L’Encyclopédie/1re édition/PHOLADE

La bibliothèque libre.

PHOLADE, s. f. (Conchyliol.) nom d’un genre de coquilles dont voici les caracteres. C’est une coquille multivalve, oblongue, qui a deux ou six pieces, unie, raboteuse, faite en reseau, fermant d’ordinaire exactement, & quelquefois entr’ouverte en quelque endroit.

Entre les coquilles oblongues, nommées communément pholades, & qui sont à deux écailles, on distingue les especes suivantes, 1°. la pholade lisse de Rondelet ; 2°. la pholade lisse & étroite d’Aldrovandus ; 3°. la pholade de Rumphius ; 4°. la pholade de Lister ; 5°. la pholade unie faite comme la moule ; 6°. la pholade de Bonanni faite en doigt ; 7°. la pholade rougeâtre & blanche.

Entre les pholades oblongues irrégulieres consistant en deux écailles, on connoît 1°. une grande pholade d’Amérique ; 2°. la pholade large avec un tuyau très-épais sortant en-dehors.

Dans la classe des pholades oblongues irrégulieres à six écailles, on distingue l’espece décrite par Lister, & qui est logée dans la pierre. Il y a plusieurs autres pholades à six écailles, dont la plupart sont américaines.

Le mot pholade est grec, & veut dire une chose renfermée, parce que le poisson qui loge dans cette coquille, se forme & se cache communément dans les trous des pierres spongieuses de la nature de celle de ponce, de banche, de marne, ou bien dans la glaise, comme nous le dirons dans la suite.

Il se trouve ordinairement plusieurs de ces coquilles dans une même pierre, quelquefois jusqu’à vingt, comme on l’a remarqué dans divers ports d’Angleterre & de France. L’usage est d’enlever ces pierres de la mer, & de les casser par morceaux pour en tirer le poisson qui est excellent à manger ; il sert aussi d’appât pour en prendre d’autres.

On donne differens noms à cette coquille. On l’appelle en Normandie pitaut ; en Poitou & en pays d’Aunis on la nomme dail ; à Toulon datte ; en Angleterre piddock ; à Paris, pholade est le nom reçu.

Aldrovandus admet deux especes de pholades différentes de celles de Rondelet : la premiere est attachée au rocher, & se trouve en quantité dans la même pierre. Elle a deux pieces ou écailles ; sa figure est oblongue, arrondie comme un cylindre, & ressemble à une datte. La seconde espece, composée de six pieces de couleur cendrée, est longue de cinq doigts, avec un petit pédicule. Lister a décrit exactement une pholade à cinq pieces, dont les trois dernieres inférieures en grandeur aux deux principales, sont attachées par des ligamens au dos de la coquille, & tombent aussi-tôt que la pholade sort de la mer ; mais cette coquille de Lister est fort rare.

On lit dans l’auctuarium musæi Balfouriani, que les pholades d’Angleterre ont cinq valves ; il falloit dire six, comme les observations nouvelles en ont convaincu les Naturalistes. Celles de la Rochelle, du Poitou ont assez communement six pieces. On apporte aussi de l’Amérique des pholades toutes blanches, longues de sept à huit pouces, grosses à proportion, & qui ont six valves. Mais les dattes de Toulon & d’Ancone sont bivalves. Concluons qu’il y a deux genres de pholades, l’une à six valves, l’autre à deux, & cependant leur différence avec d’autres coquilles se peut faire par la figure & par le caractere du coquillage qui se creuse lui-même un trou dans la pierre, & qui ne prend de l’eau que par un très-petit canal.

Le coquillage de la pholade à deux valves, ne differe du poisson de la pholade à six valves que par sa coquille. Il sort du milieu de son corps une grande trompe ou long tuyau, partagé en deux cloisons inégales, dont un trou lui sert à vuider ses excrémens, l’autre à respirer, & à prendre de la nourriture.

L’ovaire & les parties de la génération sont logées sous ce tuyau. Sa superficie extérieure est toujours la même ; elle ressemble à une lime avec des aspérités assez élevées, dentelées, & serrées depuis le haut de la coquille jusqu’en bas, de maniere que les pointes les plus fortes sont vers la tête. Il semble qu’avec ses armes ce coquillage perce les pierres, & aggrandit sa sépulture à mesure qu’il grossit ; mais c’est avec une partie ronde & charnue, telle qu’une langue, qu’il fait cette opération.

Il convient de remarquer que ces coquillages quoique renfermés dans leurs trous, sont peut-être les animaux qui se donnent le plus de mouvement intérieur, puisqu’ils creusent continuellement leur demeure ; mais ils ont un mouvement progressif si lent, qu’il n’y en a guere de plus lent dans la nature. Muré, comme est cet animal dans son trou, il n’avance qu’en s’approchant du centre de la terre, & ne creuse son domicile qu’autant qu’il croît lui-même, comme je viens de le dire.

Le terroir qu’habitent ces coquillages, est d’ordinaire la banche & quelquefois la glaise ; ils sont logés dans des trous plus profonds que leur coquille n’est longue. L’espace qui reste est occupé par le tuyau charnu de figure conique dont j’ai parlé ; ils l’allongent ordinairement jusqu’à l’ouverture du trou, & se servent de ce tuyau à tirer alternativement l’eau dans leur coquille, & à la rejetter. Lorsqu’on approche de leur domicile, ils font rentrer fort vîte le tuyau dans la coquille, & chassent de même avec vitesse l’eau qu’il contenoit.

Au reste. ce n’est pas seulement dans des pierres qu’on a trouve des pholades, mais on en rencontre aussi dans le bois, & particulierement dans des fonds de vaisseaux. Voyez sur tout cela Lister, Aldrovandus, Bonanni, Rumphius, Dargenville, & les mémoires de l’académie des Sciences, année 1712. (D. J.)