L’Encyclopédie/1re édition/RECRÉMENT

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RECRÉMENT, s. m. dans l’économie animale, est le nom qu’on a donné à des sucs qui se séparent de la masse du sang par des couloirs qui les distribuent à différentes parties du corps pour des usages particuliers.

Il y a des recrémens qui sont destinés pour la génération & la nourriture des enfans dans le sein de la mere, & pour les alimens pendant un tems après leur naissance ; tels sont dans les animaux mâles la liqueur prolifique, & dans les femelles, le suc des ovaires, qui fournit la premiere nourriture au genre animal, lorsque l’œuf est fecondé par la semence, le suc nourricier qui est filtré par la matrice pour nourrir l’enfant dans le sein de la mere : enfin le lait qui est séparé dans les mamelles, pour l’alimenter après sa naissance.

Il y en a d’autres qui sont filtrés & déposés dans différentes parties du corps, pour l’usage de ces parties mêmes : ceux-ci peuvent être réduits à trois genres, savoir aux recrémens dissolvans, aux recrémens lubrifians, & aux recrémens humectans.

Les recrémens dissolvans sont les sucs bilieux dont nous avons parlé, lesquels fournissent la salive, le dissolvant de l’estomac, le suc pancréatique, la bile, & le suc dissolvant intestinal.

Les recrémens lubrifians sont les sucs muqueux qui servent à enduire les filtres, les conduits & les cavités par où passent & où séjournent les recrémens dissolvans, & les excrémens qui pourroient blesser ces parties par leur acrimonie ; ils servent aussi à couvrir la surface intérieure des cavités où l’air a accès, pour éviter que les sels dont l’air est chargé n’agissent sur ces parties, & pour éviter le desséchement auquel elles seroient opposées, si elles n’étoient continuellement & immédiatement touchées par l’air.

Les recrémens lubrifians different beaucoup entre eux, sur-tout par les différens degrés de consistance qu’ils doivent avoir selon l’acrimonie des sucs & l’impression de l’air, auxquelles ils s’opposent, & selon la nature, l’action & l’usage de différentes parties qu’ils enduisent & humectent. Ils paroissent même de différente nature ; les uns sont plus onctueux, les autres sont plus glaireux ; il en a qui ne sont pas entierement privés de sels comme les humeurs du nez ; d’autre à en juger par leur insipidité, paroissent en être entierement privés ; tels sont ces crachats que fournissent les poumons dans l’état de santé : ainsi il y a de la différence entre les huiles muqueuses qui fournissent ces différens recrémens.

Les recrémens lubrifians servent non-seulement à enduire les parties dont nous venons de parler, mais ils se mêlent aussi avec les recrémens dissolvans, & avec la semence, pour retenir & assujettir leurs parties actives ; de-là vient la consistance un peu épaisse de la semence, la ténacité de la bile, la consistance limonneuse de la salive, &c.

Les recrémens humectans sont formés d’une eau très-vaporeuse, légerement huileuse, qui relâche, humecte & lubrifie toutes les parties qui agissent & qui frottent les unes contre les autres ; tel est l’usage des larmes qui mouillent continuellement les yeux, de la sérosité qui humecte la plevre, la surface des poumons, le péritoine, la surface extérieure des intestins, les membranes des jointures, celles qui couvrent les muscles, &c. M. Quesnay, ess. phy.