L’Encyclopédie/1re édition/RHODE

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RHODE, (Géog. anc.) fleuve de la Sarmatie européenne, que Pline, liv. IV. ch. xij. met au voisinage de l’Axiaces. Le pere Hardouin croit que c’est le fleuve Agarot de Ptolomée ; mais il est plus vraissemblable que c’est le Sagaris d’Ovide, aujourd’hui le Sagre. (D. J.)

Rhodes, bois de, (Hist. nat. Botan. exot.) on trouve sous ce nom, chez les droguistes curieux, un bois jaunâtre pâle, qui devient roux avec le tems, qui est gros, dur, solide, tortueux, parsemé de nœuds, gras, résineux, & ayant une odeur de roses ; c’est par cette raison qu’on le nomme encore bois de rose, on l’appelle aussi bois de Cypre, parce qu’on pensoit qu’il venoit de l’île de Cypre ; mais on ne le reçoit aujourd’hui d’aucune de ces deux îles.

Anguillara, suivi par Mathiole, prétend que c’est le bois du cytise de Marantha, c’est à-dire du cytise appellé cytisa imanus, siliquâ falcatâ, C. B. mais ce qui s’oppose à cette conjecture, c’est qu’il n’a pas la moindre odeur de cytise.

Enfin comme le bois de Rhodes nous vient de la Jamaïque & des îles Antilles, nous sommes à-présent au fait de son origine & de sa connoissance ; ou plutôt nous recevons d’Amérique deux bois différens sous la même dénomination de bois de Rhodes.

Le fameux chevalier Hans-Sloane a décrit très exactement le bois de Rhodes de la Jamaïque. Il le nomme lauro affinis, terebenthi folio alato, ligno odorato, candido flore albo, catal. plant. jamaic.

Le tronc de cet arbre est de la grosseur de la cuisse, couvert d’une écorce brune, tantôt plus claire, tantôt plus obscure, garni quelquefois de plusieurs épines courtes ; il s’éleve à la hauteur de vingt piés, & est chargé de rameaux vers la terre. Le bois de ce tronc est blanc en-dedans, solide, d’une odeur très agréable & pénétrante, & il a beaucoup de moëlle.

Les feuilles qui naissent sur les rameaux sont aîlées, composées de trois, de quatre, ou de cinq paires de petites feuilles, écartées les unes des autres d’un demi-pouce, & rangées sur une côte terminées par une paire de mêmes petites feuilles ; chaque petite feuille est lisse, d’un verd obscur, arrondie, longue d’environ un pouce, & de trois quarts de pouce dans la partie la plus large.

Les fleurs naissent à l’extrémité des rameaux ; elles sont blanches, par bouquets, semblables à celles du sureau, composées de trois pétales épais, & de quelques étamines placées dans le centre ; chacune de ces fleurs donne un fruit de la grosseur d’un grain de poivre, dont la peau est mince, seche, & brune ; ce fruit s’ouvre en deux parties, & renferme une graine ronde, noire, dont l’odeur approche de celle des baies de laurier : on trouve cet arbre dans les forêts remplies de cailloux, & dans celles qui sont sur les montagnes de la Jamaïque.

Les pere Dutertre & M. de Rochefort, ont décrit l’un & l’autre sur les lieux le bois de rhodes des îles Antilles. Cet arbre s’eleve fort haut & fort droit ; ses feuilles longues comme celles du châtaignier ou du noyer, sont blanchâtres, souples, molles, & velues d’un côté. Ses fleurs qui sont aussi blanches, & d’une odeur agréable, croissent par bouquets, & sont suivies d’une petite graine noirâtre & lisse ; le bois au-dedans est de couleur de feuille morte, & différemment marbré, selon la différence des territoires où l’arbre a pris naissance. Ce bois reçoit un poli admirable, & l’odeur qu’il exhale quand on le met en œuvre ou qu’on le manie, est douce & agréable.

On emploie ce bois de Rhodes des Antilles dans les ouvrages de marqueterie, de tour, & à faire des chapelets. Réduit en poudre, on le mêle parmi les pastilles ; les barbiers en parfumoient autrefois l’eau dont ils faisoient la barbe, & la Médecine même le faisoit entrer dans des remedes.

Les Hollandois en tirent par la distillation une huile blanche, pénétrante, & fort odorante, que l’on vend sous le nom d’oleum rhodium, & que l’on emploie souvent dans ces baumes que l’on nomme apoplectiques, céphaliques, & qui ne sont autre chose que des baumes échauffans. Les parfumeurs se servent aussi de cette huile de rhodes. Cette huile nouvelle est assez semblable à l’huile d’olive ; mais avec le tems elle s’épaissit & devient d’un rouge obscur comme de l’huile de cade : on tire aussi du bois de Rhode par la cornue, un esprit rouge, & une huile noire & puante, qui n’est d’aucun usage. (D. J.)

Rhodes, marbre de, (Hist. nat. Litholog.) c’étoit un marbre blanc, d’une grande beauté, dont les Romains se servoient dans leurs édifices, mais il étoit inférieur à celui de Paros ; son nom lui venoit de l’île de Rhodes.

Rhodes, (Géogr. anc. & mod.) île d’Asie, sur la côte méridionale de l’Anatolie, & de la province d’Aïden-Elli, dont elle n’est séparée que par un canal de huit à dix lieues de large. Cette partie de la mer Méditerranée s’appelloit autrefois la mer Carpathienne, & se nomme aujourd’hui la mer de Scarpanto.

L’île de Rhodes peut avoir environ 130 milles de tour. Elle a changé plusieurs fois de nom, suivant les différentes colonies qui s’y sont établies. Pline dit qu’elle a été appellée Ophieuse, Astérie, Oethrée, Trinacrie, Corymbie, Atabaris, & Oleoessa. Ses trois principales villes étoient d’abord Lynde au sud-est de l’île, Camire à l’occident, & Jalise au septentrion ; mais la ville de Rhodes, bâtie à l’orient du tems de la guerre du Péloponnèse, devint bien-tôt la capitale de toute l’île.

On met au nombre de ses premiers rois Tléptoleme, Doricus, Damagete. Mausole, roi de Carie, s’en empara par la ruse, & les Rhodiens, d’alliés qu’ils étoient de ce prince, devinrent ses sujets. Après sa mort ils voulurent rétablir la démocratie, & choisirent le tems qu’Artémise jettoit les fondemens du mausolée ; mais cette reine, habile & courageuse, surprit la flotte des Rhodiens, & porta chez eux le fer & le feu.

Rhodes tomba dans la suite sous la domination des Grecs & des Romains. Elle a été très-célebre par les beaux arts qui y ont fleuri, par sa marine, par son commerce, par l’équité de ses lois, & par sa puissance. Il faut voir comme Pindare en parle, & comme il étale ce que la Poésie a de plus riche & de plus sublime pour relever la gloire de cette île. « C’est sur elle, dit-il, que Jupiter versa une pluie d’or. Minerve l’enrichit du don des arts, quoique ses peuples eussent offensé la déesse, en lui offrant des sacrifices sans feu. Rhodes ne se montroit point encore au milieu des flots, lorsque les dieux se partagerent le monde. Apollon la demande pour sa part & l’obtient ; trois de ses fils y regnerent ; c’étoit là qu’étoit marqué comme à un dieu, le terme des malheurs de Tleptoleme dans la pompe des jeux & des sacrifices ».

La ville de Rhodes ayant effacé, par la commodité de son port, la splendeur des autres villes de l’île, devint de plus en plus florissante par les arts & par les sciences. Ses académies, & sur-tout celles de Sculpture, y attiroient toutes sortes d’étrangers, & il en sortoit tant de beaux morceaux, qu’on disoit que Minerve y faisoit son séjour. On comptoit dans cette ville jusqu’à trois mille statues de différentes grandeurs, toutes d’excellens artistes. Je ne parle point des peintures & des tableaux dont ses temples étoient remplis, chefs-d’œuvre de l’art, de la main des Parhasius, des Protogène, des Zeuxis, & des Apelles : Meurcius en a publié un traité. Pour ce qui regarde ce colosse surprenant, qu’on avoit consacré au soleil, la divinité tutélaire de l’île, on en trouvera l’article à part dans ce Dictionnaire.

Vers le déclin de l’empire des Grecs, l’ile de Rhodes eut le sort des autres îles de l’Archipel. Elle tomba sous la domination des Génois, des Sarasins, des chevaliers de S. Jean de Jérusalem qui s’en emparerent en 1310, & qui furent alors appellés chevaliers de Rhodes. Enfin Soliman la leur enleva en 1522, & depuis lors elle est restée sous la domination des Turcs, qui ont bâti deux tours pour défendre l’entrée du port ; mais ils laissent l’île inculte. Sa long. suivant Street, 45d. 56′. 15″. lat. 36. 46. & selon Greaves, 37. 50.

Cette île, dans son état florissant, n’a pas seulement produit d’excellens artistes, mais elle a été la patrie de grands capitaines, de poëtes, de philosophes, d’astronomes, & d’historiens illustres.

Timocréon de Rhodes, poëte de l’ancienne comédie, vivoit 474 ans avant Jesus-Christ ; ses écrits n’ont pas passé jusqu’à nous. Il nous reste de Simmias de Rhodes, poëte lyrique, qui florissoit 320 ans avant l’ere chrétienne, quelques fragmens imprimés avec les œuvres de Théocrite. Pitholéon, rhodien, n’étoit pas un poëte sans talens, quoiqu’il ait été tourné en ridicule par Horace, Sat. 10. liv. I. parce que dans ses épigrammes il mêloit ensemble du grec & du latin. Pitholéon est selon toute apparence, le même que M. Otacilius Pitholaüs, dont il est parlé dans Suétone & dans Macrobe. Il composa des vers satyriques contre Jules-César qui le souffrit, comme Suétone, ch. lxxv. nous l’apprend : Pitholai carminibus maledicentissimis laceratam existimationem suam, civili animo tulit. Macrobe rapporte un jeu de mots fort plaisant de ce Pitholaüs, & dont la grace ne peut se rendre en françois : le voici en latin. Cum Caninius Reblius uno tantùm die consul fuisset, dixit Pitholaus, autè flamines, nunc consules diales fiunt.

Je pourrois nommer Possidonius au nombre des philosophes de Rhodes, parce qu’il y passa sa vie ; mais Strabon son contemporain nous assure qu’il étoit originaire d’Apamée en Syrie. Apollonius, disciple de Panœtius, étoit aussi natif de Naucratis ; il fut surnommé le rhodien, parce qu’il séjourna longtems à Rhodes.

Pour Panœtius, on sait que Rhodes étoit la patrie de ce célebre philosophe stoïcien, & qu’il sortoit d’une famille très-distinguée par les armes & par les lettres, comme le marque Strabon. Scipion l’afriquain, second du nom, ainsi que Lelius, furent de ses disciples & de ses amis. Ce philosophe avoit écrit un traité de la patience dans les douleurs, & trois livres des devoirs de la vie civile, que Cicéron a suivi dans l’excellent ouvrage qu’il nous a laissé sur le même sujet. Horace, Od. 29. liv. I. fait un bel éloge de Panœtius. Il dit à Iccius :

Quùm tu coemptos undique nobiles
Libros Panœti, socraticam & domum,
Mutare loricis Iberis
Pollicitus meliora tendis ?

« Quand je vous vois, Iccius, changer pour les armes les charmans écrits de Panœtius, que vous aviez amassés de tous côtés avec tant de soins & de frais, & quitter l’école de Socrate pour celle de Mars ; étoit-ce donc là que devoient aboutir vos promesses & nos espérances » ?

Castor le rhodien, qui florissoit vers l’an 150 avant l’ere chrétienne, est au rang des chronologues célebres ; il avoit publié plusieurs ouvrages très estimés, sur l’ancienne histoire & sur l’ancienne chronologie grecque ; mais il avoit fait mention dans ses écrits d’un phénomene céleste, dont l’explication exercera long-tems nos astronomes. Il s’agit d’un changement singulier qui fut observé sous le regne d’Ogygès, dans la couleur, dans la grosseur, dans la figure, & dans le cours de la planete de Vénus. Le fragment de cette observation, tiré de Varron, le plus savant des romains de son tems, nous a été conservé par saint Augustin, de civitate Dei, liv. XXI. ch. viij. N. 2. en voici les termes. Est in Marci Varronis libris, quorum inscriptio de gente populi romani, Castor scribit in stella Veneris…… tantum portentum extitisse, ut mutaret colorem, magnitudinem, figuram, cursum : quod factum ità, neque anteà, neque posteà sit. Hoc factum Ogyge rege dicebant, Adrasius, Cyzicenus, & Dion neapolites mathematici nobiles. L’époque d’Ogygès est connue ; le déluge de son nom arriva l’an 1796 avant l’ere chrétienne.

Hevelius, astronome du siecle passé, propose, Cométographe, liv. VII. pag. 373, deux explications différentes qu’il paroît goûter davantage du phénomene rapporté par Castor. La premiere de regarder ces changemens observés dans la grosseur, la couleur, & la figure de Vénus, comme une simple apparence, produite par quelque réfraction extraordinaire de notre atmosphere, & semblable à ces halons ou couronnes que l’on apperçoit autour des astres. La seconde explication qu’Hevelius adopte, rapporte ce phénomene à un changement arrivé dans l’atmosphere même de Vénus. On peut objecter qu’aucune de ces explications ne rend raison de la plus singuliere circonstance du phénomene, c’est-à-dire, du changement observé dans le cours de la planete de Vénus. De plus, on demandera quelle raison a obligé cette planete de changer son cours, & de quitter son ancienne route pour en prendre une nouvelle.

M. Freret, dans les mém. de Littérat. tome X. in-4°. a imaginé un moyen ingénieux d’expliquer toutes les circonstances du phénomene observé par Castor ; c’est par l’apparition d’une comete, que l’on auroit confondu avec la planete de Vénus. Il ne s’agira plus que de prouver qu’il parut une comete du tems d’Ogygès ; car alors tout sera facile à comprendre. Une comete dont la tête se montra le soir & le matin auprès du soleil, quelques jours après que Vénus s’étoit plongée dans les rayons de cet astre, fut prise d’abord pour Vénus elle-même ; & cette comete ayant pris une chevelure ou une queue les jours suivans, on attribua ce changement de grosseur, de couleur, & de figure à la planete de Vénus. Le mouvement propre de la comete l’éloignant tous les jours de plus en plus du soleil, & lui faisant traverser le ciel par une route très-différente de celle de Vénus, on ne douta point que cette planete qui demeure quelquefois cachée dans les rayons du soleil pendant plusieurs jours, n’eût abandonné son ancien cours, pour en suivre un nouveau.

Un illustre philosophe péripatéticien, natif de l’île de Rhodes, est Andronicus. Il vint à Rome au tems de Pompée & de Cicéron, & y travailla puissamment à la gloire d’Aristote, dont il fit connoître les écrits dans cette capitale du monde. Il les tira de la confusion où ils étoient, & leur donna un ordre plus méthodique : c’est Plutarque qui nous l’apprend dans la vie de Sylla. On ne sauroit bien représenter le grand service que rendit alors Andronicus à la secte des Péripatéticiens : peut-être ne seroit-elle jamais devenue fort célebre, s’il n’eût pris un soin si particulier des œuvres du fondateur ?

Le plus fameux athlete du monde, Diagoras, naquit dans l’île de Rhodes ; il descendoit d’une fille d’Aristomene, le plus grand héros qui eût été parmi les Messéniens. On connoît l’ode que Pindare fit en l’honneur de Diagoras ; c’est la VIIe. des olympiques, & elle fut mise en lettres d’or dans le temple de Minerve. On voit par cette ode, que Diagoras avoit remporté deux fois la victoire aux jeux de Rhodes, quatre fois aux jeux Isthmiques, deux fois aux jeux Néméens ; & qu’il avoit été victorieux aux jeux d’Athènes, à ceux d’Argos, à ceux d’Arcadie, à ceux de Thèbes, à ceux de la Béotie, à ceux de l’île d’Ægine, à ceux de Pellene, & à ceux de Mégare. L’ode de Pindare fut faite sur la couronne du pugilat que remporta Diagoras aux jeux olympiques de la soixante-dix-neuvieme olympiade ; les éloges de Damagete, pere de Diagoras, de Tleptoleme, le fondateur des Rhodiens & la souche de la famille, ne sont pas oubliés ; en sorte qu’il en résulte que Diagoras descendoit de Jupiter.

Pausanias observe que la gloire que remporta Diagoras par ses victoires à tous les jeux publics de la Grece, devint encore plus remarquable par celle que ses fils, & les fils de ses filles y obtinrent. Il y mena lui-même une fois deux de ses fils qui y furent couronnés ; ils chargerent leur pere sur leurs épaules, & le porterent au-travers d’une multitude incroyable de spectateurs, qui leur jettoient des fleurs à pleines mains, & qui applaudissoient à sa gloire, & à sa bonne fortune.

Aulugelle ajoute, que ce pere fut transporté de tant de joie, qu’il en mourut sur la place : eosque, dit-il, en parlant de ses fils, vidit vincere, coronarique eodem olympiæ die : & cum ibi eum adolescentes amplexi, coronis suis in caput patris positis, suaviarentur ; cùmque populus gratulabundus, flores undique in eum jaceret ; ibi in sladio inspectante populo, in osculis atque in manibus flüorum, animam efflavit. Noct. Atticar. l. III. c. xv. Je voudrois bien que cette mort de Diagoras fût vraie ; mais j’ai le regret de voir que Pausanias ne confirme point ce fait singulier. Cicéron même me dit, qu’un lacédémonien aborda Diagoras dans ce moment, pour l’exhorter à ne point perdre une si belle occasion de finir sa carriere : « Mourez, Diagoras, lui dit-il en le saluant, car vous ne pouvez monter plus haut ». Voilà bien le discours d’un lacédémonien ; un athénien n’eût dit qu’une gentillesse plaisante ou ingénieuse.

Memnon, général d’armée de Darius, dernier roi de Perse, étoit aussi de l’île de Rhodes ; homme consommé dans le métier de la guerre, il donna à son maître les meilleurs conseils qui lui pouvoient être donnés dans la conjoncture de l’expédition d’Alexandre. S’il avoit encore vécu quelques années, la fortune de ce grand conquérant auroit été moins rapide ; & peut-être même que les choses eussent changé de face. Son dessein étoit de porter la guerre dans la Macédoine, pendant que les Macédoniens la faisoient au roi de Perse dans l’Asie. C’est ainsi que les Romains en userent, pour contraindre le redoutable Annibal d’abandonner l’Italie. Lors donc qu’on délibéra sur le parti qu’il falloit prendre contre le roi de Macédoine, qui ayant passé l’Hellespont, s’avançoit vers les provinces de Perse ; son avis fut qu’on ruinât les frontieres, & qu’on transportât une grande partie des troupes dans la Macédoine. Par ce moyen, dit-il, on établira dans l’Europe le théâtre de la guerre : l’Asie jouira de la paix, & l’ennemi faute de subsistance sera contraint de reculer, & de repasser en Europe pour secourir son royaume. C’étoit sans doute le plus sûr parti que les Perses pussent choisir, dit Diodore de Sicile, l. XVII. c. vij. Mais les autres généraux ne trouvant pas ce conseil digne de la grandeur de leur monarque, ils conclurent qu’il falloit livrer bataille, & la perdirent.

Cependant Memnon ayant été nommé généralissime, fit des préparatifs extraordinaires par mer & par terre ; il subjugua l’île de Chio & celle de Lesbos ; il menaça celle d’Eubée ; il noua des intelligences avec les Grecs ; il en corrompit plusieurs par ses présens ; en un mot, il se préparoit à tailler beaucoup de besogne aux ennemis de son roi dans leur propre pays, lorsqu’une maladie le vint saisir, & le tira de ce monde en peu de jours.

Il eut l’avantage de connoître par la conduite d’Alexandre à son égard, qu’il en étoit estimé ou redouté. Ce jeune prince voulant ou le rendre suspect aux Perses, ou l’attirer dans son parti, défendit séverement à ses troupes de commettre le moindre desordre dans les terres de Memnon ; mais le général de Darius fit l’action d’un honnête homme, & d’une belle ame, en châtiant un de ses soldats qui médisoit d’Alexandre. « Je ne t’ai pas pris à ma solde, lui dit-il en le frappant de sa javeline, pour parler mal de ce prince, mais pour combattre contre lui ». Voilà une belle maxime : elle n’étoit guere pratiquée du tems de François I. & de Louis XIV. & je ne sai si on la pratique mieux au tems présent.

Freinshemius observe qu’au siége d’Halicarnasse, Memnon s’opposa vigoureusement à quelques grecs fugitifs remplis de haine pour le nom macédonien, qui ne vouloient pas qu’on permît à Alexandre d’enterrer ses morts ; quoi qu’en le lui permettant, on se pût glorifier de la victoire. Memnon n’écouta point la passion de ces fugitifs ; il accorda la suspension d’armes, & les cadavres que demandoit le roi de Macédoine.

La veuve de Memnon fut la premiere femme qu’aima ce jeune prince après ses victoires. Elle s’appelloit Barsene, & étoit petite fille d’un roi de Perse : elle fut prise en même tems que la mere, la femme, & les filles de Darius. Elle savoit & parloit à ravir le grec ; sa douceur, son caractere, ses graces, & sa beauté, triompherent d’Alexandre. Il en eut un fils, combla la mere de biens, & maria très-avantageusement ses deux sœurs, l’une à Eumenes, & l’autre à Ptolomée : Alexandre étoit fait pour conquérir tout le monde.

On peut joindre à Memnon, Timosthène le rhodien ; il florissoit vers la cent vingt-sixieme olympiade, sous le regne de Ptolomée Philadelphe, qui le fit général de ses armées de mer. C’étoit de plus un homme curieux, & qui joignoit aux lumieres de sa profession, toutes celles de la Géographie. Il avoit écrit un livre intitulé les ports de mer, & un autre sous le titre de stadiasme, qui marquoit les distances des lieux dans une très-grande étendue de pays. Ces ouvrages n’existent plus ; mais on sait qu’Eratosthène & Pline en ont beaucoup profité.

Clitophon né à Rhodes, décrivit aussi la Géographie de plusieurs pays ; entre autres celle d’Italie & des Gaules ; ouvrages qui se sont perdus, & qui seroient pour nous fort intéressans. Il avoit aussi mis au jour la description des Indes, dont Plutarque & Stobée ont fait mention.

Diognete de Rhodes, rendit par son génie de si grands services à sa patrie, qu’il obligea Démétrius Poliorcetes d’en lever le siége la premiere année de la cent dix-neuvieme olympiade, & 304 ans avant Jesus-Christ. Les Rhodiens comblerent d’honneurs Diognete, & lui assignerent comme à leur libérateur une pension très-considérable.

Hipparque mathématicien, & grand astronome, étoit encore de Rhodes, selon Ptolomée, & florissoit sous les regnes de Philométor & d’Evergete rois d’Egypte, depuis la cent quarante-troisieme olympiade, jusqu’à la cent cinquante-troisieme, c’est-à-dire, depuis l’an 168 avant Jesus-Christ, jusques à l’an 129. Pline parle d’Hipparque avec de grands éloges. Il laissa plusieurs observations sur les astres, & un commentaire sur Aratus, que nous avons encore.

Antagoras, poëte de Rhodes, vivoit sous la cent vingt-sixieme olympiade ; Antigonus Gonatas, roi de Macédoine, le combla de faveurs, & se l’attacha par ses bienfaits. Il ne nous reste de ses ouvrages qu’une épigramme contre Crantor ; le tems nous a ravi son grand poëme, intitulé la Thébaïde.

Enfin Sosicrate, dont les écrits cités par les anciens, ont péri par l’outrage des tems, étoit aussi natif de Rhodes ; tout prouve en un mot, que cette ville a fourmillé d’hommes illustres en tout genre. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Rhodes colosse de, (Art statuaire anc.) ouvrage admirable de l’art, que l’on a placé au rang des merveilles du monde. Je ne puis rien faire de mieux pour en parler sciemment, que de transcrire ici la description de Pline, c. vij. p. 105. & d’y joindre le commentaire de M. le comte de Caylus, inséré dans les mémoires de Littérature, tome XXV. in-4°. Voici le texte de Pline.

« Le plus admirable de tous les colosses, est celui du soleil, que l’on voit à Rhodes, & qui fut l’ouvrage de Charès de Linde, éleve de Lysippe. Ce colosse avoit soixante-dix coudées (environ 105 piés) de hauteur. Un tremblement de terre le renversa après qu’il eut été cinquante-six ans en place ; & quoique renversé, c’est une chose prodigieuse à voir. Il y a très-peu d’hommes qui puissent embrasser son pouce ; ses doigts sont plus grands que la plûpart des statues ; ses membres épars paroissent de vastes cavernes, dans lesquelles on voit les pierres prodigieuses que l’on avoit placées dans l’intérieur du colosse, pour le rendre plus ferme dans sa position. Charès avoit été douze ans à le faire, & il coûta trois cens talens (un million quatre cens dix mille livres) que les Rhodiens avoient retirés de tous les équipages de guerre, que le roi Démétrius avoit laissés devant leur ville, ennuyé d’en continuer le siége ».

Solis colossus Rhodi. Rhodes étoit avec raison adonnée au culte du soleil : après avoir été inondée par un déluge, elle croyoit devoir le desséchement de si terre aux rayons du soleil.

Quem fecerat Chares, Lindius. Linde étoit une des principales villes de l’île de Rhodes ; elle fut la patrie de Charès, que quelques auteurs ont nommé Lachès. Meursius concilie cette différence, en disant que Charès étant mort avant que d’avoir acheve le colosse, Lachès l’acheva. Suivant Sextus Empiricus, Charès s’étoit trompé, & n’avoit demandé que la moitié de la somme nécessaire ; & quand l’argent qu’il avoit reçu se trouva employé au milieu de l’ouvrage, il s’étoit donné la mort.

Septuaginta cubitorum altitudinis fuit. La plûpart des auteurs donnent avec Pline, soixante-dix coudées de hauteur à ce colosse ; quelques autres lui ont donné jusqu’à quatre-vingt coudées ; Hygin veut qu’il n’ait eû que quatre-vingt-dix piés. Nous avons, dit M. de Caylus, un moyen bien simple de vérifier ce calcul, par la mesure d’une partie qui nous est indiquée par le texte ; ce moyen est toujours plus certain que les chiffres, dont l’incorrection n’est que trop connue dans les manuscrits : de plus, l’exemple de Pythagore, pour retrouver les proportions d’Hercule, est si bon, qu’on ne sauroit trop le suivre.

Les proportions des figures sont variées selon les âges & les occupations de l’homme : la seule comparaison d’un Hercule à un Apollon, suffira pour convaincre de cette variété. Ainsi l’on conviendra sans peine, que les membres d’un homme de trente-cinq à quarante ans qui a fatigué, different en grosseur de ceux d’un jeune homme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, délicat & reposé. On pourroit donc s’égarer dans les différentes proportions, ou du moins laisser du soupçon sur la précision du calcul qu’on va présenter ; mais on marche ici avec sûreté.

Nous savons que ce colosse représentoit le soleil, & nous connoissons les Grecs pour avoir été fort exacts à conserver les proportions convenables aux âges & aux états ; nous voyons qu’ils les ont toujours tirées du plus beau choix de la nature. Ce sera donc sur l’Apollon du Vatican, une des plus belles figures de l’antiquité, qu’on va comparer toutes les mesures données par la grosseur du pouce. Pline nous en parle comme pouvant à peine être embrassé par un homme : ce qu’il ajoute immédiatement après, que ses doigts sont plus grands que la plûpart des statues, prouve qu’il entend le pouce de la main, dont les doigts plus alongés ont plus de rapport à l’idée générale des statues. C’est donc sur le pouce de la main qu’il faut établir toutes les mesures.

Le pouce a deux diametres principaux & différens entre eux : l’Apollon ayant sept têtes, trois parties, neuf minutes, & de notre pié de roi six piés cinq pouces ; il résulte que le plus petit de ces deux diametres nous donne quatre-vingt dix-sept piés cinq pouces |7, & le plus grand, cent douze piés dix pouces.

Nous voyons par-là que Pline nous a conservé la mesure du plus grand diametre, & que son calcul de cent cinq piés ou environ est juste, d’autant que s’il y avoit peu d’hommes qui pussent embrasser ce pouce, il y en a peu aussi de la grandeur de l’Apollon, qui sert ici de regle, pour donner des mesures dont on ne présente ici que le résultat, sans même vouloir entrer dans le détail du pié romain, que l’on sait être d’un peu plus d’un pouce plus court que le nôtre.

Post 56. annum terræ motu prostratum ; c’est le sentiment commun. Scaliger prétend prouver, contre Pline, par un calcul chronologique, qu’il faut compter 66 ans. Ce qu’il y a de plus certain, c’est que le tremblement de terre qui le renversa est arrivé dans la 139e. olympiade, selon la chronique d’Eusebe ; celle d’Alexandrie le place cependant dans la 138.

Sed jacens quoque miraculo est. Selon Strabon, il s’étoit rompu vers les genoux. Eustathe a fait mention de cette circonstance, & quelques auteurs modernes l’ont copié. Lucien dans son histoire fabuleuse, qu’il appelle véritable, suppose des hommes grands comme la moitié supérieure du colosse. Cette moitié étoit donc à terre ; il étoit donc aisé de la mesurer aussi bien que le pouce qu’on ne pouvoit embrasser. Delà il est naturel de conclure, que si ce colosse avoit été placé à l’entrée du port & les jambes écartées, cette moitié rompue seroit tombée dans la mer.

Spectantur intùs magnæ molis saxa. Philon & Plutarque disent la même chose ; ce dernier en fait une belle application aux princes qui ressemblent au colosse, spécieux par le dehors, plein de terre, de pierre, & de plomb au-dedans.

Duodecim annis effectum 300 talentis, quæ contulerant ex apparatu regis Demetrii. Tout le monde est d’accord sur ces trois articles ; on differe sur le tems où l’on commença à y travailler : la plus commune opinion est, qu’il fut fini l’an 278 avant J. C. après 12 ans de travail, & qu’il fut renversé 56 ans après, l’an 222.

M. de Caylus examine ici ce qu’il a pu rassembler sur la vérité & l’erreur de cette position. Par ce qui a été dit à l’occasion de la chûte du colosse, on voit qu’il n’étoit point placé sur la mer, & que les jambes écartées qu’on lui donne, sont une suite de l’opinion qu’il étoit placé à l’entrée du port. Plutarque, dans l’endroit cité plus haut, dit que les plus mauvais sculpteurs, pour en imposer davantage, représentoient les colosses avec les jambes les plus écartées qu’ils pouvoient ; argument indirect contre l’écartement des jambes de celui de Rhodes, dont assurément il faisoit autant d’estime que les anciens Grecs. La traduction du prétendu manuscrit grec sur le colosse de Rhodes, cité par M. du Choul, fait poser le colosse sur une base triangulaire, sans doute par rapport à la figure de l’île, que Pline, à cause de cette prétendue figure, appelle Trinacria, dans la liste de ses autres noms.

Quoique ce prétendu manuscrit grec ne mérite guere de croyance, parce qu’il ajoute aux narrations connues, mettant une épée & une lance dans les mains du colosse, avec un miroir pendu à son cou, (outre d’autres circonstances fabuleuses) ; cependant cette base triangulaire pour les deux piés du colosse, est digne de remarque.

Colomiés, qui cite cette traduction comme un fragment de Philon, ne prend pas garde qu’elle finit par l’enlevement des débris, ce qui démontre que si l’auteur a existé, ce ne peut être qu’à la fin du vij. siecle. Philon de Byzance écrivoit à-peu-près du tems que le colosse étoit encore sur pié, puisqu’il ne parle point de sa chûte ; on le croit un peu postérieur à Archimede. On ne sait si c’est lui dont parle Vitruve, ou celui dont l’ouvrage grec a été imprimé au Louvre ; car il y a un très-grand nombre de Philons, poëtes, historiens & mathématiciens, &c. Celui qui nous a laissé un petit traité sur les sept merveilles, ne parle que d’une base, & la dit de marbre blanc ; la grande idée qu’il en donne, convient au monument qu’elle portoit ; mais ce qui nous importe, c’est qu’il ne fait mention que d’une, & dans la supposition moderne, il en auroit fallu deux pour laisser le passage aux vaisseaux.

Il est assez étonnant que dans ces derniers tems on ait imaginé le colosse placé à l’entrée du port, avec les jambes écartées ; on ne le trouve décrit dans cette position dans aucun auteur, ni représenté dans aucun monument ancien : ce ne peut être que quelque vieille peinture sur verre, ou quelque dessein d’imagination, qui ait été la premiere source de cette erreur. Vigenere est peut-être le premier qui se soit avisé de l’écrire : il a été suivi de Bergier de Chevreau, qui, tout homme de lettres qu’il est, ajoute pourtant que ce colosse tenoit un fanal à la main ; de M. Rollin, & de la plûpart de nos dictionnaires, &c. Daper ne dit pas un mot de cette position. De quelque façon que ce colosse ait été placé, voici les réflexions de M. le comte de Caylus sur les moyens dont il a pu être exécuté.

J’avois toujours imaginé, dit-il, que des corps d’une étendue pareille à ces colosses, ne pouvoient être jettés d’un seul jet. Tout a des bornes dans la nature, & la chaleur ne peut se conserver à une aussi grande distance du fourneau dont elle part, pour porter la matiere à un degré convenable de chaleur, à des parties aussi éloignées : il ne faut pas douter que les anciens qui ont apporté une si grande sagacité dans la pratique, n’aient connu le moyen de réunir la fonte chaude à la froide, ainsi qu’on l’a vu pratiquer par Varin ; ce fut ainsi qu’il répara la statue équestre du roi, exécutée par Lemoine pour la ville de Bordeaux. Toute la moitié supérieure du cheval avoit manqué horisontalement à la premiere fonte, & elle fut réparée à la seconde.

Sans entrer dans le détail d’une opération, qui ne convient point ici, il est possible que ce moyen, qui ôtoit l’apparence de toutes les soudures & de toutes les liaisons, ait été pratiqué anciennement. A la vérité cette pratique ne peut avoir été suivie que pour les figures plus petites, & plus sous l’œil que celle dont il s’agit ; il est d’autant plus probable que les anciens ont connu les pratiques les plus délicates & les mieux entendues de cet art, qu’on a vu plus d’un bronze antique si bien jetté, qu’il n’avoit jamais eu besoin d’être réparé ; Bouchardon confirme cette opinion.

Quoi qu’il en soit, on n’avoit certainement pas employé pour le colosse de Rhodes des recherches & des soins, que sa prodigieuse étenduë rendoit inutiles. Il est donc à présumer qu’il a été jetté en tonnes, c’est-à-dire, par parties qui se raccordoient, & se plaçoient les unes sur les autres. Pline ne le dit pas, mais il en fournit une preuve convaincante, en parlant du colosse renversé ; il compare le creux des membres épars à de vastes cavernes, dans lesquelles on voyoit des pierres prodigieuses, &c. Il est constant que ces pierres n’ont pu être placées qu’après coup ; donc les morceaux de la fonte ont été rapportés, & rejoints en place ; car ces pierres nécessaires à la solidité du colosse, placées & élevées dans l’intérieur, à mesure qu’il se formoit, ont suivi les parties quand elles ont été renversées ; d’ailleurs ce plomb dont parle Plutarque dans l’endroit cité plus haut, ne peut être que la soudure nécessaire à la réunion des parties.

Pour suivre la destinée du colosse, depuis ce que Pline nous en a conservé, on convient à-peu-près du tems où les Arabes en enleverent les débris après avoir pris Rhodes. Ce fut Mabias (Moavias) leur général qui fit cette expédition, l’année du califat d’Othman, quatrieme calife, & la seconde de l’empereur Constans, l’an de J. C. 672. ce qui fait près de neuf cens ans, depuis que le tremblement de terre l’avoit renversé ; ceux qui comptent mil trois cens & tant, se trompent grossierement. Tous les auteurs conviennent qu’il fallut neuf cens chameaux pour transporter ces débris. Scaliger estime la charge d’un chameau à huit cens livres ; le poids du tout se montoit à sept cens vingt mille livres.

On vient de prouver que le colosse n’étoit point placé sur le port, les jambes écartées, & que cette erreur ne peut être imputée qu’aux modernes ; mais d’autres anciens en assez grand nombre, sont tombés dans une autre. Ils ont cru que les Rhodiens depuis l’érection du colosse, avoient été appellés colossiens ; c’est ce que disent Cédrenus, Glycas, Maléla, Eustate, Suidas, suivis de quelques modernes, Marius Niger, Porcacci, Pinedo, Daper même, qui nous a donné une assez bonne description de Rhodes, où, entr’autres choses, il remarque que le colosse avoit été placé dans l’ancienne ville de Rhodes, de même que les autres colosses dont Pline fait mention, & non pas dans le port de la nouvelle ville, qui a été bâtie longtems après. Au reste, Erasme est le premier qui ait réfute les Colossiens de Rhodes ; il fait voir qu’on les a ridiculement confondus (ce qu’avoit fait Pline) avec les Colossiens à qui saint Paul écrit.

Après avoir rapporté des erreurs sur le fait, il y en auroit bien d’autres à remarquer. Festus dit : Colossus à caleto à quo formatus est, dictus. Caletus est manifestement la corruption de Charès. Sur quoi l’on pourroit observer que le P. Hardouin, pour confirmer la leçon de Charès, rapporte ailleurs le nom du même Charès, quoique ce soit celui d’un général athenien. Un autre auteur appelle l’artiste Colossus, donnant à l’ouvrage le nom de l’artiste.

Cassiodore dit, que sous le septieme consulat de Vespasien, fut élevé le colosse de cent sept piés. Brodeau a copié cette erreur, & l’a même approuvée, en ajoutant le mot de Rhodus. Vespasiani principatu, dit-il, factus est Rhodi colossus habens altitudine pedes 107.

Cassidore & Brodeau ont confondu grossierement avec le colosse de Rhodes, le colosse de Néron, fait par Zénodore, sur lequel Vespasien substitua la tête du Soleil à celle de Néron ; ainsi que Commode substitua ensuite la sienne à celle du Soleil. (D. J.)