L’Encyclopédie/1re édition/RESTITUTION

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RESTITUTION, s. f. (Physiq.) s’entend du rétablissement d’un corps élastique, qui, après avoir été dans un état forcé pendant quelque tems, se remet ensuite dans son état naturel ; plusieurs physiciens appellent l’action par laquelle il se rétablit, mouvement de restitution. Voyez Élasticité. (O)

Restitution d’une médaille, (Belles-lettres.) se dit de la médaille même restituée. On appellé médailles restituées, les médailles soit consulaires, soit impériales, sur lesquelles, outre le type & la légende qu’elles ont eu dans leur premiere fabrication, on voit le nom de l’empereur qui les a fait frapper une seconde fois suivi du mot abrégé REST. Telles sont la médaille de moyen bronze, où autour de la tête d’Auguste rayonnée, on lit DIVVS AVGVSTVS PATER ; & au revers est un globe avec un gouvernail, & pour légende IMP. T. VESP. AVG. REST. & cette médaille d’argent de la famille Rubria, qui représente d’un côté la tête de la Concorde voilée avec le mot abrégé DOS. c’est-à-dire, DOSsenus ; & au revers un quadrige, sur lequel est une Victoire qui tient une couronne, & au-dessous L. RVARI. & autour IMP. CÆS. TRAIAN. AVG. GER. DAC. PP. REST. Il y a d’autres médailles à qui on donne improprement le nom de restituées, quoiqu’elles ne portent pas le mot REST. qui semble en être le caractere distinct, telles sont les médailles frappées sous Gallien pour renouveller la mémoire de la conservation de plusieurs de ses prédécesseurs. Nous en parlerons plus bas.

Le P. Jobert fait commencer les restitutions à Claude & à Néron ; mais les médailles sur lesquels il s’est fondé sont fausses & de coin moderne ; M. le baron de la Bastie, de qui nous empruntons tout cet article, dit que c’est sous Titus qu’on a commencé à voir des médailles restituées, & on en connoît de frappées sous ce prince pour Auguste, Agrippa, Livie, Drusus, Tibere, Drusus fils de Tibere, Germanicus, Agrippine, Claude, Galba, Othon. Domitien & Trajan en firent autant ; & ce dernier non-seulement pour les empereurs qui l’avoient précédé, mais encore pour un très-grand nombre de familles romaines, dont il renouvella les médailles consulaires, telles que les familles Æmilia, Coecilia, Claudia, Horatia, Julia Junia, Martia Rubria, & plusieurs autres dont on a les médailles.

La plûpart des antiquaires croient que le mot REST. qui se lit sur toutes ces médailles, signifie seulement que Titus, Domitien, Nerva, Trajan, ont fait refaire des coins de la monnoie de leurs prédécesseurs, qu’ils ont fait frapper des médailles avec ces mêmes coins, & qu’ils ont permis qu’elles eussent cours dans le commerce, ainsi que leurs propres monnoies.

Le P. Hardouin s’est moqué de cette explication, prétendant que ce seroit à-peu-près la même chose, que si Louis XIV. avoit voulu faire battre monnoie au coin de Charlemagne, de Philipe-Auguste, ou de Henri IV. Il ajoute que le mot RESTituit, surtout sur les médailles restituées par Tite & ses successeurs, ne veut dire autre chose, sinon que ces derniers princes redonnoient au monde l’exemple des vertus qui brilloient dans leurs prédécesseurs, & dans les célébres personnages dont le nom se lit sur ces sortes de médailles. Mais cette explication n’est pas, à beaucoup près, aussi solide qu’elle paroît ingénieuse.

Car, comme le remarque M. le baron de la Bastie, sous prétexte d’appuyer un paradoxe, il n’est jamais permis aux antiquaires de faire une nouvelle langue, ni d’attribuer aux mots grecs ou latins qu’ils rencontrent sur les médailles, des significations que ces termes n’ont jamais eues. Or, outre que restituere aliquem n’a jamais voulu dire représenter quelqu’un, ou le rendre à l’état par l’image de ses vertus, c’est que ce verbe, dans la construction latine, régissant l’accusatif, ne tomberoit sur rien dans les médailles en question, où tous les noms des empereurs & des héros sont au nominatif, ou il faudra supposer que les Romains ignoroient leur langue pour faire des fautes si grossieres, ou il faudra suppléer des pronoms entiers, & par cette méthode on trouvera tout ce qu’on voudra sur les médailles. Enfin, est-il vraissemblable que Tite, les délices du genre humain, & Trajan, si cher aux Romains, aient voulu faire penser qu’ils retraçoient en leur personne & la dissimulation de Tibere, & la molesse d’Othon ? Les découvertes du P. Hardouin ne tiennent pas contre une critique si judicieuse. Il y a bien plus de probabilité dans le sentiment de M. Vaillant ; savoir, que Trajan, afin de se concilier les esprits du sénat & du peuple, voulut donner des marques de sa vénération pour ses prédécesseurs, & de sa bienveillance envers les premieres maisons de la république ; dans ce dessein, il fit restituer les monnoies des empereurs qui avoient regné avant lui, & celles sur lesquelles étoient gravés les noms des familles romaines.

Quant aux médailles restituées par Gallien, ce sont celles que cet empereur fit frapper pour renouveller la mémoire de la consécration de la plûpart de ses prédécesseurs, qu’on avoit mis au rang des dieux après leur mort. Ces médailles ont toutes la même légende au revers, CONSECRATIO ; & ces revers n’ont que deux types différens, un autel sur lequel il y a du feu, & un aigle avec les aîles déployées. Les empereurs dont Gallien a restitué la consécration, sont Auguste, Vespasien, Titus, Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin Pie, Marc-Aurele, Commode Severe & Alexandre Severe, pour chacun desquels il n’y a que deux médailles, à l’exception de Marc-Aurele, dont on en trouve trois différentes. Mais il ne s’est pas encore trouvé des médailles restituées par Gallien, avec les consécrations de Claude, de Lucius-Verus, de Pertinax, de Pescennius, de Caracalla, de Gordien, ni des impératrices qui avoient été mises au nombre des déesses. Remarque de M. le baron de la Bastie, sur la sixieme instruct. de la science des méd. du P. Jobert, tom. I.

Restitution, (Jurisprud.) signifie quelquefois l’action de rendre une chose à celui à qui elle appartient, comme la restitution des fruits que le possesseur de mauvaise foi est obligé de faire au véritable propriétaire. Restitution de deniers est lorsqu’on rend une somme que l’on a reçue pour prix d’une vente, cession ou autre acte.

Restitution signifie aussi quelquefois rétablissement, comme quand on dit restituer la mémoire d’un défunt en sa bonne fame & renommée.

Restitution en entier, ou rescision, est un bénéfice que les loix accordent à celui qui a été lésé dans quelque acte où il a été partie, pour le remettre au même état où il étoit avant cet acte, s’il y a juste cause de le faire.

L’usage de ce bénéfice nous vient des lois romaines ; mais parmi nous il est sujet à quelques regles particulieres.

La restitution s’accorde contre des arrêts & jugemens en dernier ressort soit par voie de requête civile, soit par voie de cassation. Voyez Cassation, Requête civile.

La restitution contre des actes a lieu quand l’acte n’est pas nul en lui-même, & néanmoins qu’il peut être annullé par quelque cause de restitution.

Quoique les lois aient reglé les cas dans lesquels la restitution doit être accordée, néanmoins en France elle peut être prononcée par le juge, si la partie qui se prétend lésée n’a obtenu des lettres de rescision, dont elle doit demander l’entérinement, lequel dépend toujours de la prudence du juge.

La restitution en entier a son effet non-seulement entre ceux qui ont passé l’acte, mais aussi contre les tiers-possesseurs.

Elle peut être demandée par l’héritier du chef du défunt.

Si c’est un fondé de procuration qui demande la restitution sous le nom de son commettant, il faut qu’il soit fondé de procuration spéciale.

Celui qui a ratifié un acte en majorité, n’est plus recevable à demander d’être restitué contre cet acte.

L’effet de la restitution est que les deux parties sont remises au même état qu’elles étoient avant l’acte, de maniere que celui qui est restitué, doit rendre ce qu’il a reçu.

Si la lésion ne portoit que sur une partie de l’acte, dont le surplus fût indépendant, la restitution ne devroit être accordée que contre la partie de l’acte où il y auroit lésion.

La restitution doit être demandée dans les dix ans de l’acte, & ce tems qui a couru du vivant de celui qui a passé l’acte, se compte à l’égard de son héritier ; mais si celui-ci étoit mineur, le reste de ce délai ne courroit que du jour de sa majorité.

Quoique l’on se porte plus facilement à relever les mineurs que les majeurs ; cependant la minorité n’est pas seule un moyen de restitution, il faut que le mineur soit lésé ; mais aussi on le releve de toutes sortes d’actes où il souffre la moindre lésion, soit qu’il s’agisse de prêts d’argent ou autres conventions, soit qu’il soit question de l’acceptation d’un legs ou d’une succession, ou que le mineur y ait renoncé ; on lui accorde même la restitution pour les profits dont il a été privé, & des demandes qu’il a formées, ou des consentemens qu’il a donnés à son préjudice dans des procès.

Si deux mineurs traitant ensemble, l’un se trouve lésé, il peut demander la restitution.

L’autorisation du tuteur n’empêche pas que le mineur n’obtienne la restitution ; on la lui accorde même contre ce qui a été fait par son tuteur, quand il y a lésion.

Si l’on a vendu un immeuble du mineur sans nécessité ou sans utilité évidente, ou que les formalités n’aient pas été observées, telles que l’estimation préalable, les affiches & publications, le mineur en peut être relevé quand il ne souffriroit d’autre lésion que celle d’être privé de ses fonds, qui est ce qu’on appelle la lésion d’affection.

Les moyens de restitution à l’égard des majeurs, sont la force, la crainte, le dol. Il faut pourtant qu’il y ait lésion ; mais la lésion seule ne suffit pas.

Néanmoins dans les partages des successions la lésion du tiers au quart suffit pour donner lieu à la restitution à cause de l’égalité qui doit regner entre cohéritiers.

Le vendeur peut aussi être restitué contre la vente d’un fonds, s’il y a lésion d’autre moitié du juste prix. Voyez au digeste les titres de in integt. restit. & celui de minoribus ; le titre quod metus causâ, celui de dolo, & les titres du code de temp. in integr. restitut. celui de reput. quæ f. in jud. in integr. restit. celui de his quæ vi metuve, &c. celui de rescind. vendit. Gregorius Tolosanus, Despeisses, l’auteur des lois civiles. Voyez aussi les mots Crainte, Dol, Contrat, Convention, Lettres de rescision, Majeur, Mineur, Partage, Rescision, Vente. (A)

Restitution, (Hist. mod.) c’est ainsi qu’on nomme à Rome l’usage où est le pape, de donner le chapeau de cardinal à un des plus proches parens du pape qui lui avoit conféré à lui-même le cardinalat.