L’Encyclopédie/1re édition/POU

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POU, (Scienc. microscop.) le pou a une coque ou peau si transparente, que nous pouvons mieux découvrir ce qui se passe dans son corps, que dans la plûpart des autres petites créatures vivantes, ce qui le rend un objet charmant pour le microscope. Il a naturellement trois divisions qui sont la tête, la poitrine & le ventre, ou la partie de la queue. On voit à la tête deux yeux noirs & fins, avec une corne au-devant de chacun de ces yeux ; cette corne a cinq jointures, & est environnée de poils. A l’extrémité du museau, il y a une partie pointue qui sert d’étui, pour un instrument à sucer ou à percer ; cet animal le fait entrer dans la peau pour en tirer le sang ou les humeurs dont il se nourrit, n’ayant point de bouche qui puisse s’ouvrir ; cet instrument à percer ou à sucer le sang, est sept cens fois plus délié qu’un cheveu, & enfermé dans un autre fourreau qui est au-dedans du premier. L’animal peut le pousser en-dehors, ou le retirer comme il lui plaît.

Sa poitrine est marquée d’une tache au milieu ; sa peau est transparente & pleine de petits creux. Il sort de la partie inférieure autour de la poitrine, six jambes qui ont chacune cinq jointures, dont la peau semble de chagrin, excepté vers l’extrémité où elle paroît plus douce ; chaque jambe est terminée par deux ongles crochus, de longueur & de grandeur inégale ; il s’en sert comme nous usons du pouce & du doigt du milieu ; il y a des poils entre ces ongles & au-dessus de toutes les jambes.

Sur le derriere de la partie de la queue, on distingue quelques divisions en forme d’anneaux, beaucoup de poils, & des especes de marques qui imitent les rougeurs que laissent les coups de fouet. La peau du ventre paroît comme du chagrin, & vers l’extrémité inférieure, elle est pleine de petits creux ; à l’extrémité de la queue, il y a deux petites parties demi-circulaires, toutes couvertes de poils qui servent à cacher l’anus.

Lorsque le pou remue ses jambes, on distingue le mouvement des muscles qui se réunissent tous dans une tache noire, oblongue, qui est au milieu de sa poitrine ; il en est de même du mouvement des muscles à la tête, lorsqu’il remue ses cornes. Le mouvement des muscles est visible dans plusieurs articulations des jambes ; on peut voir de même les différentes ramifications des veines & des arteres qui sont blanches ; mais ce qu’il y a de plus surprenant, c’est le mouvement péristaltique des intestins, continué depuis l’estomac, le long des boyaux jusqu’à l’anus.

Si un pou bien affamé est placé sur le dos de la main, il enfonce dans la peau son instrument à sucer, & l’on voit passer le sang comme un torrent délié dans la partie antérieure de la tête ; de-là tombant dans une cavité ronde, il passe encore dans un autre récipient circulaire au milieu de la tête, d’où il vient à la poitrine par un vaisseau plus petit, & de-là à un boyau qui aboutit à la partie du derriere du corps, où par une courbe il retourne un peu en-haut. Dans la poitrine & le boyau, le sang se meut sans interruption avec une grande force, sur-tout dans le boyau, & cela avec une telle contraction du boyau, qu’on ne peut s’empêcher d’en être surpris.

Si l’on place un pou sur son dos, on y voit deux taches noirâtres de sang, la plus grande au milieu du corps, & la moindre vers la queue. Dans la plus grande tache, une vessie blanche se resserre & se dilate en-haut & en bas, depuis la tête vers la queue ; ce battement est suivi de celui de la tache noire de sang, sur laquelle la vessie blanche paroît attachée ; ce mouvement de systole & de diastole se voit mieux lorsque le pou s’affoiblit. La vessie blanche qui bat de la sorte paroît être le cœur, car si on la pique, le pou meurt à l’instant. Dans un grand pou, on peut voir le battement sur le dos, mais on ne sauroit voir la membrane blanche, sans lui tourner le ventre en-haut. Le docteur Harvey conjecture que la tache noire inférieure est l’amas des excrémens dans les boyaux.

Les poux ne sont pas hermaphrodites, comme on l’a imaginé par erreur, mais mâles & femelles. Leeuwenhoek a découvert que les mâles ont un aiguillon à leur queue, & que les femelles n’en ont point, & il croit que la douleur cuisante qu’ils produisent de tems-en-tems, vient de leur aiguillon, lorsqu’on les tourmente, en les pressant ou autrement ; car si on les prend rudement à la main, on les voit pousser en-dehors leur aiguillon. Il dit qu’il ressentit peu de douleur ou d’incommodité de leur instrument, à sucer ou à percer, quoiqu’il en eût sept ou huit tout-à-la-fois qui prenoient sur sa main leur nourriture. Les femelles font des œufs ou des lentes, d’où les jeunes poux sortent parfaits dans tous leurs membres, & il ne leur arrive plus d’autres changemens que l’agrandissement.

Le même Leeuwenhoek voulant savoir la proportion & le tems de leur agrandissement, plaça deux femelles dans un bas noir, & il trouva que l’une dans six jours avoit fait cinquante œufs ; mais en la disséquant, il en vit beaucoup plus dans l’ovaire ; d’où il conclut que dans douze jours, elle en auroit fait cent. Ces œufs éclos dans six jours, auroient probablement produit cinquante mâles & autant de femelles, & ces femelles ayant pris tout leur accroissement dans dix-huit jours, auroient fait chacune, douze jours après, comme on peut le supposer, encore cent œufs. Ces œufs, au-bout de six jours, tems requis pour les faire éclorre, auroient produit une jeune couvée de cinq mille de ses descendans. Cette multiplication doit faire trembler les gens pouilleux.

On peut disséquer un pou dans une petite goutte d’eau, sur un morceau de verre qui puisse s’appliquer au microscope ; mais sans eau, il est très-difficile d’en séparer les parties, mais lorsqu’on les a séparées, elles se rident & se sechent immédiatement après. Par le moyen de l’eau, on peut trouver dans l’ovaire d’une femelle cinq ou six œufs parfaits, & sur le point d’en sortir, avec d’autres de différentes grandeurs, mais beaucoup plus petits.

Dans le pou mâle, le penis est remarquable aussi bien que les testicules, dont il a une double paire. Ces animaux évitent la lumiere autant qu’il leur est possible, & souffrent le froid impatiemment. Lorsque les femelles sont grosses, elles paroissent plus blanches que les mâles, à cause de la multitude de leurs œufs.

La plûpart des insectes sont infectés de poux, qui prennent sur eux leur nourriture & qui les tourmentent. Une espece d’escarbot ou cerf volant, connu sous le nom d’escarbot pouilleux, est remarquable par le nombre des petits poux qui courent sur lui fort vîte, d’un endroit à l’autre, & qu’on ne peut pas secouer. Quelques autres escarbots ont aussi des poux mais de différentes especes.

Le perce-oreille est souvent tourmenté par des poux, sur-tout au-dessous de la tête ; ils sont blancs & brillans comme des mites, mais beaucoup plus petits : ils ont le dos rond, le ventre plat, & de longues jambes.

Les limaces de toute espece, sur-tout les grandes, qui n’ont point de coques, sont couvertes de plusieurs petits poux extremement agiles, qui vivent & se nourrissent sur elles.

On voit souvent autour des jambes des araignées, nombre de petits poux rouges qui ont une très-petite tête, & qui ressemblent à une tortue ; ils s’attachent fortement à l’araignée tant qu’elle vit, & la quittent dès qu’elle est morte.

On découvre souvent des poux blanchâtres qui courent fort vîte sur les grosses abeilles & sur les fourmis : on en découvre plusieurs sortes sur les poissons. Kircher dit qu’il a trouvé des poux sur les puces, du-moins il y a peu de créatures qui en soient exemptés ; les baleines en fourmillent d’une maniere incroyable.

On a trouvé trois sortes de poux sur le faucon, sur le gros pigeon, la tourterelle, la poule, l’étourneau, la grue, la poule d’eau, sur la pie, le héron, le petit héron, le cygne, le canard de Turquie, la mouette, & sur l’oie sauvage, de deux sortes ; sur la sarcelle, la crecerelle, le paon, le chapon, la corneille, l’étourneau blanc, & les hommes de deux sortes ; sur la chevre, le chameau, l’âne, le bélier d’Afrique, le tigre & le cerf, de deux sortes, &c. & toutes les deux sortes sont encore différentes dans chaque oiseau & animal. Le pou du lion est plus grand & d’un rouge plus éclatant que le pou du tigre. (D. J.)