L’Encyclopédie/1re édition/SACRE

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SACRE, s. m. (Hist. mod.) cérémonie religieuse qui se pratique à l’égard de quelques souverains, surtout des catholiques, & qui répond à celle que dans d’autres pays on appelle couronnement ou inauguration.

Cette cérémonie en elle-même est très-ancienne. On voit dans les livres saints dès l’établissement de la monarchie des Hébreux, que les rois étoient sacrés. Saül & David le furent par Samuël, & les rois de Juda conserverent cette pratique d’être consacrés ou par des prophetes ou par le grand-prêtre. Il paroît aussi par l’Ecriture, que la cérémonie de cette consécration s’étoit conservée dans le royaume d’Israël malgré le schisme, puisque Jéhu fut sacré par un des enfans, c’est-à-dire des disciples des prophetes.

Sous la loi nouvelle, les princes chrétiens ont imité cet exemple pour marquer sans doute par cette cérémonie que leur puissance vient de Dieu même. Nous ne parlerons ici que du sacre du roi de France & de celui de l’empereur.

Le lieu destiné pour le sacre des rois de France est l’église cathédrale de Rheims. On remarque néanmoins que les rois de la seconde race n’y ont point été sacrés, si ce n’est Louis le Begue, roi & empereur ; mais ceux de la troisieme race ont préféré ce lieu à tout autre, & Louis VII. dit le Jeune, qui y fut sacré par le pape Innocent II. fit une loi pour cette cérémonie lors du couronnement de Philippe-Auguste son fils en 1179. Henri IV. fut sacré à Chartres, parce qu’il n’étoit pas maître de Rheims qui tenoit pour la ligue. La sainte-ampoule dont l’huile sert au sacre des rois, est gardée dans l’église de l’abbaye de S. Remi, & les ornemens dans le trésor de S. Denis. Le jour de cette cérémonie le roi entre dans l’église de Rheims, revêtu d’une camisole de satin rouge, garnie d’or, ouverte au dos & sur les manches, avec une robe de toile d’argent & un chapeau de velours noir, garni d’un cordon de diamans, d’une plume blanche & d’une aigrette noire. Il est précédé du connétable, tenant l’épée nue à la main, accompagné des princes du sang, des pairs de France, du chancelier, du grand-maître, du grand-chambellan, des chevaliers de l’ordre, & de plusieurs princes & seigneurs. Le roi s’étant mis devant l’autel dans sa chaire, le prieur de S. Remi monté sur un cheval blanc, sous un dais de toile d’argent porté par les chevaliers de la sainte-ampoule, apporte cette sainte ampoule au bruit des tambours & des trompettes ; & l’archevêque ayant été la recevoir à la porte de l’église, la pose sur le grand autel, où l’on met aussi les ornemens préparés pour le sacre, qui sont la grande couronne de Charlemagne, l’épée, le sceptre & la main de justice, les éperons & le livre de la cérémonie. Les habits du roi pour le sacre sont une camisole de satin rouge garnie d’or, une tunique & une dalmatique qui représentent les ordres de soudiacre & de diacre, des bottines, & un grand manteau royal, doublé d’hermine & semé de fleurs de lys d’or. Pendant cette auguste cérémonie, les douze pairs de France ont chacun leur fonction. L’archevêque de Rheims sacre le roi en lui faisant des onctions en forme de croix sur les épaules & aux deux bras par les ouvertures pratiquées pour cet effet à la camisole dont nous avons parlé. L’évêque de Laon tient la sainte ampoule ; l’évêque de Langres, le sceptre ; l’évêque de Beauvais, le manteau royal ; l’évêque de Châlons, l’anneau ; l’évêque de Noyon, le ceinturon ou baudrier. Entre les pairs laïcs, le duc de Bourgogne porte la couronne royale, & ceint l’épée au roi ; le duc de Guienne porte la premiere banniere quarrée ; le duc de Normandie, la seconde ; le comte de Toulouse, les épérons ; le comte de Champagne, la banniere royale ou l’étendart de guerre ; & le comte de Flandres, l’épée royale. Ces pairs ont alors sur la tête un cercle d’or en forme de couronne. Lorsque ces dernieres pairies étoient occupées par les grands vassaux de la couronne, ils assistoient en personne au sacre & y faisoient leurs fonctions, mais depuis que de ces six pairies cinq ont été réunies à la couronne, & que celles de Flandres est en partie en main étrangere, le roi choisit six princes ou seigneurs pour représenter ces pairs, & un autre pour tenir la place de connétable depuis que cette charge a été supprimée. C’est ainsi qu’on l’a pratiqué au sacre de Louis XIV. & de Louis XV. Au reste le sacre du roi ne lui confere aucun nouveau droit, il est monarque par sa naissance & par droit de succession ; & le but de cette pieuse cérémonie n’est sans doute que d’apprendre aux peuples par un spectacle frappant, que la personne du roi est sacrée, & qu’il n’est pas permis d’attenter à sa vie, parce que, comme l’Ecriture dit de Saül, il est l’oint du seigneur.

Au sacre de l’empereur, lorsque ce prince marche en ordre avec les électeurs laïques & ses officiers à l’église où se doit faire la cérémonie, l’archevêque officiant, qui est toujours un électeur ecclésiastique, & les deux autres électeurs de son ordre vont le recevoir ; ensuite on célebre la messe jusqu’à l’Evangile, alors on ôte à l’empereur le manteau royal, & deux des électeurs ecclésiastiques le conduisent à l’autel où, après quelques prieres, l’électeur officiant lui demande s’il veut professer la foi catholique, défendre l’Eglise, gouverner l’empire avec justice & le défendre avec valeur, en conserver les droits, protéger les foibles & les pauvres, & être soumis au saint siege. Lorsqu’il en a reçu des réponses convenables, confirmées par un serment sur les évangiles, & fait quelques autres oraisons, les suffragans de l’archevêque officiant découvrent l’empereur pour le sacrer, & l’archevêque prend l’huile benite dont il l’oint en forme de croix sur le sommet de la tête, entre les épaules, au col, à la poitrine, au poignet du bras droit, & en dernier lieu dans la main droite, disant à chaque onction la priere que porte le rituel de cette cérémonie. Les deux autres archevêques électeurs essuyent l’huile avec du coton, ensuite on revêt l’empereur de ses habits impériaux & des autres marques de sa dignité, comme le sceptre, le globe, &c. Quoique la bulle d’or prescrive de faire le couronnement de l’empereur à Aix-la-Chapelle, il se fait cependant ailleurs, comme à Francfort, Ausbourg, Nuremberg.

Sacre ou Sacret, (Art milit.) ce nom se donnoit anciennement à des pieces de canon de fonte, qui pesoient depuis 2500 livres jusqu’à 2850. Elles chassoient des boulets de 4 & de 5 livres, & elles avoient environ 13 piés de longueur. Ces pieces ne sont plus d’usage, mais il est nécessaire qu’un officier d’artillerie en ait connoissance, afin de n’être point embarrassé dans les inventaires qu’il peut être chargé de faire, & dans lesquelles il peut se trouver de ces anciennes pieces. (Q)

Sacre, s. m. (Faucon.) c’est une espece de faucon femelle, dont le mâle s’appelle sacret, il a les plumes d’un roux foncé, le bec, les jambes & les doigts bleus ; il est excellent, & courageux pour la volerie, mais difficile à traiter ; il est propre au vol du milan, du héron, des buses & autres oiseaux de montée : le sacre est passager, & vient du côté de Grece ; celui qui est pris après la mue, est le meilleur & le plus vîte.