céda son épouse à son ami, & se remaria avec une riche & vertueuse héritiere, qui déposa le fonds & l’administration de ses biens entre les mains de sa belle-sœur. Les ames des deux amis & des deux femmes se réunirent encore, & se confondirent avec leur fortune & l’éducation de leurs enfans. (Le Ch. de Jaucourt.)