L’Encyclopédie/1re édition/POLYANDRIE
POLYANDRIE, s. f. (Hist. morale & politique.) ce mot indique l’état d’une femme qui a plusieurs maris.
L’histoire, tant ancienne que moderne, nous fournit des exemples de peuples chez qui il étoit permis aux femmes de prendre plusieurs époux. Quelques auteurs qui ont écrit sur le Droit naturel, ont cru que la polyandrie n’avoit rien de contraire aux lois de la nature ; mais pour peu que l’on y fasse attention, on s’appercevra aisément que rien n’est plus opposé aux vûes du mariage. En effet, pour la propagation de l’espece une femme n’a besoin que d’un mari, puisque communément elle ne met au monde qu’un enfant à la fois : d’ailleurs la multiplicité des maris doit anéantir ou diminuer leur amour pour les enfans, dont les peres seront toujours incertains. Concluons de-là que la polyandrie est une coutume encore plus impardonnable que la polygamie ; qu’elle ne peut avoir d’autre motif qu’une lubricité très-indécente de la part des femmes, à laquelle les législateurs n’ont point dû avoir égard ; que rien n’est plus propre à rompre ou du-moins à relâcher les liens qui doivent unir les époux ; enfin que cette coutume est propre à détruire l’amour mutuel des parens & des enfans.
Chez les Malabares, les femmes sont autorisées par les lois à prendre autant de maris qu’il leur plaît, sans que l’on puisse les en empêcher. Cependant quelques voyageurs prétendent que le nombre des maris qu’une femme peut prendre est fixé à douze ; ils conviennent entr’eux du tems pendant lequel chacun vivra avec l’épouse commune. On assûre que ces arrangemens ne donnent lieu à aucune mésintelligence entre les époux ; d’ailleurs dans ce pays les mariages ne sont point des engagemens éternels, ils ne durent qu’autant qu’il plaît aux parties contractantes. Ces mariages ne sont pas fort ruineux, le mari en est quitte pour donner une piece de toile de coton à la femme qu’il veut épouser ; de son côté, elle a rempli ses devoirs en préparant les alimens de son mari, & en tenant ses habits propres & ses armes bien nettes. Lorsqu’elle devient grosse, elle déclare de qui est l’enfant, c’est le pere qu’elle a nommé qui en demeure chargé. D’après des coutumes si étranges & si opposées aux nôtres, on voit qu’il a fallu des lois pour assûrer l’état des enfans ; ils suivent toujours la condition de la mere qui est certaine. Les neveux par les femmes sont appellés aux successions comme étant les plus proches parens, & ceux dont la naissance est la moins douteuse.