L’Encyclopédie/1re édition/PRÉTÉRITION

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PRÉTÉRITION, s. f. (Belles-Lettres.) figure de rhétorique, par laquelle on proteste qu’on passe sous silence, qu’on ignore, ou du-moins qu’on ne veut pas insister sur certaines choses qu’on ne laisse pas que de dire. Ce mot est dérivé du latin præterire, passer outre. On en trouve fréquemment des exemples dans Cicéron, comme, nihil de illius intemperantiâ loquor, nihil de singulari nequitiâ ac turpitudine, tantum de quæstu & lucro dicam, Verr. VI. n°. 106. Et dans l’oraison pour Sextius : Possem multa dicere de liberalitate, de ejus abstinentiâ, de cæteris virtutibus : sed mihi ante oculos obversatur reipublicæ dignitas, quæ me ad sese rapit, hæc minora relinquere hortatur.

Cette figure est très-propre à insinuer très-légerement dans un discours les choses sur lesquelles on ne doit pas appuyer, & à préparer l’auditeur à donner plus d’attention aux objets plus importans ; on l’appelle autrement prétermission. Voyez Prétermission.

Prétérition, (Jurisprud.) en matiere de testament est l’omission qui est faite par le testateur de quelqu’un qui a droit de légitime dans sa succession.

Chez les Romains, la prétérition des enfans faite par la mere passoit pour une exhérédation faite à dessein ; il en étoit de même du testament d’un soldat, lequel n’étoit pas assujetti à tant de formalités.

Mais la prétérition des fils de la part de tout autre testateur étoit regardée comme une injure, & suffisoit seule pour annuller de plein droit le testament.

Parmi nous, suivant l’ordonnance du testament dans les pays où l’institution d’héritier est nécessaire pour la validité du testament, ceux qui ont droit de légitime doivent être institués au-moins en ce que le testateur leur donnera.

Dans le nombre de ceux qui ont droit de légitime, l’ordonnance comprend tacitement les pere, mere, ayeuls & ayeules, lesquels ont droit de légitime dans la succession de leurs enfans & petits-enfans décédés sans postérité.

Il n’est pas permis de passer sous silence les enfans même qui ne seroient pas nés au tems du testament, s’ils sont nés ou conçus au tems de la mort du testateur.

Quelque modique que soit l’effet ou la somme pour lesquels ceux qui ont droit de légitime auront été institués héritiers, le vice de la prétérition ne peut être opposé contre le testament, encore que le testateur eût disposé de ses biens en faveur d’un étranger.

En cas de prétérition d’aucuns de ceux qui ont droit de légitimes, le testament doit être déclaré nul quant à l’institution d’héritier, sans même qu’elle puisse valoir comme fidéicommis ; & si elle a été chargée de substitution, cette substitution demeure pareillement nulle, le tout encore que le testament contînt la clause codicillaire, laquelle ne produit aucun effet à cet égard, sans préjudice néanmoins de l’exécution du testament en ce qui concerne le surplus des dispositions du testateur.

Ce qui vient d’être dit dans l’article précédent est aussi observé, même à l’égard des testamens faits entre enfans ou en tems de peste ; mais pour ce qui concerne les testamens militaires, l’ordonnance déclare que l’on n’entend rien innover à ce qui est porté par les lois romaines à cet égard. Voyez au code le tit. XLII. liv. VI. & l’ordonnance des testamens, articles 50. & suivans. (A)