L’Encyclopédie/1re édition/POUILLÉ

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POUILLÉ, s. m. (Jurisprud.) appellé dans la basse latinité polypticum, terme dérivé du grec πολύπτοχον, d’où l’on a fait par corruption politicum, poleticum, puleticum, puletum, signifie en général un registre où l’on écrivoit tous les actes publics & privés, mais particulierement un registre où l’on écrivoit les noms de tous les censitaires & redevables, avec une note de ce qu’ils avoient payé.

On a de même appellé pouillé les registres dans lesquels on écrivoit les actes concernant les églises & la description de leurs biens.

Mais, dans le dernier usage, on entend par ce terme un catalogue de bénéfices, dans lequel on marque le nom de l’église, celui du collateur & du patron, s’il y en a un, le revenu du bénéfice, & autres notions.

Il y a des pouillés généraux, & d’autres particuliers.

Le pouillé le plus général est celui des archevêchés & évêchés du monde chrétien, orbis christianus.

On appelle aussi pouillés généraux ceux qui comprennent tous les archevêchés & évêchés d’un royaume, ou autre état.

Le meilleur ouvrage que nous ayons pour la connoissance des églises de France, est le Gallia christiana de MM. de Sainte-Marthe, que l’on peut regarder comme un commencement de pouillé, mais néanmoins qui ne comprend pas toutes les notions qui doivent entrer dans un pouillé proprement dit.

On a fait divers pouillés généraux & particuliers de chaque diocèse.

En 1516, chaque diocèse nomma des commissaires pour l’estimation des revenus & la confection de son pouillé ; le clergé nomma des commissaires généraux pour dresser sur ces pouillés un département.

Il y eut un pouillé général, imprimé in-8°. vers l’an 1626, qui est devenu très-rare, mais qui ne peut être d’aucun usage tant il est rempli de fautes.

Celui qui parut in-4°. en 1648, est un peu plus exact, parce qu’il fut fait sur les registres du clergé, qui furent communiqués à l’auteur par ordre de l’assemblée de Mantes, tenue l’an 1641 ; il s’y est néanmoins glissé encore beaucoup de fautes ; il est d’ailleurs imparfait en ce qu’il n’y en a que huit volumes de faits, qui sont les archevêchés de Paris, Sens, Reims, Lyon, Bordeaux, Bourges, Tours & Rouen : les autres archevêchés ne sont pas faits.

Le clergé délibéra en 1726 que tous les bénéficiers & communautés donneroient des déclarations aux chambres diocésaines, qui en feroient des pouillés ; & que ces chambres enverroient ces pouillés à une assemblée générale, qui les reviseroit & feroit un département. L’exécution de cette délibération fut ordonnée par arrêt du conseil du 3 Mai 1727, & lettres-patentes du 15 Juin suivant.

Il a paru depuis quelques pouillés particuliers, tels que ceux des églises de Meaux & de Chartres, & un nouveau pouillé de Rouen en 1738.

Le clergé assemblé à Paris en 1740, renouvella le dessein de former un pouillé général sur le plan qui fut proposé à l’assemblée par M. l’abbé le Beuf, de l’académie des Inscriptions & Belles-Lettres. Ce même dessein fut confirmé par une autre délibération du clergé en 1745 ; & en conséquence des lettres circulaires, écrites par MM. les agens du clergé à MM. les archevêques & évêques du royaume, il a été envoyé à M. l’abbé le Beuf divers pouillés, tant imprimés que manuscrits, de différens diocèses pour en former un pouillé général auquel M. l’abbé le Beuf avoit commencé à travailler : mais n’ayant point reçu tous les pouillés de chaque diocèse, & ne s’étant même trouvé aucune province dont la collection fût complette, cet ouvrage est jusqu’à-présent demeuré imparfait, tous les matériaux étant encore entre les mains de M. l’abbé le Beuf.

Il y a divers pouillés particuliers des bénéfices qui sont de nomination royale, de ceux qui sont à la nomination des abbayes, prieurés, chapitres, dignités.

Le pere le Long, dans sa bibliotheque historique, a donné le catalogue de tous les pouillés, imprimés & manuscrits, qui sont connus.

Les pouillés ne sont pas des titres bien authentiques par eux-mêmes, & ne peuvent balancer des titres en bonne forme ; mais quand on ne rapporte pas des actes qui justifient positivement à la collation de qui sont les bénéfices, les pouillés ne laissent pas de former un préjugé. Cela fut posé pour maxime en diverses occasions par M. de Saint-Port, avocat général au grand-conseil. Voyez Brillon, au mot Pouillé. Sur les pouillés, voyez la nouvelle diplomatique, pag. 425. (A)