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L’Encyclopédie/1re édition/PLATÉE

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PLATÉE, s. f. (Architect.) est un massif de fondement qui comprend toute l’étendue d’un bâtiment, comme aux aqueducs, arcs de triomphe & autres bâtimens antiques.

PLATÉE, (Géog. anc.) ville de la Bœotie, dans les terres, au midi de Thèbes, aux confins de l’Attique & de la Mégaride, sur le fleuve Asope, en latin Plateæ, selon Cornelius Nepos ; & Platææ selon Justin, Pline, & la plus grande partie des Grecs.

Ce fut près de cette ville, que les Grecs gagnerent une fameuse bataille contre Mardonius, dans la soixante-quinzieme olympiade, l’an 275. de Rome. Pausanias, roi de Sparte, avoit dans ce combat le titre de généralissime des Grecs, & les Athéniens étoient commandés par Aristides, cet homme admirable que Platon, juste appréciateur du mérite, définit le plus irréprochable & le plus accompli de tous les Grecs.

Après la défaite de Salamine, Xerxès, roi de Perse, se retira dans ses états, & laissa à Mardonius, son intendant & son beau-frere, le soin de dompter la Grece. Dans cette vûe, Mardonius songea à corrompre les Athéniens, qui prêterent l’oreille à ses propositions ; mais à peine le sénateur Lycidas eut-il ouvert l’avis de les accepter, que les autres sénateurs & le peuple l’entourerent pêle-mêle, & le lapiderent. Si-tôt que les femmes eurent appris son avanture, & ce qui l’avoit causé, elles coururent en foule à la maison de Lycidas, & y massacrerent sa femme & ses enfans, comme autant de complices de sa perfidie.

Mardonius, irrité d’avoir fait des avances honteuses & inutiles, mit à feu & à sang toute l’Attique, & tourna vers la Bœotie, où les Grecs se porterent pour l’attendre. La bataille s’étant donnée, Mardonius la perdit avec la vie, & l’on tailla aisément en pieces les restes d’une armée sans chef. Les Athéniens attacherent sa lance dans un de leurs temples. Ils y placerent aussi le trône à piés d’argent, d’où Xerxès regardoit le combat de Salamine. Beaucoup de monumens semblables paroient les temples de la Grece, & rendoient témoignage des grandes actions dont ils perpétuoient la mémoire.

La ville de Platée étoit ennemie des Thébains, & si dévouée aux Athéniens, que toutes les fois que les peuples de l’Attique s’assembloient dans Athènes pour la célébration des sacrifices ; le héraut ne manquoit pas de comprendre les Platéens dans les vœux qu’il faisoit pour la république.

Les Tbébains avoient deux fois détruit la ville de Platée. Archidamus, roi de Sparte, la cinquieme année de la guerre du Péloponnese, bloqua les Platéens & les força de se rendre à discrétion. Ils auroient eu bonne composition du vainqueur ; mais Thèbes unie avec Lacédémone, demanda qu’on exterminât ces malheureux, & le demanda si vivement qu’elle l’obtint.

Le traité d’Antalcidas dont parle Xénophon, liv. V. les rétablit ; ce bonheur ne dura pas, car trois ans avant la bataille de Leuctres, Thebes indignée du refus que firent les Platéens de se déclarer pour elle contre Lacédémone, les remit dans le déplorable état qu’ils avoient éprouvé déja par sa barbarie.

Dans le lieu même où les Grecs défirent Mardonius, on éleva un autel à Jupiter éleuthérien ou libérateur, & auprès de cet autel les Platéens célébroient tous les cinq ans des jeux appellés éleuthéria. On y donnoit de grands prix à ceux qui couroient armés, & qui devançoient leurs compagnons.

Quand les Platéens vouloient brûler leurs capitaines après leur mort ; ils faisoient marcher un joueur d’instrumens devant le corps, & ensuite des chariots, couverts de branches de lauriers & de myrtes, avec plusieurs chapeaux de fleurs. Etant arrivés proche du bucher, ils mettoient le corps dessus, & offroient du vin & du lait aux dieux. Ensuite le plus considérable d’entr’eux vêtu de pourpre, faisoit retirer les esclaves, & immoloit un taureau. Le sacrifice étant accompli, après avoir adoré Jupiter & Mercure, il convioit à souper les meres de ceux qui étoient morts à la guerre.

Les Platéens célébroient chaque année des sacrifices solemnels aux Grecs qui avoient perdu la vie en leur pays pour la défense commune. Le seizieme jour du mois qu’ils appelloient monastérion, ils faisoient une procession devant laquelle marchoit un trompette qui sonnoit l’alarme ; il étoit suivi de quelques chariots, chargés de myrte & de chapeaux de triomphe, avec un taureau noir ; les premiers de la ville portoient des vases à deux anses pleins de vin, & d’autres jeunes garçons de condition libre tenoient des huiles de senteur dans des phioles.

Le prevôt des Platéens à qui il n’étoit pas permis de toucher du fer, ni d’être vêtu que d’étoffe blanche toute l’année, venoit le dernier portant une saie de pourpre, & tenant en une main une buire & en l’autre une épée nue ; il marchoit en cet équipage par toute la ville jusqu’au cimetiere, où étoient les sépulchres de ceux qui avoient été tués à la bataille de Platée ; alors il puisoit de l’eau dans la fontaine de ce lieu, il en lavoit les colonnes & les statues qui étoient sur ces sépulcres, & les frottoit d’huiles de senteur. Ensuite il immoloit un taureau, & après quelques prieres faites à Jupiter & à Mercure ; il convioit au festin général, les ames des vaillans hommes morts, & disoit à haute voix sur leurs sépultures : je bois aux braves hommes qui ont perdu la vie en défendant la liberté de la Grece. (D. J.)