L’Encyclopédie/1re édition/REFROIDISSEMENT

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REFROIDISSEMENT, (Physiq.) action par laquelle un corps devient froid, c’est-à-dire perd de sa chaleur, ou action par laquelle on refroidit ce même corps. On donne deux causes du refroidissement aux corps ; le froid & la densité des fluides où l’on plonge les corps chauds qu’on veut refroidir ; mais il y en a encore une troisieme qui contribue d’abord au même effet ; c’est l’agitation du corps chaud dans une liqueur froide : par cette agitation on fait que le corps s’applique continuellement contre un nouveau fluide froid ; ce qui produit un refroidissement très-prompt. Cette troisieme cause nous donne la raison physique de la méthode qu’on emploie pour durcir le fer : pour y parvenir quand le fer est bien rouge & sur le point de se fondre, on le plonge & on l’agite subitement dans de l’eau très-froide, de façon que cette agitation le refroidit & le durcit entierement dans un instant ; par-là les élémens du fer qui étoient fort relâchés & amollis par l’action du feu, se trouvent intimement réunis, condensés & comprimés les uns contre les autres par le froid subit qui leur est appliqué de tous côtés. Il en résulte qu’après ce refroidissement, toutes les parties du fer sont étroitement serrées entre elles, & deviennent très-dures, mais en même tems très fragiles. (D. J.)

Refroidissement, (Physiq. Chimie.) on entend par refroidissement, la diminution de la chaleur d’un corps, mais plus particulierement celle de la chaleur que l’atmosphere lui communique. Les habitans des pays chauds, toujours environnés d’une atmosphere brûlante, ont été les premiers à chercher les moyens de refroidir les corps, sur-tout les boissons dont ils font usage. Ces moyens que tous les voyageurs se sont plû à nous décrire, & qu’ils font remonter à la plus grande antiquité, se réduisent à exposer à l’air leur eau & leurs autres boissons dans des vaisseaux de terre poreux, qu’ils enveloppent quelquefois d’une pochette de toile, ou de quelque étoffe qu’on a soin d’imbiber d’eau de tems en tems. Cet usage est si étendu, qu’il y a des villes dont le principal commerce consiste dans ces sortes de vaisseaux, telle est la ville de Com en Perse, selon le témoignage de Chardin. Voyez le tome III. de ses voyages, édition de Paris 1723, in-12 pag. 45. celle de Cane en Egypte, au rapport de Paul Lucas, tome II. de ses voyages de l’édition de Rouen 1724, in-12. pag. 383, &c. Lorsqu’ils sont en voyage, ils portent leur eau dans des outres de cuir qu’ils pendent sous le ventre de leur cheval, où ils prétendent qu’elle se tient fraiche. Les grands seigneurs la font porter par un domestique dans un vaisseau d’étain enveloppé d’une pochette que le domestique a soin de mouiller de tems en tems. Ceux de ces voyageurs qui ont examiné la chose avec le plus d’attention, nous apprennent que ce refroidissement ne s’opere qu’en vertu d’une évaporation qui se fait au-travers des pores des vaisseaux de terre, ou de celle de l’eau de la pochette dont ils enveloppent le vaisseau qui contient leur eau.

Mais ce moyen n’est pas le seul ; ils se servent aussi de salpêtre, qu’ils font dissoudre dans l’eau dans laquelle ils plongent les vaisseaux qui contiennent les liqueurs qu’ils veulent faire rafraîchir. C’est de-là sans doute, que cet usage a passé en Europe, où l’on ne tarda pas à s’appercevoir que ce sel, ainsi que le sel marin, augmentoient le froid de la neige, ou de la glace pilée, au point de congeler les liqueurs qu’on plongeoit dans ce mélange.

Ce fait n’échappa pas aux Physiciens. Le célebre Boyle est cependant le premier que nous connoissions qui ait cherché à l’étendre, en appliquant les autres sels au refroidissement des liqueurs. On trouve dans son histoire du froid, publiée à Londres en 1665, le germe de toutes les expériences qu’on a faites depuis sur cette matiere ; ce qui nous engage à donner un précis de ses découvertes.

Après s’être assuré que dans les climats tempérés comme l’Angleterre, la neige ni la glace pilée ne suffisoient pas seules pour produire de la glace, & qu’on en obtient plus surement en mélant ensemble de la neige & du sel marin, il trouva que ce sel marin n’avoit pas seul cette propriété, il réussit à produire de la glace en substituant au sel marin du nitre, de l’alun, du vitriol, du sel ammoniac, & même du sucre. Il est vrai que de tous ces sels, le plus efficace est le sel marin.

Après ces expériences, Boyle essaya si les acides tirés des sels neutres par la distillation, n’auroient pas la même propriété ; il versa sur la neige de bon esprit de sel : Nous trouvâmes comme nous l’avions craint, dit-il, que quoique cet acide dissolvoit assez rapidement la neige sur laquelle il agit, sa fluidité empêcha que la neige ne pût le retenir assez longtems ; il se précipita au fond, & resta trop peu mélé avec elle, pour pouvoir glacer de l’eau qui étoit contenue dans une petite bouteille à essence. Le peu de succès de cette tentative lui fit imaginer un autre expédient ; il mit donc dans une bouteille de verre assez épaisse, de la neige sur laquelle il versa une certaine quantité d’esprit de sel affoibli, & il agita fortement la bouteille. Il n’eut pas de glace ; mais il remarqua que l’eau de l’atmosphere s’attachoit à la bouteille. Il crut que si cette tentative n’avoit pas mieux réussi que la premiere, ce n’étoit que parce qu’il avoit employé une bouteille trop épaisse. Il répéta donc son expérience avec une bouteille plus mince ; l’ayant long-tems secouée, il remarqua que l’humidité qui s’y attachoit s’y geloit, quoique foiblement. C’est en faisant ces expériences, qu’il commença à s’appercevoir que les sels fondoient toujours la glace ou la neige à laquelle on les méloit ; car il dit : je dois faire remarquer ici une fois pour toutes, que la glace ou la neige mélée avec les sels, quels qu’ils soient, se fond toujours.

L’huile de vitriol qu’il essaya ensuite, lui donna un froid plus considérable ; mais l’acide qui produisit le plus grand froid, fut l’esprit de nitre. Il soumit encore à ses expériences, l’esprit du vinaigre, & l’esprit acide du sucre ; ils produisirent l’un & l’autre une glace fort mince, & qui se fondit bien-tôt. L’esprit d’urine mélé à la neige, fit geler l’humidité qui adhéroit à la bouteille ; mais la glace avoit peu de consistance. L’esprit de sel ammoniac fait avec la chaux, agit beaucoup plus rapidement, & la glace qu’il produisit étoit beaucoup plus solide. Ayant versé en même tems sur de la neige de l’esprit d’urine & de l’huile de vitriol, ils produisoient de la glace, mais très lentement.

Il fit encore des expériences avec le sel gemme, du sublimé corrosif & du sel ammoniac sublimés ensemble ; du sucre raffiné & non raffiné, & elles lui réussirent également bien. Une forte dissolution de potasse versée sur de la neige, produisit un peu de glace ; une dissolution de sel de tartre fit le même effet, mais la glace étoit très-mince. Il versa sur de la neige qu’il avoit mise dans une bouteille une dissolution de plomb dans l’acide du vinaigre, l’humidité de l’air qui s’étoit attaché à la bouteille se gela. L’esprit de vin rectifié sur la chaux, versé sur de la neige produisit une glace beaucoup plus épaisse qu’aucun des mélanges précédens ; il glaca même l’urine. Dans une autre occasion, l’esprit de nitre mélé avec de la neige, produisit un si grand froid, que non-seulement la bouteille s’attacha au plancher sur lequel on l’avoit mise, mais encore du vinaigre distillé qu’on avoit versé dessus, s’y gela, & y forma une croûte de glace assez épaisse, sans perdre cependant son goût salin ; il glaça encore de l’esprit de sel foible à la vérité, plusieurs liqueurs salines qui formerent des crystallisations régulieres, & même de l’esprit volatil de sel ammoniac tiré avec la chaux ; il fit des crystaux entierement semblables à ceux du sel ammoniac ; mais ces crystaux se fondoient aussi rapidement qu’ils se formoient.

Voulant découvrir pourquoi ces mélanges produisoient un froid plus grand que celui que la neige seule étoit capable de produire, il mit dans une bouteille qu’il eut soin de bien boucher, de la neige seule, il remarqua qu’elle se liquefioit beaucoup plus lentement que celle à laquelle on avoit mélé des sels. Il s’assura même par d’autres expériences, que les sels qui n’accéléroient pas la fonte de la neige, ne produisoient point de glace, quoique l’humidité de l’atmosphere s’attachât aux bouteilles qui contenoient les mélanges ; ainsi les crystaux du tartre, ni le borax, ni même le sublimé corrosif, mélés avec la neige, ne glacerent pas les liqueurs qu’on exposa à leur action ; ils resterent long-tems sur la neige sans être dissous.

Cette observation le conduisit à examiner quel effet produiroient des corps capables de dissoudre la neige très-rapidement par leur chaleur ; il mit donc dans une bouteille qu’il avoit presque remplie de neige, une quantité assez considérable de sable bien chaud ; mais quoique la neige se fondît assez rapidement, il ne s’y forma point de glace : la bouteille se couvrit seulement d’humidité. Il répéta la même expérience avec de l’eau chaude qu’il versa sur la neige au moyen d’un entonnoir dont le tuyau étoit très petit, pour que l’eau ne se répandît pas sur le verre, le froid produit fut très-considérable ; il s’amassa beaucoup d’humidité sur la bouteille ; mais on ne put pas y appercevoir de glace. Comme on auroit pû soupçonner que l’humidité qui s’attachoit ainsi aux bouteilles dans lesquelles il faisoit ses expériences, venoit de la neige même fondue, il pesa avec beaucoup d’exactitude, une bouteille dans laquelle il mit un mélange d’esprit de vin & de neige ; le tout pesa trois onces six gros : lorsque l’humidité s’y fut attachée, elle pesa dix-huit grains de plus. Dans une autre expérience il trouva que cette augmentation alloit à vingt grains ; preuve évidente que cette humidité étoit fournie par l’air qui environnoit les bouteilles.

Après s’être assuré que les sels ne produisoient du froid que parce qu’ils dissolvoient la neige ou la glace, il étoit naturel de rechercher quelles étoient les liqueurs qui dissolvoient le plus rapidement la glace ; voici les expériences que M. Boyle fit à ce sujet.

Premiere expérience. 1°. Un cylindre de glace d’un pouce de long, mis dans de l’huile de vitriol, s’y fondit en cinq minutes.

2°. Un cylindre de glace de la même dimension, mis dans de l’esprit de vin dans lequel il plongea, s’y fondit en 12 minutes.

3°. Un autre se liquéfia en 12 minutes dans de l’eau-forte.

4°. Un autre en 12 minutes dans de l’eau pure.

5°. Un autre fut presque 44 minutes à se fondre dans de l’huile de térébenthine.

6°. Un sixieme fut 64 minutes à se fondre à l’air.

Seconde expérience. 1°. Un cylindre de glace semblable aux précédens, se fondit en trois minutes dans de l’huile de vitriol.

2°. En 13 minutes dans de l’esprit de vin.

3°. En 26 dans l’eau.

4°. En 47 dans l’huile de térébenthine.

5°. En 52 dans l’huile d’olives.

6°. En 152 dans l’air.

Peu de tems après avoir publié son histoire du froid, M. Boyle fit part à la societé royale de Londres d’une expérience qui fut inserée dans le n° XV. des Transactions philosophiques. Par cette expérience il prétend fournir un moyen de produire un froid considérable sans le secours de neige, de glace, de grêle, de vent & de nitre, & cela dans toutes les saisons de l’année. La voici : prenez une livre de sel armoniac en poudre, dissolvez le dans trois livres d’eau, l’y mettant en une seule fois si vous voulez produire un froid très-considérable, mais de peu de durée ; ou en deux ou trois reprises, si vous voulez avoir un froid moindre à la vérité, mais plus durable ; agitez le mélange avec un petit bâton, un morceau de baleine ou quelqu’autre chose que le sel ne puisse pas attaquer pour accélérer la dissolution, car c’est de la que dépend le succès de l’expérience. Lorsque le tems est bien disposé, le froid qu’on produit par ce moyen, va quelquefois au-dessous du terme de la glace. M. Boyle est même parvenu à produire de la glace en un tems très-court. Le 27 Mars, dit-il, mon thermometre qui avoit 16 pouces de long, environ un huitieme de pouce de diametre, & dont la boule étoit de la grosseur d’une noix muscade, étant a pouces, je le plongeai dans l’eau, & l’ayant promené pour l’y en faire prendre la température, il descendit à pouces ; je mis alors du sel armoniac dans cette eau, au bout d’un quart d’heure le thermometre étoit descendu a  ; il y avoit près d’un demi quart d’heure que les vapeurs qui s’étoient attachées au vaisseau avoient commencé à se géler. Lorsque la vertu frigorifique fut arrivée à son plus haut période, je remarquai que de petite lames d’eau dont je couvrois le vaisseau, se glaçoient en un quart de minute pourvû qu’on agitât fortement le mélange ; trois quarts d’heure après qu’on eut mis le sel armoniac dans l’eau, le thermometre qu’on avoit retire quelque tems auparavant, mais qui cependant n’étoit encore remonté qu’au premier terme de la glace, descendit un pouce au dessous de ce terme ; deux heures & demie après qu’on eut commencé à dissoudre le sel armoniac, la liqueur du thermometre se soutenoit au milieu des deux termes de la glace, dont le premier étoit à 5 pouces, (lorsqu’elle étoit à cette hauteur, il commençoit ordinairement à géler en plein air) & le second à pouces : c’étoit le plus bas où les plus grands froids de l’hiver précédent avoient pu la faire descendre. Trois heures après le commencement de l’opération, la liqueur n’étoit encore remontée qu’au premier des termes de la glace dont je viens de parler ; après quoi elle commença de remonter très-lentement, &c.

Depuis Boyle, un grand nombre de physiciens se sont occupés du même objet ; nous allons rapporter le plus succinctement qu’il nous sera possible, les expériences qu’ils ont ajoutées à ses découvertes.

Messieurs de l’académie de Florence trouverent que le sel armoniac mêlé à la glace, produit un froid plus considérable que le nitre, & que l’huile de vitriol concentrée, versée sur du sel armoniac, produisoit une forte efferverscence qui étoit accompagnée d’un froid capable de produire la congelation d’une lame d’eau qui couvriroit le vase. Voyez les Essais de l’académie del Cimento. Boyle répéta depuis cette expérience avec le même succès, il remarqua en outre que l’huile de vitriol étendue, versée sur l’esprit volatil de sel armoniac fait avec l’alkali fixe, avoit fait descendre son thermometre d’un pouce.

M. Geoffroy, le médecin, lut en 1700. à l’académie royale des Sciences de Paris, des observations sur le froid ou le chaud qui accompagne certaines dissolutions. Il a mis dans un vase une pinte d’eau commune, il y a placé un thermometre de 18 pouces & l’y a laissé quelque tems pour qu’il prit le degré de la température de l’eau ; il y a jetté ensuite quatre onces de sel armoniac, la liqueur du thermometre est descendue de 2 pouces 9 lignes en moins d’un quart-d’heure. Il a fait cette expérience avec le salpêtre, le thermometre est descendu d’un pouce trois lignes ; avec le vitriol, il est descendu de près d’un pouce ; le sel marin l’a fait descendre de dix lignes seulement ; ce sel se dissout plus difficilement que les autres. Tous les sels alkali volatils ont refroidi l’eau commune par leur mélange plus ou moins, selon qu’ils étoient plus ou moins purifiés ; celui d’urine a paru le faire plus promptement qu’aucun autre.

Le sel armoniac mêlé avec le vinaigre distillé, le suc de limon, le verjus n’a fait aucune effervescence, il a beaucoup refroidi ces liqueurs. Une once de sel armoniac jettée sur quatre onces de vinaigre distille, a fait descendre la liqueur du thermometre de 2 pouces 3 lignes ; le même sel mêlé avec le suc de limon ou le verjus, l’a fait descendre de 2 pouces ; demi once de salpetre ayant été jettée dans trois onces de son esprit acide, il s’en est élevé quelques vapeurs, le thermometre est descendu de 4 lignes ; un semblable mélange de salpetre & d’esprit de vitriol a exhalé des vapeurs assez abondantes & a fait descendre le thermometre de 6 à 7 lignes ; demi once de sel armoniac dans trois onces d’esprit de nitre, fit descendre le thermometre de 2 pouces 5 lignes, il s’éleva quelques vapeurs ; trois onces d’huile de vitriol & demi-once de sel armoniac firent une violente effervescence, la matiere se gonfla considérablement, il en sortit beaucoup de vapeurs qui firent monter un thermometre suspendu au-dessus, tandis que celui qui plongeoit dedans descendit de 3 pouces 6 lignes. Une livre de sublimé corrosif, autant de sel armoniac pulvérisés séparément & mêlés ensemble, produisent en versant dessus trois chopines de vinaigre, un froid si considérable qu’on a peine à tenir le vaisseau où est le mélange.

Tous les sels alkalis volatils mêlés avec différens acides, firent des effervescences plus ou moins fortes selon le degré d’acidité des liqueurs & selon le degré de pureté de l’alkali. Ils firent tous descendre la liqueur du thermometre ; mais celui qui la fit descendre le plus bas, est le sel volatil d’urine. Une once de ce sel bien purifié, fit une violente effervescence avec quatre onces de vinaigre distillé, la matiere se gonfla avec bruit, & le thermometre descendit d’un pouce neuf lignes ; ce sel mêlé avec trois onces d’esprit de vitriol a fait effervescence, le thermometre est descendu de 2 pouces 4 lignes.

Enfin M. Geoffroy rapporte qu’ayant rempli d’eau froide un grand bassin dans lequel il plongea une cucurbite pleine d’eau, il jetta quatre ou cinq pellées de braise bien allumée dans l’eau du bassin ; la liqueur d’un thermometre qu’il avoit mis dans la cucurbite & qui en avoit pris la température descendit de 2 ou 3 lignes.

Le frere de cet habile chimiste ayant beaucoup travaillé sur les huiles essentielles, s’apperçut que leur dissolution dans l’esprit-de-vin étoit accompagnée d’un refroidissement sensible, ce qui l’engagea à faire un grand nombre d’expériences qu’il communiqua en 1727. à l’académie royale des Sciences, sous le titre d’observations sur le mélange de quelques huiles essentielles, avec l’esprit-de-vin. On y trouve qu’un mélange de deux onces d’esprit-de-vin & d’autant d’huile rectifiée de térébenthine, firent descendre un thermometre de la construction de M. Amontons, d’une ligne & demie ; dans un mélange d’une autre huile moins rectifiée à même poids, le thermometre descendit de 2 lignes à 2 lignes & demie ; un mélange semblable de térébenthine & d’esprit-de-vin, le fit descendre encore au-dessous ; une once de camphre & autant d’esprit-de-vin le firent descendre jusqu’à 4 lignes ; deux onces d’excellent baume de copahu, mêlées à deux onces d’esprit de-vin, firent descendre le thermometre à 3 lignes, cependant tout le baume ne fut pas dissous : l’huile essentielle de lavande fut dissoute sans produire aucun changement sur le thermometre ; l’huile de citron, toujours mêlée à parties égales d’esprit-de-vin, firent descendre la liqueur de 2 lignes ; l’huile d’anis figée, la fit baisser de 4 à 5 lignes ; cette même huile devenue fluide, fit descendre le thermometre de 5 lignes ; l’essence de limette qui se dissout difficilement, le fit descendre de 3 lignes ; l’huile essentielle de girofle se mêle parfaitement à l’esprit de vin, mais ne produit aucun changement sur le thermometre.

Farenheit, si connu par ses thermometres de mercure, découvrit en 1729, un moyen nouveau de produire un froid beaucoup plus grand que tous ceux qu’on avoit observés jusqu’alors dans la nature, puisqu’il fit descendre son thermometre à 40 degrés au-dessous de 0, c’est-à-dire 72 degrés au-dessous du terme de la glace. Ce moyen que Boërhaave nous a conservé dans sa chimie, part. I. traité du feu, pag. 87. de l’édition de Paris 1733. in-4°. consiste à verser sur de la glace pilée, de bon esprit de nitre ; lorsque le thermometre est descendu aussi bas qu’il peut descendre, on décante l’eau produite par la fonte de la glace opérée par l’acide nitreux, on y reverse de nouvel esprit de nitre, ce qu’on repete jusqu’à ce que le thermometre ne descende plus ; on produit un froid encore plus considérable si l’on a la précaution de refroidir l’esprit de nitre lui-même, en le tenant dans la glace sur laquelle on verse d’autre esprit de nitre. On est parvenu depuis peu en Russie de congeler le mercure par ce moyen, en faisant l’expérience dans un tems extrèmement froid.

Le fameux professeur Van-Muschenbroeck, qui nous a procuré une édition latine des expériences de Messieurs de l’académie de Florence, y a ajouté beaucoup d’expériences & d’observations qu’il a recueillies de divers auteurs, ou qu’il a tirées de son propre fonds ; parmi celles qu’il a apportées sur la production du froid, nous avons cru devoir recueillir les suivantes. Il a dissous dans l’eau de pluie du nitre, du borax, du sel marin, du sel armoniac, du vitriol verd ; du vitriol bleu, du verdet, de l’alun de roche, du tartre, de la crême de tartre, de l’alkali volatil, de la suie ; tous ces mélanges ont fait baisser le barometre plus ou moins quelquefois d’un demi degré seulement.

L’huile distillée de fenouil, mêlée à l’esprit de vin, ne paroît pas affecter le thermometre ; mais lorsqu’on fait le mélange dans le vuide de la machine pneumatique, elle le fait descendre de 2 degrés : l’huile de carvi le fait descendre de 3 degrés de plus dans le vuide qu’en plein air ; le froid que l’huile de térébenthine produit dans le vuide, est d’un degré plus considérable que celui qu’elle produit dans le plein ; l’huile de romarin ne fait descendre le thermometre que d’un degré & demi, & celle d’anis que d’un degré.

Le sel volatil d’urine, mêlé au vinaigre distillé, fit descendre la liqueur du thermometre de 44 à 33 degrés ; la craie qui produit de la chaleur en se dissolvant dans l’acide du vinaigre, fait descendre le thermometre d’un degré, si l’on fait l’expérience dans le vuide de la machine pneumatique.

M. Muschenbroeck a répété l’expérience de MM. de l’académie de Florence, il a versé de l’huile de vitriol sur du sel armoniac dans le plein & dans le vuide ; dans le plein, le thermometre exposé à la vapeur, est monté de 10 degrés, celui qui plongeoit dans le mélange est descendu de 12 : dans le vuide, le thermometre plongé dans la liqueur, est descendu de 21 degrés, celui qui étoit suspendu au-dessus, n’a d’abord éprouvé aucun changement ; mais lorsque l’autre a commencé à remonter, il est monté beaucoup plus vîte que lui, de sorte que lorsque le premier a été à 58 degrés, il étoit à 69 ; lorsqu’il a été à 68, il étoit monté à 70, où il s’est arrêté, l’autre ayant continué à remonter jusqu’à 74 degrés.

La perfection que M. de Reaumur venoit de donner aux thermometres, le mit en état de déterminer avec plus d’exactitude qu’on n’auroit pu faire jusqu’alors, le degré de froid que chaque sel étoit capable de produire en le mêlant avec la glace & la proportion dans laquelle il devoit y être mêlé pour produire le plus grand des froids qu’il est capable de faire naître. Voici le résultat de ses expériences, tel qu’il se trouve dans les mémoires de l’académie des Sciences pour l’année 1734.

Le borax n’a donné à la glace qu’un demi degré de froid au dessus de la congelation.

La chaux vive en a donné un & demi.

Le vitriol verd ou de Mars, deux ; le sel de Glauber n’en a pas donné davantage.

La soude & la cendre de bois neuf, en ont donné trois chacune.

Le nitre le plus rafiné, 3 .

Le sucre, 5.

Le sel de soude, 6 .

L’alkali fixe du tartre, celui de la soude & le sel de verre, 10 chacun.

Le sel marin, 15.

Le sel gemme, 17.

La potasse, 17 & demi ; & de moins bonne, 16.

De la glace pilée, & la moitié de son poids d’esprit de nitre ramené au degré de la congelation, ont fait baisser la liqueur dans le thermometre à 19 degrés au-dessous de la congelation.

De l’esprit de nitre & de la glace refroidis au point d’avoir 14 degrés de froid, ont produit un froid qui a fait descendre la liqueur du thermometre à 23 deg.

De la glace & de l’esprit de nitre refroidis à ce point, l’ont fait descendre à 25 degrés.

L’esprit de sel a produit trois quarts de degré de froid moins que l’esprit de nitre.

De l’esprit-de-vin auquel M. de Reaumur avoit fait prendre 19 degrés de froid, en environnant la bouteille dans laquelle il étoit, de glace réfroidie à ce point, versé sur de la glace réfroidie au même degré, a fait descendre le thermometre à 21 degrés.

Convaincu par ces expériences qu’avec de la glace & du sel refroidis, on pouvoit produire des degrés de froid plus grands que ceux qu’ils donnent, lorsqu’on les mêle ensemble, n’ayant chacun que le froid de la congelation ou un froid moindre, il mêla ensemble de la glace & du sel marin qui avoient chacun 14 degrés de froid & qui étoit très-sec, il ne se fit aucune fusion, aussi n’y eut-il pas de froid produit ; mais ayant versé sur la glace de l’eau chargée de sel marin & froide, de 8 à 9 degrés, la glace & le sel se fondirent, & sur le champ, le froid des matieres qui se fondoient augmenta de sorte que le thermometre descendit à 17 degrés, deux degrés & demi plus bas que le terme ordinaire du froid de la glace & du sel marin ; d’où il conclut qu’au moyen de cet expédient, on pourroit avec de la glace & du sel refroidis de plus en plus, produire des degrés de froid de plus grands en plus grands.

Afin de déterminer en général la proportion des sels à la glace pour produire le plus grand froid qu’ils sont capables de faire naître, M. de Réaumur fait remarquer, que le refroidissement ne se faisant qu’à l’occasion de la fonte de la glace, il falloit employer la quantité, soit de matiere solide, soit de liquide, nécessaire pour fondre la glace. Ainsi la proportion la plus efficace du mélange d’un sel avec la glace, seroit celle que l’eau peut tenir en dissolution, si le sel pouvoit être mêlé en parties infiniment petites avec la glace prodigieusement divisée ; mais comme cela n’est pas possible, il faut mettre un peu plus de sel que l’eau n’en peut dissoudre, afin qu’il touche une plus grande quantité de glace & qu’il en accélere mieux la dissolution.

M. de Réaumur termine son mémoire par cette observation : Une remarque que nous avons faite, dit-il, c’est que pour produire de nouveaux degrés de froid, il faut que de la glace fondue & de la matiere, soit solide, soit liquide qui a été employée, il se fasse un nouveau liquide. De-là naît une regle pour connoître les liqueurs, qui mêlées avec la glace, sont capables d’y produire du froid. Toutes les liqueurs huileuses qui ne peuvent pas se méler avec l’eau, seront employées sans succès. Aussi ai je éprouvé que des huiles grossieres, telles que l’huile de lin, ou des huiles plus subtiles, comme l’esprit & l’huile de térébenthine, sont jettées inutilement sur la glace ; elles la peuvent fondre, mais elles ne peuvent se mêler avec l’eau qui naît de la fusion, & par là elles sont incapables de produire de nouveaux degrés de froid.

M. Richmann dans un mémoire qu’on trouve dans le tom. I. des nouveaux mémoires de l’académie Impériale de Petersbourg, pour les années 1747 & 1748 dit avoir observé.

1°. Qu’un thermometre qu’on retire de l’eau & qu’on expose à l’air, lors même que sa température est supérieure ou égale à celle de l’eau dont on le retire, descend toujours.

2°. Qu’ensuite il remonte, jusqu’à ce qu’il soit parvenu au degré de la température de l’atmosphere.

3°. Que le tems qu’il emploie à descendre est moins long, que celui qu’il met à remonter.

4°. Que lorsque le thermometre qu’on a retiré de l’eau est parvenu au degré de la température de l’air, sa boule est seche.

5°. Mais qu’elle est humide, tant qu’il est au-dessous de ce degré, d’où il conclut.

6°. Que c’est à cette humidité seule, qu’il faut attribuer la descente du mercure dans le thermometre, puisque de quelque maniere que cette humidité soit produite, le thermometre descend, & qu’il indique la température de l’air dès qu’il est sec.

7°. Que cet abaissement du mercure est tantôt plus grand, & tantôt plus petit.

M. de Mairan a fait à-peu-près les mêmes observations. Il a vû en outre qu’on augmentoit le refroidissement, ou du moins qu’on accéleroit la descente de la liqueur du thermometre, en soufflant dessus ou en l’agitant en rond ; & il dit que l’expérience réussit toujours mieux dans un tems sec par le vent de nord, & lorsque le mercure est fort haut dans le barometre, qu’en un tems humide par un vent de sud lorsque le barometre est fort bas. Voyez Dissertation sur la glace, édition de 1749. in-12.

Ce phénomene a été pour nos deux physiciens une source de conjectures & d’hypothèses que nous ne croyons pas devoir rapporter, parce qu’elles sont suffisamment réfutées par les observations de M. Cullen, professeur en Médecine, dans l’université de Glasgow, qui a démontré le premier qu’il étoit dû à l’évaporation du liquide. Nous allons donner un sommaire du mémoire qu’il lut à ce sujet à la société d’Edimbourg le 1 Mai 1755.

Un de ses disciples ayant observé, que lorsqu’après avoir plongé un thermometre dans l’esprit-de-vin, on venoit à l’en retirer & à l’exposer à l’air, le mercure descendoit toujours de deux ou trois degrés, quoique cet esprit fût au degré de la température de l’atmosphere ou même au-dessous ; ce fait joint à ce qu’il avoit lû dans la Dissertation de M. de Mairan sur la glace, lui fit conjecturer que les fluides en évaporation pouvoient produire du froid, ce qui l’engagea à faire de nouvelles expériences pour vérifier cette conjecture.

Il commença par répeter les expériences qui avoient été faites avec l’esprit de vin, & il trouva quelque soin qu’il prît pour que son esprit de vin fût exactement à la même température que l’atmosphere, que le thermometre descendoit constamment de plusieurs degrés, toutes les fois qu’il l’en retiroit, & qu’il continuoit à descendre, tant que la boule étoit mouillée. Il observa encore, que si lorsque la boule commençoit à sécher & le mercure à remonter ; on la plongeoit de nouveau dans l’esprit-de-vin, & qu’on l’en retirât sur le champ, le mercure descendoit plus bas ; & qu’en répetant cette manœuvre, on pouvoit produire un froid très-sensible. Il observa en outre, qu’on augmentoit ce froid en agitant le thermometre dans l’air entre chaque nouvelle immersion, en soufflant sur la boule avec un soufflet, pendant qu’elle étoit mouillée d’esprit de vin, ou même en agitant l’air de toute autre maniere.

Mais ce qui confirme de plus en plus sa conjecture ; c’est que l’esprit de sel ammoniac retiré par la chaux, l’æther de Frœbenius, l’æther nitreux, la teinture volatile de soufre, l’esprit-de-vin, l’esprit de sel ammoniac, tiré avec l’alkali fixe, l’eau-de-vie, le vin, le vinaigre, l’eau, l’huile essentielle de térébenthine ; celle de menthe & celle de piment lui présenterent le même phénomene. Ces différentes liqueurs produisoient du froid, en s’évaporant de dessus la boule du thermometre, les unes plus, les autres moins, selon l’ordre où nous les avons rangées, de façon qu’il paroît que l’énergie avec laquelle ces différens fluides en évaporation produisent le froid, suit à-peu-près le rapport de leur volatilité.

Voici encore des faits qui concourent à démontrer cette théorie ; un thermometre suspendu dans le récipient d’une machine pneumatique, descend de deux ou trois degrés toutes les fois qu’on en pompe l’air. Mais lorsqu’il est resté quelque tems dans le vuide, il remonte jusqu’au degré de la température de l’atmosphere, & lorsqu’on laisse rentrer l’air extérieur, il remonte encore 2 ou 3 degrés au-dessus.

Si on place sous le récipient d’une machine pneumatique un vaisseau rempli d’esprit-de-vin dans lequel plonge un thermometre ; quand on pompe l’air, le thermometre descend de plusieurs degrés, mais beaucoup plus sensiblement lorsque l’air sort abondamment de l’esprit-de-vin : comme ce fluide fournit de l’air pendant long-tems, il faut un tems considérable pour que le thermometre remonte à la température de l’air extérieur. Si lorsqu’il est arrêté on le retire de l’esprit-de-vin, & qu’on le tienne suspendu dans le vuide, il descend très-rapidement huit ou neuf degrés au-dessous, beaucoup plus bas qu’il ne seroit descendu dans l’air, dans les mêmes circonstances. L’esprit de sel ammoniac fait avec la chaux & les deux æthers ont présenté les mêmes phénomenes lorsqu’on a fait les expériences dans le vuide ; il est même arrivé une fois, que M. Cullen ayant mis un vaisseau plein d’æther nitreux dans lequel plongeoit un thermometre, qui marquoit la température de 53 degrés dans un vaisseau plus grand qu’il remplit d’eau, ayant pompé l’air & ayant laissé les vaisseaux quelques minutes dans le vuide, il trouva la plus grande partie de l’eau glacée, & le vaisseau qui contenoit l’æther, environné d’une croute de glace dure & épaisse.

M. Baumé a répeté les expériences de M. Cullen, & il y a ajouté quelques nouvelles observations ; par exemple, il a ramené de l’æther au terme de la congelation en entourant de glace le vaisseau qui le contenoit ; il y a plongé à différentes reprises des thermometres qu’il avoit aussi eu la précaution de refroidir au même degré, ils sont descendus ; savoir, celui d’esprit de vin à 5 degrés, & celui de mercure à 7. Il a vû aussi que le mélange de l’æther & de l’eau produit de la chaleur, mais le mélange de l’æther & de la glace fait descendre le thermometre d’esprit-de-vin de 5 degrés, & celui de mercure de 6 degrés au-dessous de la congelation. Si à ce mélange on ajoute du sel ammoniac, les thermometres descendent à 14 degrés au-dessous de ce terme.

Tels sont les faits que les physiciens ont recueillis sur la production artificielle du froid ; on peut les réduire à quatre phénomenes principaux.

1°. Tous les liquides en évaporation sont capables de refroidir les corps de dessus lesquels ils s’évaporent.

2°. La solution des sels neutres dans l’eau est accompagnée d’un refroidissement d’autant plus considérable, que cette solution est plus prompte.

3°. Tout ce qui est capable de liquefier la glace & de se mêler à l’eau qui résulte de sa liquéfaction, augmente l’énergie de la propriété qu’elle a de refroidir les corps aux quels elle est appliquée.

4°. L’application de certains acides à quelques sels neutres, sur-tout au sel ammoniac & aux alkalis volatils, cause un froid sensible. (Article de M. Roux, Doct. en Médec.)

Réfroidissement, en terme de Maréchal ferrant ; c’est une morfondure légere. Voyez Morfondure.